Moyen-Orient : une région hautement explosive

Gilbert Achcar est professeur à la faculté d’études orientales et africaines (SOAS) de l’Université de Londres. Il a publié, entre autres, deux livres sur les révolutions dans le monde arabe : en 2013, « Le Peuple veut. Une exploration radicale du soulèvement arabe » et en 2017, « Symptômes morbides. La rechute du soulèvement arabe ». Entretien réalisé le 9 février 2018.

On parle beaucoup d’une sorte de « guerre froide » entre l’Iran et l’Arabie saoudite. Comment se manifeste-t-elle concrètement ? 

Si on entend par guerre froide un antagonisme aigu, où l’Arabie saoudite et l’Iran sont en concurrence militaro-politique et se font la guerre par pays interposés sans entrer en guerre directement l’un contre l’autre, c’est bien le cas.

Depuis son avènement, le régime iranien issu de la « révolution islamique » de 1979, a été en hostilité permanente avec le royaume saoudien. Ce sont des régimes antithétiques sur le plan politique, bien que relevant tous deux de l’intégrisme islamique. Le royaume saoudien est lié aux Etats-Unis, tandis que la République islamique d’Iran est née du renversement d’une monarchie et est farouchement anti-américaine. Ce qui fait que cette guerre froide s’est réchauffée depuis quelque temps, c’est que l’invasion de l’Irak menée par les USA en 2003, a ouvert une boite de Pandore ; elle a donné la possibilité à l’Iran d’étendre, puis de consolider son influence en Irak, et donc de mettre le pied directement dans un pays arabe limitrophe du royaume saoudien.

Jusque-là l’Iran avait pour principal auxiliaire dans la région le Hezbollah libanais, mais cela restait un souci relativement limité pour les Saoudiens. Par contre, l’expansion de l’influence iranienne en Irak est devenue pour eux une source de grande inquiétude, qui n’a cessé depuis de se renforcer, notamment avec la nouvelle poussée de l’influence iranienne à l’occasion de ce que l’on a appelé le « printemps arabe ». L’Iran profite de la déstabilisation du Moyen-Orient arabe : d’abord celle apportée par l’invasion étatsunienne de l’Irak, puis celle causée par le « printemps arabe » quelques années plus tard. Après l’Irak, l’Iran est intervenu en Syrie à partir de 2013, au moyen d’auxiliaires régionaux mais aussi avec des Iraniens sur le terrain. Puis ce fut le tour du Yémen, où les Houthis sont soutenus par Téhéran, même si le rôle militaire iranien reste limité dans ce pays en comparaison de l’Irak et de la Syrie.

Il ne manque pas de commentateurs en occident pour expliquer qu’on a là un nouvel épisode de l’antagonisme séculaire des chiites et des sunnites. Que penses-tu  de cette « analyse » ?

C’est une explication typiquement « orientaliste » au sens péjoratif du terme, qui renvoie à une logique ramenant toujours tout à des cultures censées être pérennes. Cela ne tient pas debout : le prétendu conflit entre sunnites et chiites n’était pas un aspect majeur de la politique régionale jusqu’à l’invasion de l’Irak et la guerre civile qui a suivi en 2006 et qui a pris un tour confessionnel opposant des sunnites à des chiites dans ce pays.

C’est un fait, cependant, que depuis la « révolution islamique » en Iran, les Saoudiens – dont l’idéologie officielle est farouchement anti-chiite – ont utilisé la carte confessionnelle pour isoler la révolution iranienne, en expliquant que le khomeynisme était un avatar du chiisme contradictoire avec le sunnisme. Les dirigeants de la République islamique, pour leur part, ont bien sûr utilisé leur leadership religieux chiite pour étendre leur influence dans le monde arabe. Ils sont notamment intervenus au Liban pour la fondation, l’armement et le financement du Hezbollah, mais en règle générale leur politique officielle déclarée a été plus panislamique que chiite.

