Canada : manoeuvres contre le Mali

Lital Khaikin, extrait d’un texte paru dans Canadian Dimension, 14 octobre 2020
Malgré le soutien apparent des Maliens au renversement de leur propre administration, les gouvernements occidentaux se sont empressés de dénoncer la révolte récente au Mali comme «inconstitutionnelle» et «non démocratique». Suivant les interventions de la France et des États-Unis, le ministre canadien des Affaires étrangères, François-Philippe Champagne, a émis une déclaration condamnant le coup d’État et appelant l’armée malienne à «suivre rapidement l’ordre constitutionnel du Mali et respecter les droits humains de tous les Maliens. « 
Tout comme la France et les États-Unis, le Canada a ses propres raisons de se préoccuper de la «stabilisation» au Mali, avec de nombreuses opérations minières, notamment des mines d’or au Mali même, ainsi que dans le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire voisins, et des mines de bauxite en Guinée. L’Institut canadien des affaires mondiales a publié un rapport en 2013 décrivant le Mali et le Burkina Faso comme des « canaris dans la mine d’or » pour signaler les défis liés à «la vulnérabilité environnementale, la fragilité de l’État» et la «menace du nationalisme des ressources».
Les entreprises B2Gold et Robex du Canada, par exemple, sont considérées comme les plus importantes exploitations minières canadiennes au Mali. En juin dernier, Mining Watch a rapporté que B2Gold avait poursuivi ses opérations à pleine capacité pendant la pandémie COVID-19, manifestant clairement peu de souci pour le bien-être des travailleurs tant que les marges bénéficiaires se maintenaient.
Le maintien de la paix
La dénonciation par Champagne du coup d’État du Mali en août doit également être vue en rapport avec  la présence du Canada dans une mission de maintien de la paix de l’ONU au Mali qui a pris fin l’année dernière. En 2018-2019, le Canada a participé à une mission appelée Opération Présence, à l’appui de l’opération de maintien de la paix des Nations Unies, la Mission multidimensionnelle intégrée de stabilisation (MINUSMA).
Outre la mission des Nations Unies, le gouvernement canadien a fourni près de 1,6 milliard de dollars d’aide au Mali depuis 2000 et a historiquement maintenu une présence militaire dans le pays grâce au programme de formation et de coopération militaires.
Selon Aisha Ahmad du Globe and Mail, en participant à la MINUSMA, le Canada se plongeait dans une région en proie à des divisions ethniques et à une «hyper-fragmentation» de groupes sectaires qui comprennent de multiples ethnies. Un manque de compréhension publique de ces divisions entre factions et ethniques a été renforcé par les médias canadiens qui répètent les menaces généralisées des «djihadistes islamiques» dans la couverture limitée du Mali, mais fournissent rarement un contexte plus profond.
Cet engagement a contribué à façonner la perception du Canada sur la scène mondiale. On considère que sa participation sans enthousiasme à l’opération Présence a joué un rôle dans l’échec du premier ministre Justin Trudeau à remporter les élections au Conseil de sécurité en juin.
Il y a eu peu de couverture ou d’examen minutieux du rôle du Canada au Mali – que ce soit pendant l’opération Présence ou après le retrait du Canada. Selon Yves Engler, l’opération Présence a été utile pour les libéraux qui voulaient se démarquer de Harper en se réengageant avec l’ONU.