Canada : exportation des armes, la bonne business

Kelsey Gallagher, Projet Ploughshares , 22 septembre 2020

 

L3Harris WESCAM, la filiale canadienne du géant américain de la défense L3Harris, est l’un des principaux producteurs et exportateurs mondiaux de systèmes de capteurs d’imagerie et de ciblage électro-optiques / infrarouges (EO / IR), avec environ 500 millions de dollars canadiens   d’exportations annuelles. WESCAM est situé à Burlington, en Ontario.

Comme la plupart des fabricants d’armes basés au Canada, WESCAM exporte la majeure partie de ce qu’elle produit. Ses produits sont utilisés dans plus de 80 pays sur plus de 190 plates-formes, principalement pour le renseignement, la surveillance, l’acquisition d’objectifs et la reconnaissance (ISTAR).

Depuis 2017, la Turquie est un client majeur des produits WESCAM, juste derrière les États-Unis. Pendant ce temps, l’armée turque a non seulement été active pour tenter de réprimer une insurrection dans le sud-est de la Turquie, mais elle s’est de plus en plus impliquée dans les conflits armés en Syrie, en Irak et en Libye.

Sur la base d’une analyse des obligations internationales du Canada, du contrôle des armements au pays et d’une évaluation de la conduite récente de la Turquie pendant la guerre, l’exportation canadienne de capteurs WESCAM vers la Turquie présente un risque important de faciliter la souffrance humaine, y compris les violations des droits de la personne et du droit international humanitaire. Les autorités canadiennes sont tenues par le droit international et canadien d’atténuer les risques de tels transferts, y compris par le refus de permis d’exportation, lorsque ces risques sont apparents dès le départ – ce qui semble être le cas des exportations de WESCAM vers la Turquie.

Project Ploughshares a recueilli des preuves dans des archives gouvernementales et publiques, des rapports dans les médias, des sources universitaires, des comptes d’observateurs crédibles des droits de l’homme et des données open-source qui indiquent fortement que les capteurs WESCAM EO / IR, montés sur des véhicules aériens sans pilote (UAV), ont été largement utilisé par la Turquie dans ses récentes activités militaires. Une telle utilisation soulève de graves signaux d’alarme, car il a été allégué que l’armée turque a commis de graves violations du droit international humanitaire (DIH) et d’autres violations, en particulier lors de frappes aériennes.

Il semble que la Turquie ait également exporté des drones équipés de capteurs WESCAM vers des groupes armés en Libye, une violation flagrante de l’embargo sur les armes de l’ONU, vieux de près de dix ans.

L’augmentation spectaculaire des exportations de systèmes WESCAM vers la Turquie a persisté malgré l’adhésion du Canada en 2019 au Traité sur le commerce des armes (TCA), le premier cadre contraignant qui vise à réglementer le commerce international et le transfert d’armes, et à réduire les souffrances humaines causées par leur prolifération. . L’exportation de capteurs WESCAM vers la Turquie constitue une étude de cas troublante de la façon dont le Canada se conforme à ses obligations en vertu du TCA. S’ils sont une indication de la pratique future du Canada en matière d’autorisation des exportations d’armes, les perspectives ne sont guère prometteuses.