États-Unis et Moyen-Orient : le lourd héritage de Trump

Là, Trump, sous le regard de sa femme Melania, s’est tenu aux côtés du roi Salmane et du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, a placé ses mains sur un globe lumineux monté sur un piédestal avant de se tourner vers les médias rassemblés.

La photo de ce moment, tweetée par l’ambassade saoudienne aux États-Unis, a frappé le monde. Voilà le nouveau dirigeant de ce qui était encore le pays le plus puissant au monde, dans une pièce remplie d’ordinateurs, dans une relative obscurité et accompagné de deux hommes forts du Moyen-Orient, semblant tirer une espèce de pouvoir impie d’une mystérieuse sphère.

Lors de l’inauguration, il a déclaré : « Ce nouveau centre totalement novateur constitue une déclaration nette que les pays à majorité musulmane doivent prendre l’initiative en matière de lutte contre la radicalisation. Et je souhaite exprimer notre gratitude au roi Salmane de cette forte démonstration et de son leadership absolument incroyable et puissant. »

Cette déclaration reflétait deux obsessions de Trump : sa conviction, comme il l’a formulée en mars 2016, que « l’islam nous hait » et celle qu’il était grand temps pour les alliés de l’Amérique de faire le travail auparavant délégué aux États-Unis.

Sur le plan national, la nature islamophobe de son administration s’est confirmée dès la première semaine de son mandat avec la signature du décret présidentiel 13769, plus connu sous le nom de « Muslim ban », qui a interdit l’accès au territoire américain aux ressortissants d’une série de pays à majorité musulmane.

Le sectarisme antimusulman est désormais inscrit dans la loi américaine

Avant son élection, Trump avait déclaré en novembre 2015 qu’il « mettrait certainement en place » une base de données pour ficher les musulmans aux États-Unis. Par ailleurs, lors d’un rassemblement dans le New Hampshire la même année, quand un de ses partisans avait affirmé que « nous avons un problème dans ce pays ; on appelle ça des musulmans », Trump avait abondé dans son sens.

À Riyad, il s’est avéré que l’orbe lumineuse n’était qu’un globe translucide – un accessoire et rien de plus. Mais il s’agissait du premier voyage à l’étranger de Trump et tout avait une forte charge symbolique.

Après l’Arabie saoudite, il s’est rendu en Israël où un tapis rouge l’attendait à sa descente d’avion, ainsi que le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou qui l’a pris par le bras et a répété : « Bienvenue mon bon ami. »

Plus tard, Trump fut le premier président américain en fonction à visiter le mur des Lamentations. Il a annoncé lors d’une conférence de presse qu’il était temps pour l’Iran de mettre fin à son « financement meurtrier » des « terroristes et des milices ».

Une marge de manœuvre limitée

Ces épisodes se sont avérés significatifs. Maintenant que Trump va être remplacé par Joe Biden, son opposant démocrate, le moment est venu de les passer en revue.

Au moment de la rédaction de cet article, la transition s’annonce vraisemblablement difficile. La Chambre des représentants sera contrôlée par les démocrates, tandis que le Sénat restera sans doute aux mains des républicains.

La marge de manœuvre de la prochaine administration américaine pourrait être limitée. Trump – et le trumpisme – n’ont pas connu la défaite cinglante espérée par de nombreux progressistes.

L’homme et son idéologie sont là pour rester, tout comme les profondes divisions auxquelles sont confrontés les États-Unis sur le plan national, ce qui a des répercussions sur leurs performance à l’étranger.

Avec la victoire de Biden, retour vers le futur pour Israël et la Palestine

Il pourrait s’avérer compliqué de revenir sur les positions en matière de politique étrangère adoptées par la Maison-Blanche au cours des quatre dernières années.

Il convient également de noter que Biden, incarnation de l’establishment démocrate qui considérait le changement systémique proposé par Bernie Sanders comme étant aussi dangereux que Trump, pourrait ne pas avoir de réelle volonté de revenir dessus.