Ils ont essayé d’en appeler à l’Islam en général, et ont tissé des liens assez forts avec les Frères musulmans, qui sont sunnites, mais intégristes comme eux. Ils se targuaient en particulier de soutenir le Hamas, la branche palestinienne des Frères musulmans, en une sorte de binôme avec le Hezbollah. Il y avait donc une politique panislamique de l’Iran qui gênait les Saoudiens et provoquait entre eux une surenchère islamique… Ce qui s’est passé, cependant, depuis l’invasion de l’Irak et surtout depuis la guerre civile dans ce pays, c’est qu’on a vu une escalade dans le confessionnalisme iranien, qui est devenu de plus en plus déterminant. Téhéran a étendu son influence en Irak en utilisant la carte confessionnelle, devenue alors majeure dans sa démarche. Cela a beaucoup contribué à envenimer les choses, avec des Saoudiens qui eux, bien sûr, n’ont pas cessé de diffuser leur idéologie violemment confessionnelle.

Dire qu’aujourd’hui il y a une dynamique confessionnelle sur le terrain, c’est incontestable, mais expliquer cette dynamique par le simple fait qu’il y a des sunnites et des chiites, cela n’explique rien, c’est une tautologie. C’est un processus politique qui a donné au conflit cet aspect confessionnel. On peut le dire d’ailleurs de toutes les survivances historiques telles que le confessionnalisme ou le tribalisme : ce ne sont pas des éléments culturels éternels, mais des éléments culturels qui ont été entretenus ou récupérés, et utilisés à des fins politiques… Pourquoi n’y a-t-il plus de guerres entre catholiques et protestants en Europe, à part le conflit en Irlande du nord, alors que l’Europe a connu de tels conflits et des plus meurtriers dans le passé ? Si ce facteur confessionnel joue à présent un tel rôle au Moyen-Orient, c’est pour des raisons d’histoire politique, et non pour des raisons culturelles ou religieuses. La source du conflit ne réside pas dans les différences religieuses, mais dans des conflits d’intérêts très profanes.

A propos de l’expansionnisme iranien montré du doigt par les Saoudiens, les Egyptiens, les gouvernements occidentaux… qu’en est-il réellement ? Il y a eu ces occasions données à l’Iran d’accroitre son influence en Irak et en Syrie, certes, mais quelles sont les limites de cette influence, et en quoi est-elle réellement une menace pressante pour les intérêts saoudiens, israéliens ou américains ?

Il y a menace pour les trois pays que tu as cités, dans la mesure où l’Etat iranien déploie une politique qui leur est farouchement hostile. Mais je voudrais souligner aussi que l’expansionnisme du régime iranien est en même temps une menace pour les populations de la région. Son exploitation du facteur confessionnel fait exploser les sociétés de la région, ce qui est extrêmement grave.

Cette politique expansionniste est menée en particulier par les Gardiens de la révolution, qui sont un Etat dans l’Etat en Iran : ils contrôlent un secteur majeur de l’économie du pays et sont le bras armé de l’expansionnisme du régime de par leur nature de force militaro-politique. Ce sont eux qui interviennent en Irak, en Syrie, au Liban, où ils encadrent des troupes sélectionnées sur une base confessionnelle. On ne peut être membre du Hezbollah, par exemple, sans être chiite : c’est une organisation confessionnelle. Tout cela introduit des clivages extrêmement dangereux dans les sociétés concernées.

Les Saoudiens ne font pas mieux, il n’y a pas de doute, mais en l’occurrence la politique d’expansion offensive de Téhéran contraste avec le conservatisme des Saoudiens. On ne voit pas ces derniers construire des tentacules armés locaux comme le fait l’Iran. Même en Syrie, ils ont financé et soutenu des groupes qu’ils ne contrôlent pas entièrement. Le royaume saoudien est hyper-conservateur et il craint cette déstabilisation de la région, qui n’effraie pas l’Iran quant à lui !

Tu veux dire que l’instabilité profite à l’Iran, pas à l’Arabie saoudite, qui elle préfère le statu quo ? 

Prends le Liban comme exemple : les Saoudiens n’ont pas monté et ne cherchent pas à mettre sur pied une version sunnite du Hezbollah, bien que ce dernier ait le monopole de la force au Liban. Le régime saoudien est certainement encore plus réactionnaire que le régime iranien, sur le plan social et culturel, mais celui-ci est bien plus agressif et expansionniste. Il joue donc un rôle encore plus dangereux dans la confessionnalisation des conflits dans la région.

