Quel avenir pour la Syrie ?

Radwan Zyada, Al-Ahram Hebdo, 18-04-2018

L’effet des frappes occidentales (les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne) contre des sites appartenant au régime syrien, le 14 avril, a été très limité, et il n’est pas prévu qu’il y ait une influence réelle sur le plan politique.

L’effet militaire de ces frappes est également limité à cause de l’absence d’une stratégie complète concernant la phase suivante. La frappe militaire « unique », comme l’a appelée le Pentagone, peut transmettre un message, comme cela a été le cas précédemment, lors de la frappe militaire contre l’aéroport de Shayrat. Or, ce message, Assad ne l’a pas reçu. De plus, la Russie, qui se vante de sa présence militaire en Syrie à travers ses bases répandues sur le territoire syrien, ne se sent pas obligée de faire des concessions après cette frappe. Bien au contraire, la Russie s’est assurée que Washington est peu préoccupé par la Syrie.

Peut-être que les crises américaines intérieures constituent-elles l’une des raisons qui ont poussé Trump à penser à un telle démonstration militaire, afin de modifier la une des journaux. On peut dès lors supposer que dans les scénarios probables relatifs à l’avenir de la Syrie, Washington gardera un rôle limité, surtout après que les forces d’Assad eurent réussi à dominer militairement 3 régions stratégiques qui étaient sous la domination de l’opposition et qui sont Homs, Alep et la Ghouta. Cet acquis réalisé par les forces syriennes et appuyé par les milices iraniennes a permis au régime d’Assad de changer la donne sur le terrain, en particulier après la défaite du groupe terroriste Daech au nord-est de la Syrie. Ces régions sont actuellement sous la domination de forces alliées aux États-Unis et qui sont les Unités kurdes de protection du peuple. Partant de ces données, il est possible de dessiner plusieurs scénarios possibles pour l’avenir de la Syrie.

Supposons que le régime syrien réussisse à dominer militairement toutes les régions, y compris Idleb, les alentours d’Alep et de Hama, qui sont encore sous la domination de l’opposition syrienne armée, partiellement soutenue par la Turquie. Ainsi que d’autres régions qui sont encore sous la domination des Unités kurdes de protection du peuple comme Raqqa, Kobani et Kamishli, partiellement appuyées par les États-Unis. Si ce scénario réussit, il y aura une confrontation entre, d’un côté, le régime d’Assad et les forces russes et iraniennes et, de l’autre, la Turquie dans le cas où le régime d’Assad déciderait de dominer Tall Rifaat et Minbej, qui sont sous la domination de l’Armée syrienne libre avec un soutien partiel de la Turquie. Cela impliquerait également une confrontation militaire avec les États-Unis dans le cas où le régime syrien déciderait de mettre la main sur Raqqa et les régions qui l’entourent à l’est de la Syrie et qui sont actuellement dominées par les Forces kurdes de protection. A mon avis, il est peu probable que ce scénario se réalise, sauf si la Russie trouve un intérêt dans l’escalade militaire directe avec la Turquie et les États-Unis sur le territoire syrien. De plus, il n’est pas probable que le régime syrien réussisse à mettre la main sur tous les territoires syriens. Ce scénario pourrait constituer un rêve idéal pour le régime syrien, mais c’est le plus irréaliste si nous prenons en considération la nature des cartes régionales et internationales qui entourent aujourd’hui la Syrie. Par ailleurs, il est possible de prévoir la division de la Syrie en se basant sur les régions de pouvoir citées dans le premier scénario. Une division basée sur le principe que dans les régions dominées par le régime syrien, le pouvoir sera partagé avec la Russie, avec la présence de bases militaires russes à Hmimim et à Tartous, ainsi que dans d’autres régions, comme c’est actuellement le cas à Alep et dans la Ghouta orientale. Et ce, alors que le sud de la Syrie resterait entre les mains de l’opposition armée, se basant sur l’entente jordano-russo-américaine stipulant de ne provoquer aucune escalade dans cette région. Ce scénario semble être actuellement le plus probable pour l’avenir de la Syrie, avec des changements minimes quant aux rapports de force sur le terrain. Mais en même temps, ce scénario est exposé à des changements sensibles dans le cas où les États-Unis décideraient de se retirer totalement de la Syrie ou dans le cas où la Turquie déciderait de dominer complètement les terrains qui sont sous le pouvoir des Forces kurdes de protection à l’est de la Syrie.

Quant à l’est syrien, les États-Unis y garderaient un pouvoir fort, en particulier à Raqqa et dans les régions qui l’entourent. Et Washington a annoncé, par l’intermédiaire de son secrétaire d’État à la Défense, James Mattis, et de l’ancien secrétaire d’État, Rex Tillerson, son intention de garder ses forces en Syrie pour une période qui n’est pas courte, soit jusqu’à l’après-Assad et afin de garantir que de nouvelles organisations extrémistes n’apparaissent pas pour profiter du chaos actuel en Syrie. Cela signifie que l’est syrien restera pour un certain temps sous le pouvoir américain et celui des Forces kurdes, dont la présence au nord syrien connaît un recul remarquable à cause de l’expansion turque. Selon ce scénario, les forces internationales et régionales vont se partager le pouvoir en Syrie et l’équilibre des pouvoirs va changer selon le changement de ses relations avec les autres forces et aussi selon le changement des intérêts ou des cartes politiques intérieures. Il est évident qu’il n’y aura pas de changement dans le contexte intérieur de l’Iran et de la Russie, en particulier après les dernières élections. Mais avec les problèmes internes que connaît l’Administration Trump, il est possible que sa position en Syrie change. Un rapport, dernièrement publié dans le Washington Post, dit que les États-Unis négocient leur sortie de Syrie avec l’Arabie saoudite en contrepartie de quelques avantages matériels. Si ce rapport est vrai, il est probable que l’Administration Trump se retire complètement de Syrie au profit de la Russie et du régime syrien.

Ce scénario semble le plus probable pour l’avenir de la Syrie, avec des changements minimes dans les cartes. Mais en même temps, ce scénario peut être sujet à de grands changements dans le cas où les États-Unis décideraient de se retirer définitivement de Syrie ou dans le cas où la Turquie déciderait de dominer complètement les terrains qui sont sous la domination des Unités kurdes à l’est de la Syrie.

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