Ces positions sont inébranlables vis-à-vis de l’Arabie saoudite et d’Israël. Pendant le mandat de Trump, ces deux alliés – déjà généreusement soutenus par Washington – ont reçu un plus grand soutien diplomatique et politique de la part des États-Unis que tout autre État.

Ce soutien s’est doublé de la défense personnelle de Netanyahou et du prince héritier Mohammed ben Salmane, modernisateur autoproclamé de l’Arabie saoudite, directement lié à de nombreuses atteintes aux droits de l’homme, notamment le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi.

Mais cette défense est réciproque, et s’il y a une chose qui définit la politique étrangère américaine qui semble erratique sous ce président, alors c’est le penchant mercantile de Trump pour les hommes forts avec lesquels il peut faire des affaires ; les nations et les dirigeants dont l’intérêt vorace rend des accords possibles.

Plus important encore, le président était comparable à une marionnette ou à un idiot utile pour un certain nombre de conseillers en politique étrangère, dont les opinions étaient auparavant jugées extrêmes même selon les standards de Washington, un dirigeant souvent mené par quiconque crie à son oreille. Trump se lassait de ses conseillers après un moment (ou eux se lassaient de lui). Puis ces derniers quittaient la Maison-Blanche pour écrire un livre à propos de la stupidité de leur patron, lavant généralement leur réputation au passage.

L’hostilité envers l’Iran, la virulente défense d’Israël, un intérêt sélectif envers la démocratie et un certain penchant pour les autocrates avec lesquels il est possible de faire des affaires ont toujours été des caractéristiques de la politique étrangère américaine. Mais comme bien d’autres choses sous la présidence Trump, ces caractéristiques ont été dénaturées et réduites à leur forme la plus extrême, et les victimes habituelles (Palestiniens, gauchistes, défenseurs de la démocratie, musulmans) se retrouvent dans une position bien pire à la fin de ce mandat qu’elles ne l’étaient il y a quatre ans.

Le chemin de Trump vers la Maison-Blanche

Pendant les décennies précédant son élection à la présidence, Trump était un homme célèbre qui s’écoutait parler. Ce phénomène était aggravé par la nature de sa célébrité, laquelle signifiait qu’on lui demandait souvent s’il allait se présenter à la présidentielle, ainsi que ses opinions sur telle ou telle politique.

Il est probablement juste de dire qu’avant qu’il ne devienne président des États-Unis en 2017, ce fils de millionnaire de l’immobilier new-yorkais, qui passait autant de temps que possible devant les caméras, n’avait jamais véritablement réfléchi à la question de la paix au Moyen-Orient.

Mais il est également vrai qu’on avait là un homme avec des avis et des préjugés très tranchés, qui voyait la vie comme une lutte pour la domination et qui fait passer l’art de conclure des accords avant tout.

En ce qui concerne le monde en général, un thème récurrent développé par Trump pendant ses décennies en tant que célébrité de l’immobilier et star de téléréalité, c’était que les pays qui bénéficiaient d’une forme de protection militaire américaine ne payaient pas leur part, qu’ils étaient des sangsues et que les dirigeants politiques américains étaient pris pour des pigeons.

C’est un thème qu’il a repris lors de sa campagne et qui s’est particulièrement manifesté dans sa posture à l’égard de l’OTAN, dont les membres sont, selon lui, subventionnés par les États-Unis.

En septembre 1987, Trump s’était payé des publicités pleine page – présentées comme « une lettre ouverte de Donald J. Trump » dans plusieurs grands quotidiens américains. « Faites payer le Japon, l’Arabie saoudite et les autres pour la protection que nous leur fournissons en tant qu’alliés », proclamait cette publicité qui avait coûté 94 801 dollars à Trump.

Dans des interviews télévisées, il ajoutait le Koweït à cette liste. Trump exhortait les États-Unis à « taxer ces nations riches », s’épargnant les « frais pour défendre ceux qui peuvent aisément nous payer pour défendre leur liberté ».

Trump est connu pour être susceptible. Cette lettre ouverte se concluait par : « Ne laissons plus notre grand pays être ridiculisé ».

