États-Unis : le syndrome de Néron

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Ander Gutiérrez-Solana Journoud, extrait d’un texte paru dans Viento Sur, 25 janvier 2020

Les équilibres d’intérêts impossibles?

La gestion des relations bilatérales entre les États-Unis et l’Iran, sous la direction de Trump, reste volatile et inquiétante. Elle est organisée autour de deux enjeux principaux :

  • Placer l’État iranien comme l’ennemi principal des États-Unis et affaiblir son pouvoir économique, religieux, militaire et politique dans la région, au profit des alliés américains, tels que les régimes autocratiques sunnites, le régime sioniste en Israël ou même Daesh (dont l’ennemi militaire principal a toujours été l’Iran et ses alliés).
  • Ensuite, approfondir l’attaque américaine sans précédent contre les Nations Unies (ONU), le multilatéralisme et le droit international. 

Concernant le premier axe, l’Iran n’est pas un acteur qui représente une menace pour la sécurité américaine, bien que ce pays reste un acteur important dans le paysage complexe du Moyen-Orient. L’Iran est le pays qui a le plus contribué à la défaite de Daesh. Pour autant, encourager un conflit ouvert avec l’Iran pourrait être bénéfique en termes électoraux pour une réélection de Trump. Alors qu’en réalité, les intérêts de l’État américain, du point de vue réaliste de sa politique étrangère, seront mal servis par une confrontation avec l’Iran.

Concernant le deuxième axe, l’attaque contre le droit international et l’ONU, nous ramène au paradoxe de Néron. Cet empereur romain, malade et déclinant, avait décidé d’incendier son ancien pouvoir. Aujourd’hui, Trump veut détruire le droit international moderne, qui est le résultat de pactes et d’engagements au sein des élites mondiales. 

Les violations du droit international

En ces semaines de grande tension, USA a foulé aux pieds des aspects cruciaux du droit international général:

  • Meurtre de Soleimani : malgré la propagande américaine, l’illégalité de cette mesure ne fait aucun doute. D’un point de vue international, il s’agit d’une violation flagrante de l’art. 2.4 de la Charte des Nations Unies interdisant toute attaque armée contre un autre État souverain (l’Irak dans ce cas). Il s’agit donc d’une attaque directe contre l’Irak et indirectement contre l’Iran. 
  • Il n’y a pas de défense préventive légitime : l’argument américain selon lequel les actes terroristes imminents est absurde du point de vue de la crédibilité, car il entraîne une abrogation tactique de l’interdiction de la menace ou de l’emploi de la force. Si la menace s’avère réelle, la seule voie légale consiste à fournir des preuves au Conseil de sécurité (ONU) afin qu’il puisse exercer ses pouvoirs pour imposer la paix et la sécurité internationales.
  • J’oppose mon veto à l’entrée du ministre iranien des Affaires étrangères aux États-Unis pour intervenir au Conseil de sécurité : les États-Unis, en tant qu’État qui héberge le siège de l’ONU à New York, ont signé avec cette organisation l’accord de siège, un traité international qui Il réglemente les obligations de ceux qui ont l’honneur et les avantages d’accueillir le siège d’une institution internationale et doit offrir des visas aux représentants des États membres pour faire leur travail.
  • Présence militaire de l’armée américaine en Irak : suite à la demande des autorités souveraines irakiennes de retirer des troupes américaines, la continuité de cette présence est en dehors de l’ordre international, reprenant à nouveau le caractère de force occupante et ouvrant la possibilité de la résistance militaire légitime du peuple irakien.

Les conséquences de cette attaque directe sur les principes du droit international, annoncent une accélération du déclin de l’empire déclinant dont les traits sont les suivants :  

  • Isolation: Aucun État n’est capable de dominer les relations internationales de la solitude. Si la décision légitime de pratiquer une politique étrangère unilatérale demeure, les aspirations habituelles de contrôle de l’agenda international sont considérablement réduites. Il est évident, au cours des trois dernières décennies, que les États-Unis perdent lentement mais régulièrement des alliés fiables et stables. Dans le même temps, d’autres États occupent des positions pour accroître leur influence, voir les cas évidents de la Chine et de la Russie, avec une approche du respect du droit international moins grossière et oppositionnelle que celle démontrée par Trump. N’oubliez pas que le droit international est sans aucun doute un produit des élites du système international à éviter, précisément, l’émergence d’une alternative. Des tentatives pour résoudre le problème libyen ou le changement climatique sont déjà faites sans la participation pertinente de Washington.
  • ONU – USA: Le défi constant lancé à l’ONU et aux règles du multilatéralisme affaiblit l’idée de relations internationales pacifiques, mais annonce également un changement d’attitude des institutions internationales à l’égard de l’ancienne hégémonie. Le boycott américain des règles communes, que ce soit sur la paix et la sécurité ou sur le commerce international ou la culture (voir le blocus de l’OMC ou le retrait de l’Unesco) suppose une déconnexion progressive mais inexorable du multilatéralisme institutionnalisé. 
  • Limites militaires : les tensions militaires avec l’Iran ont entraîné un fiasco pour les intérêts nationaux américains. Malgré les diatribes en ligne de Trump sur la force de son armée, la planète entière a assisté à la première attaque de missiles depuis des années sur une base militaire sous contrôle américain. L’attaque iranienne n’a pas été sanctionnée par le Conseil de sécurité des Nations Unies et n’a pas non plus provoqué de grande réaction de la part des autres puissances. Cela démontre une faiblesse militaire de l’ancienne superpuissance, un phénomène largement inconnu jusqu’à présent.