L’ALÉNA et l’environnement

L’ALENA contre l’environnement

Extrait d’un texte de Gordon Laxer, Le Devoir, 6 juin 2018

Directeur-fondateur de l’Institut Parkland à l’Université de l’Alberta

 

L’Accord de libre-échange nord-américain condamne le Canada, les États-Unis et le Mexique à maintenir des taux élevés d’émissions de carbone. La version 2.0 de l’ALENA pourrait même s’avérer plus nocive que l’ancienne et nuira vraisemblablement à la transition vers un avenir sobre en carbone.

Les sociétés pétrolières ont grandement participé à la conception de l’ALENA au début des années 1990, alors que la population était peu sensibilisée aux changements climatiques. L’accord contient une règle peu connue, qui a un grand impact sur le climat. C’est la règle de la « proportionnalité » en matière d’énergie, tirée du précédent Accord de libre-échange canado-américain (ALE), signé en 1989.

La règle de la proportionnalité (article 605) donne à Washington un accès pratiquement illimité à la plus grande partie des ressources pétrolières et gazières du Canada.

Cette règle oblige le Canada à mettre à la disposition des États-Unis le même pourcentage de sa production de pétrole, de gaz naturel et d’électricité dont les États-Unis ont bénéficié au cours des trois années précédentes. Actuellement, il s’agit de 11 % de notre électricité, plus de 50 % de notre gaz naturel et environ 75 % de notre production pétrolière.

Aucun autre pays industrialisé n’a cédé à un autre pays une priorité d’accès à ses ressources énergétiques.

Faut-il s’en étonner ? Selon les dispositions sur la proportionnalité, les exportations canadiennes de pétrole et de gaz naturel peuvent augmenter ou baisser selon les aléas du marché, des décisions guidées essentiellement par les grandes sociétés pétrolières. Mais le Canada ne peut pas, à cause de cette garantie offerte aux États-Unis […] réduire ses exportations d’énergie à haute teneur en carbone afin de réduire les gaz à effet de serre (GES), ou rediriger sa production de pétrole pour remplacer les importations du Québec et des provinces de l’Atlantique, comme il l’a fait durant la crise du pétrole des années 1970.

Et ce n’est pas tout. La règle de proportionnalité empêche le Canada d’abaisser le ratio de pétrole et de gaz sales dans la combinaison des produits d’exportation. Le Canada ne peut pas modifier la proportion de bitume (des sables bitumineux) ou de pétrole et de gaz naturel issus de la fracturation hydraulique qu’il exporte vers les États-Unis. Cela signifie que, même si le gaz de schiste fracturé émet plus de GES que le charbon et que le bitume est l’un des combustibles qui génèrent le plus de dioxyde de carbone au monde, en plus d’être localement très dommageable, le Canada ne peut en réduire la production plus rapidement que dans le cas du pétrole et du gaz tirés des sources traditionnelles.

Production c. consommation

Or, c’est la production, et non la consommation canadienne de pétrole et de gaz, qui est la source d’émissions la plus importante de GES et dont la croissance est la plus rapide au Canada. Les taxes sur le carbone et les systèmes de plafonds et d’échanges réduisent faiblement la consommation, mais ils passent totalement à côté du problème principal qui se situe du côté de l’offre.

Nos conclusions montrent que, si le Canada demeure lié à la règle de la proportionnalité, il produira, entre aujourd’hui et 2050, 1488 mégatonnes d’émissions de GES de plus que s’il se libérait de cette règle. Le « poids » cumulatif de la pollution climatique pendant cette période est deux fois supérieure aux émissions annuelles actuelles du Canada et 12 fois supérieure à l’objectif de pollution climatique qu’il s’est fixé pour 2050.

 

 

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