Cela a été un antidote essentiel contre la vague révolutionnaire du « printemps arabe ». Si elle n’a pas pu se répandre en Irak malgré des tentatives de mobilisation sociale, c’est surtout à cause du clivage confessionnel. Idem au Liban. Si en Syrie le régime a pu résister à la vague révolutionnaire et contre-attaquer, c’est également en utilisant le facteur confessionnel, mais c’est aussi et avant tout grâce au soutien de l’Iran au moyen de milices confessionnelles venues d’Irak, du Liban et d’Iran même (notamment des troupes constituées de réfugiés afghans dans ce dernier pays, souvent enrôlés de force). Ces milices jouent un rôle crucial dans le maintien du régime.

Mais qu’en est-il de l’Etat irakien actuellement ? Il semble exagéré de le décrire comme un vassal de l’Iran, mais il est profondément lié à ce dernier tout en étant pourtant bénéficiaire du soutien américain ?

C’est paradoxal, en effet. Il y a depuis longtemps une concurrence combinée avec une collaboration entre les Etats-Unis et l’Iran en Irak. L’invasion américaine s’est faite dès le départ avec la complicité de l’Iran, ce qui fait que des nationalistes arabes sunnites, comme les Baasistes, accusent régulièrement l’Iran d’être complice des Etats-Unis, et se présentent comme victimes d’un complot irano-américain. C’est un fait indéniable que, lorsque les troupes américaines ont envahi l’Irak, elles ont apporté avec elles le Conseil suprême de la révolution islamique en Irak, inféodé à l’Iran, ainsi que le parti Dawa, parti confessionnel chiite lié à l’Iran… L’occupation les a même installés au gouvernement !

Dans quelle mesure c’était de la bêtise de la part de l’administration Bush, on peut en discuter, mais il y a eu incontestablement une part de bêtise… L’équipe Bush a même déclaré, un an après l’invasion, avoir été bernée par un aventurier, du nom de Chalabi, qui avait été leur principal guide dans leur aventure irakienne, et qu’ils ont accusé ensuite d’avoir été un agent double pour le compte de l’Iran. Le résultat, en tout état de cause, est qu’ils ont installé l’Iran au pouvoir en Irak, et cela du temps même où les troupes américaines étaient encore là. Ils ont installé Maliki à la tête du gouvernement, alors que c’est l’homme qui a considérablement renforcé les liens entre l’Etat irakien en reconstruction et l’Iran.

Quand les Etats-Unis ont quitté l’Irak en 2011, ils ont laissé un pays qui était bien plus soumis à Téhéran qu’à Washington. Et lorsque, trois ans plus tard, Daesh a fait sa percée en Irak, les Etats-Unis ont mis comme condition à leur intervention la démission de Maliki, l’homme qu’ils avaient eux-mêmes mis à la tête du gouvernement. Ils ont obtenu qu’il soit remplacé par Abadi qui joue la carte du neutralisme, mais sur le terrain, quel que soit le souhait du premier ministre actuel, les forces directement liées à l’Iran sont aussi puissantes que l’armée officielle, elle-même contrôlée par l’Iran. Le chef des Gardiens de la révolution iraniens se promène dans toute la région, visite les troupes, donne des consignes, comme en territoire conquis…

Comment analyses-tu la politique américaine, ou peut-être les politiques américaines, vu le chaos qui semble régner en ce moment au sommet de l’Etat américain ? Est-elle plutôt suiviste/opportuniste par rapport aux menées saoudiennes, ou sont-ils davantage eux-mêmes à la manœuvre ? Ont-ils une stratégie cohérente aujourd’hui ?

On n’a jamais vu pareille cacophonie à Washington, en effet. Même au temps du Watergate, il n’y a pas eu de cacophonie dans la politique étrangère. Aujourd’hui, il y a Trump, qui souhaiterait mener une certaine politique, et l’establishment, l’armée, le Pentagone, qui ne suivent pas sur nombre de choses. Pour ne citer qu’un exemple, Trump avait promis à Erdogan de cesser le soutien aux forces kurdes en Syrie, et le Pentagone a dit exactement le contraire un mois plus tard.

Trump misait sur son rapprochement avec Moscou, et voulait développer une politique à partir de ce rapprochement. Il comptait sur la Russie pour bouter l’Iran hors de Syrie, mais cela n’a pas marché. Il a vu plein d’obstacles se dresser contre sa volonté de rapprochement avec Poutine. D’autre part, il y a le Pentagone qui a décidé, depuis 2014-2015, de s’appuyer sur les Kurdes syriens, sur les Unités de protection du peuple (YPG), et qui se félicite d’avoir fait ce choix : ce sont d’excellents combattants…  Washington les a poussés à créer une force comprenant des Arabes, les Forces démocratiques syriennes (FDS), pour ne plus apparaître comme une force exclusivement kurde. Les FDS ont remporté la bataille contre Daesh sur le territoire syrien.