Arabie saoudite : l’importance de l’argent

Au moment où Donald Trump s’est lancé dans la campagne présidentielle en 2015, sa position vis-à-vis de l’Arabie saoudite semblait avoir évolué.

Tandis que des pays tels que l’Allemagne et d’autres membres de l’alliance nord-atlantique étaient toujours considérés comme des profiteurs, le royaume du Golfe était un puits auquel on pouvait s’abreuver pleinement. « L’Arabie saoudite – et je m’entends très bien avec eux », affirmait-il lors de l’un de ses meetings en 2015, « m’achètent des appartements. Ils dépensent 40 millions de dollars, 50 millions de dollars. Est-ce que je suis supposé ne pas les aimer ? Je les apprécie énormément. »

Dans l’absolu, son approche de l’Arabie saoudite a peu changé une fois élu. Lors de ce premier voyage à l’étranger en tant que dirigeant américain, lui et sa famille ont apprécié d’être transportés en voiturettes de golf dorées et d’assister à une fête à 75 millions de dollars organisée en leur honneur, parachevée par un trône pour Trump. Sa principale résidence à Manhattan étant un palace de cuivre et chintz situé dans une tour à son nom, Trump s’est senti chez lui dans le Golfe.

Tandis que son gendre et conseiller Jared Kushner s’est bien entendu avec Mohammed ben Salmane, qui a été fait prince héritier en juin 2017 devenant le dirigeant de fait du royaume, Trump a renforcé une alliance qui s’affaiblissait lentement depuis le début du XXIe siècle.

Comment l’histoire des relations américano-saoudiennes s’est transformée en contrats de vente d’armes

Barack Obama, prédécesseur de Trump, avait demandé aux Saoudiens de cesser d’amplifier les « menaces externes » et avait signé l’accord sur le nucléaire avec l’Iran. Trump s’est retiré de cet accord en mai 2018.

Influencé par une série de conseillers farouchement hostiles aux Iraniens, de Michael Flynn et Jim Mattis (qui aurait fait référence aux « imbéciles de mollahs enturbannés » dirigeant la République islamique) à Mike Pompeo en passant par John Bolton, qui avait fait du changement de régime en Iran l’œuvre de sa vie, Trump a amplifié la menace posée par Téhéran, imposant des sanctions dévastatrices, envoyant des troupes dans le golfe Persique et, en janvier 2020, ordonnant l’assassinat du général iranien Qasem Soleimani.

L’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi en octobre 2018, que la CIA a fini par relier à Mohammed ben Salmane, a suscité une indignation bipartisane à Washington. Trump a été invité à prendre des mesures contre le prince héritier : rien n’a été fait. « J’ai sauvé ses fesses », disait le président à propos de MBS en janvier 2020 selon Bob Woodward. « J’ai réussi à ce que le Congrès le laisse tranquille. J’ai réussi à les arrêter. »

Tandis que Trump, et Kushner en particulier, apprécient clairement MBS sur le plan personnel, la véritable raison à leur soutien était l’argent et la vision mercantile du monde du président. Le prince héritier saoudien a promis des investissements et plus d’argent pour les armes américaines.

En mars 2018, cinq mois avant le meurtre de Khashoggi, MBS s’est assis à côté de Trump dans le Bureau ovale tandis que le président montrait un schéma qui indiquait « 12,5 milliards de ventes à l’Arabie saoudite finalisées », illustré par des photos d’armes américaines achetées par le royaume.

Lors d’une conférence de presse au Japon en juin 2019, huit mois après l’assassinat du journaliste saoudien, Trump a fait référence à MBS comme étant « un bon ami à lui », un homme qui a « fait des choses ces cinq dernières années en termes d’ouverture de l’Arabie saoudite… en particulier pour les femmes ». Ce qui se passait dans ce royaume du Golfe était, selon Trump, « comme une révolution très positive ». Interrogé plus d’une fois à propos de Khashoggi, Trump a éludé la question.

Quelques mois plus tôt, en avril 2019, Trump avait posé son veto à une résolution bipartisane visant à mettre fin à l’implication militaire américaine dans la guerre saoudienne au Yémen.

