Afrique : qui paie la note ? Qui en profite ?

Yves Ekoué AMAÏZO Afrocentricity Think Tank, Médiapart, 7 avril 2021

Le 13 octobre 2020 le Conseil des administrateurs de la Banque mondiale a approuvé 12 milliards de dollars pour « aider les pays en développement à financer l’achat et la distribution de vaccins, de tests et de traitements contre le nouveau coronavirus (COVID-19)1 ». Pourtant, le Groupe de la Banque mondiale ne fait aucun cadeau aux pays pauvres ou en développement.

1 – COVID-19 EN AFRIQUE : LA BANQUE MONDIALE SE SOUCIE PEU DE LA VÉRITÉ DES COMPTES PUBLICS

Dans son message figurant dans le rapport annuel de 20202, David Malpass, le Président de la Banque mondiale se garde bien de faire mention des dégâts causés par cette même Banque mondiale en Afrique, notamment quand elle ferme les yeux sur l’absence de vérité des comptes publics, sur la corruption et sur les biens-mal-acquis, sans compter l’absence d’inscription dans les budgets d’Etat de richesses volées à l’Afrique…

Si l’un des « objectifs » du Groupe de la Banque mondiale « est d’améliorer les conditions de vie des populations les plus pauvres et les plus vulnérables, dans l’immédiat et à long terme » et « d’opposer une riposte à la pandémie de COVID-19 », la réalité est que cette institution prend des garanties sur les Etats africains et ne prête, principalement qu’aux Etats, sans se soucier de son effet de levier sur la corruption et la contre-vérité des comptes publics, ce aux dépens des populations qu’elle est censée « aider ». La Banque mondiale aide donc essentiellement les dirigeants au pouvoir en Afrique, à semaintenir en place.

Elle a prévu d’apporter près de 160 milliards de dollars américains de financements sur une période de 15 ans à répartir sur environ 100 pays. Il n’y a que 50 milliards de dollars américains qui seront accordés sous forme de nouveaux dons et crédits concessionnels transitant par l’Association internationale de Développement, l’agence du Groupe de la Banque mondiale spécialisée dans les crédits à taux préférentiels, faibles et de long-terme.

La Société financière internationale (IFC), l’institution du Groupe de la Banque mondiale qui finance le secteur privé au taux du marché, avec un budget dédié de 4 milliards de dollars américains, a mis en place la Plateforme mondiale pour la santé pour accompagner les fabricants de vaccins, afin d’encourager l’accélération de la production de vaccins et de traitements contre la COVID-19, dans les pays avancés comme dans les pays en développement, et d’assurer aux marchés émergents l’accès aux doses disponibles.

L’ensemble de ce dispositif de prêt ira :

  1. d’une part, aux Gouvernements qui devraient l’utiliser pour la protection sanitaire des populations pauvres et vulnérables, et
  2. d’autre part, aux entreprises pour des soutiens divers pour que les entreprises éligibles puissent continuer à soutenir la croissance économique.

2 – CHANTAGE DES PAYS RICHES POUR IMPOSER LES VACCINS AUX AFRICAINS

C’est donc un abus de langage de dire ou d’écrire ici et là selon la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, « l’Afrique aura besoin de 12 milliards de dollars américains pour s’approvisionner et distribuer les doses de vaccins nécessaires à l’interruption de la circulation du nouveau coronavirus3 ».

En réalité, il y a comme un chantage des pays riches via la Banque mondiale. Le deal consiste à accepter ce prêt selon les termes de la Banque mondiale et en contrepartie, l’institution de Bretton Woods consentirait à négocier une « prolongation du moratoire accordé par les pays du G20 sur le remboursement du service de la dette des pays africains », afin d’augmenter le niveau de liquidités des Etats africains, tout en augmentant le niveau de dépendance et de servitude volontaire.

En définitive, la réalité de ce qui sera mis effectivement à la disposition des populations africaines concernées pourrait ne pas dépasser 30 % de l’enveloppe totale de 160 milliards de dollars américains sur 15 ans, soit pour les pays africains proposés aux guichets concessionnels, entre 50 et 200 millions de dollars américains, le prix d’un hôpital équipé variant entre 30 lits et 100 lits.

Il n’est donc pas possible d’évoquer ce sujet brûlant de l’éradication de la pandémie des Coronavirus, du fait des nombreuses mutations de la COVID-19 en cours d’émergence, sans parler d’accès équitable aux vaccins contre la COVID-19. Le problème est que certaines entreprises, multinationales comme nationales, grandes comme moins grandes, en profitent pour faire des bénéfices monstres.