On voit toute la complexité de cette situation, où un certain « anti-impérialisme » campiste (qui d’ailleurs est exclusivement anti-américain, et souvent même pro-russe), comme il s’est manifesté sur la Syrie ou la Libye, ne colle pas. Il y a en effet des cas, qui restent certes exceptionnels, où les Etats-Unis soutiennent, comme en Syrie aujourd’hui, une force progressiste dans sa lutte contre un ennemi réactionnaire. Les YPG sont indiscutablement la force la plus progressiste du pays en Syrie, sur la question clé de la condition des femmes en particulier, et ce quelles que soient leurs limites certaines et sans sombrer dans le délire qui consiste à croire que la Commune de Paris a été réinventée dans les zones kurdes syriennes.

Or il se trouve que ce sont ces gens-là que le Pentagone a décidé de soutenir, ce qui a semé le trouble dans les esprits campistes, qu’on n’a donc pas vus manifester contre l’intervention américaine en Syrie, puisqu’ils pouvaient difficilement condamner des forces liées au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), une organisation qu’ils soutiennent depuis de longues années. Il est évident qu’on ne saurait blâmer les forces kurdes d’avoir accepté le soutien des Etats-Unis, sans lequel ils auraient été écrasés par Daesh. La ville de Kobané n’aurait pu être sauvée sans le soutien aérien américain et l’armement parachuté par les Etats-Unis aux forces kurdes, au grand dam d’Ankara.

Mais en même temps les forces kurdes auraient grand tort de trop compter sur les Etats-Unis, qui tôt ou tard les laisseront tomber ; c’est inévitable. Il y a une sorte d’utilisation réciproque en ce moment, et bien malin celui qui au nom de « l’anti-impérialisme » irait leur reprocher cela, ce qui équivaudrait à leur recommander le suicide. Mais ce n’est évidemment pas un soutien fiable : Washington utilise les YPG pour le moment comme rempart non seulement contre Daesh, mais aussi contre l’Iran. Le Pentagone sait que s’il laissait tomber les Kurdes maintenant, les Iraniens parviendraient probablement à prendre le contrôle de la région à l’est de l’Euphrate.

Penses-tu que la « guerre froide » peut devenir chaude ? Les conflits s’enflamment davantage entre l’Iran et l’Arabie saoudite, et ce qui laisse perplexe c’est la complexité des acteurs, des tensions, et donc le risque d’engrenage.

Les Saoudiens sont échaudés : leur expédition au Yémen a échoué ; tout ce qu’elle a réussi à produire c’est un gigantesque désastre humanitaire. Je vois mal le royaume se lancer dans une aventure militaire contre l’Iran, contrairement à d’autres, comme Israël ou les Etats-Unis, surtout avec une administration Trump aussi farouchement anti-iranienne. De ce côté-là, on ne peut rien exclure. Prenons par exemple le récent bombardement américain de troupes syriennes qui a fait une centaine de victimes. C’est une façon de dire : n’approchez pas des zones où nous sommes présents. La situation peut dégénérer entre Iraniens et Américains. Ce qui bloque les choses, c’est la présence de la Russie, qui ne souhaiterait pas se voir entraîner par Téhéran et encore moins par le régime syrien dans un affrontement avec les Etats-Unis. Mais c’est une situation explosive, certainement.

Y a-t-il un lien entre ces bruits de bottes et les révoltes du printemps arabe de 2011 ? On peut d’ailleurs ajouter maintenant le printemps iranien, car si les manifestations du début d’année ont pris rapidement fin, elles sont quand même symptomatiques. Y a-t-il un lien entre la politique étrangère des uns et des autres et les problèmes intérieurs auxquels ils doivent faire face ?