Israël : toujours plus à droite

Le soutien du président à la droite israélienne, dirigée par Netanyahou, a été encore plus extrême que celui à l’Arabie saoudite. Lors de la campagne en mars 2016, Trump avait déclaré à CNN qu’il était « très pro-Israël », se vantant des dons qu’il avait fait au pays et des récompenses qu’il avait reçues là-bas.

Ces intérêts commerciaux en Israël avant son élection semblent n’avoir été rien de plus qu’un projet de Trump Tower et une marque de vodka qui a eu une certaine popularité auprès de la communauté ultraorthodoxe lors de Pessa’h mais a été jugée imbuvable par quasiment tous les autres.

En ce qui concerne les Palestiniens, Trump a assuré qu’il « aimerait être neutre », mais que c’était difficile parce qu’ils infligeaient trop de terreur.

« Ils doivent arrêter avec le terrorisme car ce qu’ils font avec les missiles et avec les attaques au couteau et toutes ces autres choses qu’ils font, c’est horrible et ça doit prendre fin », estimait-il en mars 2016, répétant une opinion qui n’est pas rare chez de nombreux Américains, à savoir que les Palestiniens sont définis par leur « terrorisme ».

Il convient de noter que, au tout début, de nombreux commentateurs américains semblaient penser que même cette rhétorique n’était pas assez pro-Israël, un commentateur de CNN allant jusqu’à faire observer le « langage inhabituellement objectif sur Israël » de Trump et pointant le fait que, à cette époque, le candidat républicain avait « initialement éludé une question sur la possibilité de déménager l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem ».

La politique de Trump, toujours rassuré par la présence de visages familiers, au Moyen-Orient, a été définie par son gendre Jared Kushner et par deux anciens employés de The Trump Organization : David Friedman (avocat spécialiste des faillites) et Jason Greenblatt (avocat spécialiste de l’immobilier.

Mais le vent soufflait toujours dans la même direction. Sheldon Adelson, ardent sioniste dont le rêve de longue date était de voir l’ambassade déménager à Jérusalem, a finalement investi des dizaines de millions de dollars dans la campagne de Trump en 2016 (et plus encore en 2020). Il était clair que le candidat républicain adopterait très probablement une position résolument pro-israélienne s’il était élu.

Friedman, qui est devenu ambassadeur américain en Israël, est un soutien et un donateur des colonies illégales dans les territoires palestiniens occupés. Fils d’un rabbin conservateur, il aide à lever environ deux millions de dons déductibles des impôts chaque année auprès de soutiens au mouvement colonisateur – notamment la famille Kushner – à travers une organisation appelée American Friends of Beit El Institutions.

Greenblatt, qui travaillait pour Trump depuis 1997, a été catapulté dans le rôle de représentant spécial aux négociations internationales, devenant l’un des principaux architectes du projet de paix au Moyen-Orient de Trump – le soi-disant « accord du siècle », rejeté à l’unanimité par les Palestiniens.

Défenseur des colonies illégales en Cisjordanie, Greenblatt expliquait en novembre 2016 qu’elles n’étaient « pas un obstacle à la paix » et qu’il préférait les qualifier de « quartiers ».

Kushner étant également un ami de la famille Netanyahou, les Palestiniens n’avaient guère de chances : un document de l’administration Trump en 2017 énonçait qu’« Israël n’est pas la cause des problèmes de la région » et que les « organisations terroristes djihadistes » étaient la seule chose faisant obstacle à la paix.

En octobre 2019, Trump a élargi ses attaques régulières sur la députée d’origine somalienne Ilhan Omar (une « socialiste qui hait l’Amérique ») en attaque généralisée contre la communauté somalienne du Minnesota, affirmant lors d’un rassemblement qu’il « donnerait aux communautés locales davantage de poids dans la politique d’accueil des réfugiés et mettrait en place un meilleur système de veto et de contrôles de l’immigration ».

En mars 2019, un tireur qui citait Trump comme « symbole du renouveau de l’identité blanche et de l’intérêt commun » a tué 51 personnes dans des mosquées à Christchurch, en Nouvelle-Zélande.

