Par Laurence Defranoux, Europe Solidaire Sans Frontières, publié le 19 avril 2020.

Un patron de presse, une défenseuse des droits LGBT, des fondateurs et des chefs de partis d’opposition, des députés et ex-députés, une avocate célèbre… Quinze figures de l’opposition, parfois âgées de plus de 80 ans, ont été arrêtées samedi à Hongkong lors d’une vaste opération policière.
Leur crime ? Avoir soutenu, participé ou organisé certaines des grandes manifestations prodémocratiques qui ont secoué le territoire semi-autonome chinois depuis un an.
Les mis en examen sont notamment accusés d’avoir tardé à se disperser lors de la manifestation du 18 août, qui avait rassemblé 1,7 million de personnes sur les 7,2 millions d’habitants que compte l’archipel, ou d’avoir participé à celle du 1er octobre, organisée sans autorisation le jour de la fête nationale chinoise.

Depuis sa rétrocession à la Chine, en 1997, l’ex-colonie britannique jouit de droits inconnus sur le continent grâce à l’accord « Un pays, deux systèmes ». Les manifestations de 2019 avaient été provoquées par un projet de loi qui prévoyait d’autoriser les extraditions vers la Chine continentale, où règne un système judiciaire opaque.
Le projet de loi a été abandonné, mais Pékin n’a accepté aucune des autres demandes des manifestants, notamment l’instauration du suffrage universel, le lancement d’une enquête indépendante sur les violences policières et l’amnistie des manifestants.

 Manifs impossibles pour cause de Covid

Depuis le début du mouvement, plus de 7 000 personnes ont été arrêtées pour avoir participé à ces rassemblements monstres, parfois émaillés de violences. L’arrivée de l’épidémie de Covid-19, qui a obligé les prodémocrates à suspendre leurs manifestations, a coïncidé avec la nomination d’un proche de Xi Jinping à la tête du bureau chargé de Hongkong à Pékin.
Cette rafle de personnalités semble être une nouvelle tentative du gouvernement local d’écraser le mouvement démocratique opposé à l’influence grandissante du régime central de Pékin sur les affaires de Hongkong.

Ces arrestations surviennent alors que le chef du Bureau de liaison avec Pékin a appelé, la semaine dernière, le gouvernement local à « adopter le plus vite possible l’article 23 » de la mini-Constitution.
Dès 2003, les Hongkongais s’étaient soulevés massivement contre ce projet de loi qui punirait « la trahison, la sécession, et la subversion » contre le gouvernement central chinois, en pleine dérive totalitaire depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping en 2013.

  « Nul ne peut être au-dessus des lois »

Le Bureau de la sécurité de Hongkong a assuré au site indépendant Hongkong Free Press que « ces arrestations ont été décidées après des enquêtes prouvant que ces personnes ont agi illégalement », que « nul ne peut être au-dessus des lois, quel que soit son statut », et que la police mènera les enquêtes de « manière juste et impartiale ».
Alors que des manifestants se regroupaient pour protester contre les arrestations, les autorités ont menacé de les arrêter pour non-respect de la distanciation sociale en temps d’épidémie.

« Pendant que l’attention mondiale est détournée par la pandémie, Pékin et le gouvernement de Hongkong qui lui est asservi ont franchi une nouvelle étape dans la destruction de « Un pays, deux systèmes » », a réagi ce dimanche Chris Patten, qui fut le dernier gouverneur britannique de l’archipel.
Claudia Mo, députée de l’opposition au Parlement local, qualifie la vague d’arrestations de « mise en scène » destinée à installer « un règne de terreur ».

Les quinze ont été relâchés sous caution, et seront jugés le 14 mai.
Ils risquent jusqu’à cinq ans de prison.

Alors que les tensions sont vives entre Washington et Pékin, le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, a qualifié ces arrestations de « profondément préoccupantes ».