Bien sûr. Il y a déjà un lien objectif : ces aventures militaires sont coûteuses, et l’Iran en particulier, bien plus que les Saoudiens, fait face à de graves problèmes économiques, qui sont le produit des sanctions et des cours du pétrole, d’une part, mais aussi de cette politique d’expansion que le gouvernement essaie maintenant de financer sur le dos de la population, en appliquant les recettes du FMI. C’est, en effet, le FMI qui a été appelé à la rescousse pour définir une nouvelle politique économique en Iran. Et ce sont ses recettes qui ont provoqué le début de soulèvement populaire qu’on a vu. Un des thèmes forts dans ce soulèvement était le rejet par une partie de la population de cette politique d’expansion régionale. Les gens savent bien que les aventures du régime en Irak, en Syrie et au Liban leur coûtent cher et se font à leurs dépens.

Quant aux Saoudiens, leur problème économique est lié à la baisse des cours du pétrole, mais c’est une baisse qu’ils ont eux-mêmes déclenchée de façon délibérée en 2014. Le royaume est, bien sûr, beaucoup plus riche que l’Iran. Mohamed Ben Salmane, dit MBS, le nouvel « homme fort » saoudien, est en train d’opérer le passage du règne d’une famille élargie, de la taille d’un clan au sens tribal, au règne d’une seule famille restreinte, plus conforme à la tradition monarchique. En d’autres termes et en quelque sorte, c’est le passage de la participation à la propriété de l’Etat de quelques milliers de personnes, membres de la progéniture du fondateur du royaume, à une dynastie fondée sur la progéniture du roi Salmane beaucoup plus réduite, et du passage de la transmission du trône de frère en frère à une transmission de père en fils.

C’est une révolution de palais, dans tous les sens de la formule. Si MBS est en train de secouer le cocotier (il a arrêté plusieurs membres de la famille régnante élargie afin de les obliger à restituer à l’Etat une partie des fortunes qu’ils ont accumulées en exploitant leurs privilèges), il ne le fait nullement par rectitude morale puisque lui-même a fait pire. Ce qui est permis aux uns n’est désormais plus permis aux autres, et c’est aussi une façon commode de renflouer les caisses de l’Etat.

De quel point de vue la situation peut-elle dégénérer ? Même si les uns et les autres ne veulent pas d’une guerre frontale véritable… Tu as dit aussi une chose qui peut surprendre : les Saoudiens seraient craintifs et conservateurs. Mais vu de loin ce sont eux qui sèment aujourd’hui le désordre en séquestrant le premier ministre libanais, en faisant le blocus du Qatar, en intervenant militairement au Yémen. Or tu dis « contrairement à Israël et à l’Iran » ? Tu vois la politique de Netanyahou comme aventuriste ?

La politique israélienne l’est depuis longtemps, depuis l’invasion du Liban en 1982 en particulier. La politique que mène Netanyahou avec son cabinet d’extrême droite est une politique de bord de précipice, une politique extrémiste qui ne fait que jeter de l’huile sur le feu. Cette politique a maintenant trouvé un allié en la personne de Trump, comme l’a montré sa position sur Jérusalem, qui relève de la provocation. Sur le plan militaire, y compris au vu de la situation intérieure en Israël, il est peu probable que le pays se lance dans une opération de grande envergure dans l’immédiat. Mais la fréquence dans la presse israélienne d’articles sur « la guerre qui vient » laisse cependant présager quelque chose.

Il y a en Israël une inquiétude sur l’avancée de l’Iran en Syrie. L’Iran est présent sur la frontière israélo-libanaise à travers le Hezbollah, et il l’est maintenant de plus en plus sur la frontière avec la Syrie. Cela est effectivement un problème pour Israël et, tôt ou tard, le gouvernement israélien va devoir prendre le taureau par les cornes, à moins que les Etats-Unis ne parviennent à sortir l’Iran de Syrie. Pour l’instant, ils comptent sur la Russie : Netanyahou (un grand ami de Poutine) et Trump sont d’accord là-dessus. Mais à chaque fois qu’il y a des manœuvres iraniennes qu’ils considèrent être potentiellement dangereuses pour eux, les militaires israéliens procèdent à des frappes aériennes. Et c’est forcément avec l’accord des Russes, puisque ceux-ci ont installé un puissant système anti-aérien en Syrie, qui épargne l’aviation israélienne.

Pour le moment, les militaires israéliens marquent leur territoire, ils tracent des lignes rouges. Mais tout va dépendre de ce qui va se passer avec la présence iranienne en Syrie dans la période à venir. En tout cas toutes les parties sont sur le qui-vive dans cette région hautement explosive.

Propos recueillis par Yann Cézard

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