Le document concernant la sécurité nationale de 2017 a été suivi par diverses initiatives en soutien à Netanyahou et à la droite nationaliste israélienne.

En février de cette année, les États-Unis ont abandonné leur engagement de longue date envers une solution à deux États après une rencontre entre Trump et Netanyahou. En décembre 2017, Washington a annoncé le futur déménagement son ambassade en Israël à Jérusalem.

Lorsque les choses se sont concrétisées en mai 2018, Adelson, qui avait offert de le financer, a pleuré de joie : le même jour, plus d’une soixantaine de Palestiniens ont été tués par les forces israéliennes en l’espace d’une journée (d’autres sont morts de leurs blessures plus tard) tandis qu’ils manifestaient pour leur droit au retour dans leurs demeures ancestrales.

C’était quatre mois après l’annonce par la Maison-Blanche de Trump qu’elle réduirait de moitié son financement prévu à l’UNRWA, l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens. Avant la fin de l’année, le reste de ce financement a été supprimé également tandis que les États-Unis déclaraient que l’agence était une « opération qui présentait des défauts irrémédiables ».

Pour le plus grand plaisir de Trump et Kushner

Lorsqu’il a été publié en janvier 2020, le projet de paix au Moyen-Orient de Donald Trump était encore pire que ce que ce que craignaient ses nombreux détracteurs.

Il reconnaissait l’annexion de la vallée du Jourdain et des colonies israéliennes en Cisjordanie occupée. Il encourageait Jérusalem à devenir la capitale indivisible d’Israël.

Il proclamait qu’un État palestinien ne pourrait voir le jour que lorsque les dirigeants palestiniens accepteront pleinement les nouvelles frontières d’Israël, se désarmeront totalement, évinceront le Hamas du pouvoir à Gaza et conviendront de la supervision sécuritaire israélienne sur l’ensemble de ses territoires jusqu’à un point dans le futur jugé comme le bon moment pour le retrait. Il y avait bien plus encore, rien de bon pour les Palestiniens qui ont unanimement rejeté cet accord.

Ce projet de paix fut alors suivi par les accords de normalisation entre Israël et les Émirats arabes unis, puis entre Israël et Bahreïn.

Le Soudan, paralysé par les sanctions américaines depuis des années, a vu sa révolution récompensée par un pistolet sur la tempe : signer un accord de normalisation avec Israël ou rester sur la liste américaine du terrorisme. Il a choisi la première option, pour le plus grand plaisir de Trump et Kushner.

D’autres nations arabes pourraient bien suivre : Kushner n’a pas tardé à se réjouir de la façon dont lui et son beau-père ont brisé des décennies de solidarité entre ces nations en ce qui concerne la Palestine.

Autrefois, il n’y avait pas de paix avec Israël sans une forme de justice pour la Palestine. Cet accord a été mis à terre par un nouvel ordre régional dirigé par Netanyahou et les royaumes du Golfe (l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis) d’où le prince héritier Mohammed ben Zayed exerce une influence considérable à la fois sur Trump et Mohammed ben Salmane.

En Égypte, le président Abdel Fattah al-Sissi, autre homme fort, a été qualifié de « tueur » par Trump.

Ce terme est utilisé par le président à la fois de manière littérale et comme marque de sagacité commerciale : ceux qui sont rudes en affaires sont, selon le vocabulaire du président, des « tueurs ». Sissi correspond aux deux définitions et Trump affirme également qu’il est son « dictateur préféré ».

Plus récemment, le président américain a suggéré que l’Égypte pourrait « faire exploser » le barrage de la Renaissance construit par l’Éthiopie sur le Nil, lequel provoque d’énormes tensions entre ces deux grands alliés des États-Unis en Afrique.

Si Obama a fini par retirer tacitement son soutien à Hosni Moubarak en Égypte, Trump a activement défendu Sissi, dont le triste passif en matière de droits de l’homme est passé sous silence.

