1er Mai: Le monde du travail s’enfonce dans la crise en Algérie

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Par Mustapha Benfodil, Algeria-Watch, publié le 4 mai 2020

Le ralentissement, voire l’arrêt de nombreuses activités économiques imposé par le confinement sanitaire a sévèrement impacté plusieurs catégories professionnelles et, par ricochet, autant de familles.

C’est une bien triste «fête du travail» que ce 1er mai 2020. Un 1er Mai en berne, confinement oblige. Mais ce sont surtout les retombées sociales de la pandémie qui ont fait que la très symbolique «Journée internationale des travailleurs» aura été si terne hier. En effet, le contexte épidémiologique a fait que des milliers de travailleurs se sont retrouvés dans la précarité la plus totale, dans notre pays, au même titre que des millions d’ouvriers de par le monde.

Le ralentissement, voire l’arrêt de nombreuses activités économiques imposé par le confinement sanitaire, la difficulté pour beaucoup d’employés de rejoindre leur poste de travail suite à la paralysie des transports publics ont sévèrement impacté plusieurs catégories professionnelles et, par ricochet, autant de familles. Il convient d’évoquer aussi la situation délicate des travailleurs journaliers, qui se retrouvent quasiment sans ressources et ont dû s’en remettre à la solidarité nationale pour affronter le Ramadhan.

«Sauvegarde des postes d’emploi touchés par la pandémie»

Dans un message adressé aux travailleurs à l’occasion du 1er Mai, le président Abdemadjid Tebboune a tenu d’emblée à rendre hommage au défunt Abdelhak Benhamouda, l’emblématique secrétaire général de l’UGTA assassiné le 28 janvier 1997. « Je m’incline à la mémoire de tous ceux qui ont mené ces batailles nationales nobles, ainsi que les chouhada du devoir national durant la décennie noire, en tête desquels feu Abdelhak Benhamouda, qu’Allah leur accorde tous Sa Sainte Miséricorde», a-t-il déclaré.

Rappelant ses engagements, M. Tebboune a souligné : «Depuis mon élection en tant que président de la République, j’ai pris plusieurs décisions pour réactiver la vie économique.»

«L’Etat œuvrera, avec rigueur, à redonner au travail sa véritable valeur, à renforcer la place des travailleurs, notamment les classes moyennes et vulnérables, augmenter leur pouvoir d’achat et créer les conditions idoines d’une vie décente pour eux et pour leurs enfants, car nous sommes convaincus que les travailleurs sont le catalyseur de la prospérité nationale.»

Abordant l’impact de l’épidémie de Covid-19, le chef de l’Etat a fait savoir : «Même si toute notre attention est focalisée, ces derniers temps, sur la préservation de la vie et de la santé des citoyens, du fait de la propagation du nouveau coronavirus, je tiens à vous réaffirmer mon engagement à résoudre tous les contentieux en suspens, annuler l’impôt sur les petits revenus et préserver les acquis sociaux.»

Pour ce qui est de la préservation des emplois, M. Tebboune a précisé : «J’ai instruit le gouvernement à l’effet d’accélérer le processus de régularisation de la situation des titulaires de contrats de préemploi et d’examiner les meilleures voies de sauvegarde des postes d’emploi touchés par la pandémie de Covid-19, tout en veillant à assurer l’équilibre entre les exigences de la sécurité sanitaire et les besoins de la relance économique.»

«Honorer les salaires des travailleurs»

De son côté, le secrétaire général de l’UGTA, Salim Labatcha, a estimé, dans une déclaration à l’APS la veille de la célébration de la Journée internationale des travailleurs, que le plus urgent à l’heure actuelle est de sauver les salaires : «Notre priorité actuelle en tant que centrale syndicale, c’est la concertation avec les pouvoirs publics et le patronat pour voir comment assister l’entreprise à assurer et à honorer les salaires des travailleurs pendant la période de confinement imposé par la pandémie du nouveau coronavirus.»

Et de faire remarquer : «La situation sanitaire a obligé plusieurs secteurs, comme ceux du bâtiment, des travaux publics et des transports, à arrêter complètement leurs activités.

D’autres secteurs ont réduit leurs activités.» M. Labatcha a indiqué, par ailleurs, que l’autre priorité de la centrale syndicale est «la relance de l’entreprise après le Covid-19» en affirmant qu’un «dialogue décentralisé» est prévu dans ce sens. «Ce dialogue consistera, en premier lieu, en des rencontres entre les sections syndicales de chaque entreprise avec les employeurs pour étudier la situation et tracer une politique adaptée à sa relance et au maintien de sa viabilité», a assuré le secrétaire général de l’UGTA.

Pour sa part, le Front des Forces socialistes (FFS) a de prime abord souligné le caractère particulier de cette journée au vu du contexte dans lequel elle intervient : «Cette année, le 1er Mai est exceptionnel à plus d’un titre car la crise sanitaire due à la pandémie de coronavirus, qui touche tous les pays, occasionne des drames sur le plan humain, économique et social, et empêche les travailleurs d’exercer leur droit de manifester à cause du confinement. Ce n’est donc pas une fête.»

Dans le même document diffusé sur son site officiel, le FFS considère qu’«au-delà du chômage et des revenus menacés par la prolongation de la crise sanitaire et le ralentissement des activités économiques qu’il faudra compenser par des allocations ciblées, se pose également la nécessité de consolider le secteur public et d’assurer l’accès de tous aux produits de première nécessité et aux services sociaux de base, dont le logement, la santé et l’éducation».

Hommage au personnel soignant

Le FFS n’a pas manqué de rendre un hommage appuyé aux manifestants du hirak ainsi qu’au personnel médical engagé en première ligne dans la lutte contre ce monstre invisible qu’est le Covid-19.

«En cette journée du 1er Mai, le FFS vous convie à rendre tous ensemble un vibrant hommage à tous ceux qui, dans le cadre de la révolution populaire du 22 février, ont manifesté pacifiquement pour la fin du régime actuel et plaidé pour une rupture radicale avec ce système politique qui a gravement failli, et pour une transition démocratique comme unique voie pour la construction d’un Etat de droit, démocratique et social.

Sans oublier les médecins et le personnel soignant qui, au péril de leur vie, ont sauvé celle des autres et continué malgré tous les dangers à combattre cette terrible pandémie.»

Le RCD a tenu, lui aussi, à marquer cette date en rendant «d’abord hommage aux nombreux militants syndicaux et aux travailleurs qui luttent pour leurs droits à se constituer librement en syndicats pour défendre leurs intérêts matériels et moraux».

Dans une déclaration diffusée via sa page officielle Facebook, le parti poursuit : «Dans cette conjoncture difficile où les salaires de misère perçus par l’immense majorité de ceux qui ont un emploi, aggravée par le chômage technique et de nombreuses faillites de petites entreprises, des milliers de familles plongent dans le dénuement. Les salariés et leurs familles ne peuvent pas continuer à vivre de promesses sans lendemain.»

Le RCD dénonce également la répression qui s’abat sur les activistes du hirak et les professionnels des médias : «La poursuite de la répression des activistes du hirak, les atteintes à la liberté de la presse et la précarisation de la jeunesse et de l’immense majorité risquent de disqualifier toute recherche d’une solution pacifique à la crise profonde infligée au pays par un système politique autiste et factionnel.»

Le parti de Mohcine Belabbas «réitère son appel à l’élargissement de tous les détenus politiques et d’opinion». Et de conclure en appelant «à la solidarité la plus large afin de poursuivre le combat pour la dignité et la souveraineté».