Selon un autre rapport du Groupe EURASIA commandé par la Fondation Bill & Melinda Gates et cité par l’Organisation mondiale de la santé (OMS)4, le seul fait de produire pour le programme COVAX fondé sur l’accès équitable de tous aux vaccins, tests et autres protections, « devrait générer 153 milliards de dollars de bénéfices en 2020-2021, pour atteindre 466 milliards de dollars en 2025, dans 10 pays les plus avancés économiquement ».

Autrement dit, une solution équitable en matière de vaccins se traduirait pour les 10 pays riches qui ont fourni les financements à hauteur d’environ 38 milliards de dollars américains ($EU), par des bénéfices qui s’élèveraient à 153 milliards de dollars en 2020 et 2021, et qui atteindraient 466 milliards de dollars en 2025, soit plus de 12 fois le coût total du programme dit « l’Accélérateur ACT » public-privé sous la coordination de l’Organisation mondiale de la Santé, qui a été estimé à 38 milliards de dollars.

Comme par hasard, aucun dirigeant africain concerné n’a été invité pour définir les priorités dites « urgentes5 » pour agir en accéléré (ACT Accelerator). Les principales institutions agissant au nom de leurs actionnaires sont : CEPI, GAVI, Global Fund, Find, UNITAID, WELLCOMETRUST, The World Bank, World Health Organization (Organisation mondiale de la Santé), Bill & Melinda Gates Foundation6.

Il s’agit principalement de 10 pays les plus riches économiquement comme le Royaume-Uni (1.000 millions de dollars américains, l’Allemagne, 618 millions $EU, le Canada, 290 millions $EU, le Japon, 229 millions $EU, et la France, 147 millions $EU7. Les pays suivants font partie de la liste sans que les montants ne soient clairement établis : la Corée du Sud, les Émirats Arabes Unis, les États-Unis, le Qatar et la Suède8.

La priorité de plusieurs dirigeants mal-élus est de conserver le pouvoir. Ainsi les conditionnalités consistant à accepter de mettre en œuvre les fourches caudines du conseil d’administration de l’Accélérateur ACT sous forme d’acception du programme sanitaire destiné à l’Afrique, n’est en soi pas un problème, surtout si cela peut servir à éliminer des « oppositions politiques » ou à mettre de côté des proches politiquement, mais ayant des ambitions démesurées, selon eux…

Le chantage des pays riches pour imposer les vaccins aux africains devient un effet de levier pour justifier les lois liberticides et le confinement, l’occasion de mettre au pas une société civile qui fait du « bougisme » qui pourrait leur porter ombrage.

3 – AFRIQUE : L’ABSENCE DE STATISTIQUES FIABLES SUR LES MORTS DU FAIT DES VACCINS ARRANGE-T-ELLE TOUT LE MONDE ?

Il faut toutefois s’interroger sur le « non-chiffrage » des externalités, à savoir les effets négatifs attendus comme des « flambées durables dans les pays à revenu faible et intermédiaire de la tranche inférieure » selon le rapport EURASIA, ce qui signifie littéralement selon Afrocentricity Think Tank, de nombreux morts en Afrique. S’il est question de « prévenir, de protéger, de traiter et de tester », rien n’est dit sur la responsabilité que doit porter ce groupe sur le nombre de morts ou autres handicapés, passés par pertes et profits, surtout en Afrique, non sans une certaine complicité-collusion avec ou sans chantages sur les dirigeants en Afrique.

Les assurances de l’OMS que son programme dit « COVAX » peut offrir la « garantie de disposer de centaines de millions de doses de trois vaccins prometteurs, dont au moins 200 millions sont destinées aux pays à revenu faible » souffre du silence sur l’absence de statistiques du nombre d’Africains ayant bénéficié de ce programme et qui sont morts « subitement » ou mourront à petite dose de métaux liquides contenus dans certains de ces vaccins.

Pour Alexander Kazan, le Directeur général de la stratégie mondiale au sein du Groupe EURASIA et co-auteur du rapport, outre […] « les raisons humanitaires et éthiques claires pour soutenir l’Accélérateur ACT et le dispositif COVAX, en plus des bénéfices économiques évidents pour les pays en développement. En ne faisant rien, le risque est d’annuler des années, voire des décennies, de progrès économiques. Mais notre analyse montre que le programme aura vraisemblablement des effets économiques positifs et des retours sur investissement pour les principaux pays donateurs également ».

Autrement dit, le retour sur investissement pour les principaux pays riches donateurs et tous des pays riches apparaît comme la priorité « première » dans l’accès équitable pour les pays pauvres9 aux vaccins dont l’efficacité semble varier, voire muter comme le nouveau virus mutant européen que tous refusent de nommer.

Le retour sur investissement pour certains chefs d’Etat africains qui ont payé le prix fort pour des vaccins inutilisables du fait de la corruption en amont dans les commandes, est évident. Pas vu, pas de preuves, pas pris !!! … Un triptyque valable aussi pour les institutions de Bretton-Woods… YEA.