Ailleurs au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, il était intéressant pour ceux d’entre nous qui ont couvert les campagnes du magnat de l’immobilier, d’abord pour la primaire républicaine puis pour la présidentielle, de noter ce qu’il a fait lorsqu’il était en poste.

En 2016, la communauté de la politique étrangère s’était fixée sur l’isolationnisme perçu de Trump. Rassemblement après rassemblement, il prétendait s’être opposé à la guerre en Irak – en fait, il ne l’a fait explicitement qu’un an après l’invasion – et parlait de ramener les soldats américains au pays.

S’il faut bien reconnaître que Trump est certainement allé de l’avant avec ses promesses en procédant au retrait de milliers de soldats d’Afghanistan, d’Irak et de Syrie, des milliers d’autres sont encore sur le terrain.

Les morts de civils ont grimpé en flèche. Les frappes des drones américains se sont multipliées sous Obama et ont continué à progresser sous Trump. En mars 2019, le président républicain a révoqué une politique, introduite par son prédécesseur, qui exigeait la publication par les officiers des renseignements du nombre de civils tués dans les frappes de drones en dehors des zones de guerre.

Esclave du pouvoir et de l’argent

Malgré les quatre dernières années, Washington a cédé le contrôle géopolitique dans certaines régions de Syrie à la Russie. L’influence de l’Iran en Irak s’est accrue à ses dépens. Mais la position de Trump était bien loin de l’isolationnisme, indépendamment de son caractère imprévisible.

Retrait des troupes américaines de Syrie : une victoire compliquée pour Moscou

Des troupes américaines restent stationnées dans le nord-est de la Syrie, où elles sont engagées depuis longtemps avec le groupe État islamique (EI) dont le dirigeant, Abou Bakr al-Baghdadi, a été tué par les Américains en octobre 2019, une grande victoire pour Trump. Washington ne va vraisemblablement pas abandonner de sitôt sa base d’al-Tanf dans le gouvernorat de Homs, peu importe son inutilité.

Les sanctions américaines contre la Syrie semblent nuire à sa population bien plus qu’à son dirigeant, Bachar al-Assad, et consorts.

Le retrait du soutien militaire à ses alliés kurdes, longtemps anticipé dans la région autonome du Nord et de l’Est de la Syrie également, connu sous le nom de Rojava, n’en fut pas moins une énorme trahison, même si l’implication américaine a toujours été vue par la plupart des citoyens comme relevant de leurs intérêts susceptibles d’expirer.

En avril 2017, Trump a réagi à une attaque à l’arme chimique du gouvernement syrien par une frappe aérienne, qu’il a ordonné juste après s’être assis pour dîner avec le président chinois Xi Jinping dans son manoir de Mar-a-Lago en Floride.

Le président américain aurait ordonné cette attaque après que sa fille Ivanka lui a montré des photos d’enfants syriens affectés par l’attaque chimique, une scène qualifiée de « dégoûtante » par Steve Bannon.

Trump a réagi émotionnellement, peut-être, mais c’est également une démonstration de force avant une rencontre avec Xi Jinping : la Chine a depuis pris la place de l’Union soviétique dans la nouvelle guerre froide mitonnée par la Maison-Blanche.

Le temps de Donald Trump en tant que président est révolu mais les pires tendances de l’Amérique en tant que puissance hégémonique mondiale sont gravement exacerbées et quelques-uns de ses meilleurs dossiers sont plus ou moins à l’abandon.

Trump s’est attelé à la question d’Israël et de la Palestine avec l’enthousiasme brouillon du négociateur flamboyant qu’il est, engendrant au final les pires cauchemars des Palestiniens.

Peu intéressé par le travail mais intéressé par la flatterie et les cajoleries, méprisant des croyances sincères, mais esclave du pouvoir et de l’argent, Trump a montré au monde le pire de l’Amérique : un lieu d’injustice désespérante, gouverné par quelques riches.

En amenant les États-Unis près d’une guerre avec l’Iran, en humiliant les Palestiniens, en ayant aucun plan cohérent en Syrie et en Irak et en défendant les autocrates meurtriers dans le Golfe et en Afrique du Nord, ce président américain et son administration laissent la région dans la panade.