Canada : quelle politique extérieure « féministe » ?

Comme une entreprise céréalière commercialisant des cornflakes OGM recouverts de sucre comme un «petit-déjeuner sain», le gouvernement de Justin Trudeau lance des mots à la mode progressistes qui masquent les politiques élitistes et pro-entreprises.
Dans le cadre de leur «politique étrangère féministe» autoproclamée, les libéraux ont établi une politique d’aide internationale féministe (FIAP), convoqué la première réunion des femmes ministres des Affaires étrangères et nommé une ambassadrice pour les femmes, la paix et la sécurité.
Considérée isolément, chacune de ces initiatives est louable. Le problème est que la politique étrangère plus générale du gouvernement est résolument non féministe.
Le gouvernement Trudeau s’est opposé à la négociation d’ un traité d’abolition des armes nucléaires (TPNW) et s’est fermement opposé à la signature du traité. À l’ONU en octobre, le Canada a voté contre  une résolution soutenue par 118 pays qui a réaffirmé son soutien au TPNW. Selon Ray Acheson, directeur du programme de désarmement de la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté,  » Le TPNW est la première loi féministe sur les armes nucléaires, reconnaissant les effets disproportionnés des armes nucléaires sur les femmes et les filles et les peuples autochtones, appelant à une participation plus équitable des femmes au désarmement et rendant obligatoire l’assistance aux victimes et l’assainissement de l’environnement en relation avec l’utilisation d’armes nucléaires et les tests ».
Un autre exemple des paroles creuses des libéraux: les Boliviens ont récemment vaincu un gouvernement élitiste et extrémiste de droite.  Lors des récentes élections, les femmes (pour la plupart autochtones) ont remporté 57% des sièges au Sénat et 51% des postes à la chambre des représentants. À titre de comparaison, 29 p. 100 des députés canadiens sont des femmes. L’année dernière, les libéraux ont soutenu le renversement du gouvernement bolivien qui a adopté les mesures législatives qui ont grandement amélioré la représentation des femmes en politique.
En août 2018, le Premier ministre a félicité le président colombien d’extrême droite Ivan Duque pour avoir adopté « un cabinet égalitaire ». Au cours des deux dernières années, le nombre de femmes chefs de mouvement social colombiennes assassinées a considérablement augmenté, du moins en partie à cause de la politique de Duque – y compris, notamment, sa tentative de saborder l’accord de paix avec les rebelles des FARC.
Dans le même esprit, la page Web d’ Affaires mondiales canadiennes  sur «l’aide internationale du Canada en Haïti» met l’accent sur l’équité entre les sexes. Lors d’une visite en février 2018, la ministre du Développement international de l’époque, Marie-Claude Bibeau, a lancé le premier projet dans le cadre du programme «Voix et leadership des femmes» de la FIAP. «C’est un nouveau président et nous voulons le soutenir», a déclaré Bibeau à CBC avant de partir pour un voyage qui comprenait une rencontre avec le leader illégitime d’Haïti.
Dans une autre position difficile à aligner sur le féminisme, le Canada a été l’un des deux pays à voter contre une résolution du Conseil économique et social des Nations Unies de juin 2019 déclarant que «l’occupation israélienne demeure un obstacle majeur pour les femmes et les filles palestiniennes en ce qui concerne l’accomplissement de leur droits. »
En fait, la FIAP a été lancée en partie pour atténuer les critiques sur la pénurie de dépenses d’aide à un moment où elles augmentaient résolument les dépenses militaires (patriarcales). Le gouvernement a lancé la FIAP au même moment que la déclaration de politique de défense de 2017, qui prévoit une augmentation de 70% des dépenses militaires sur une décennie.