Haiti : Kote Kòb Petrokaribe a ?

 

Fondation Je Klere (FKLR

Depuis 1986 le peuple haïtien présente des revendications de justice et milite pour un système judiciaire indépendant, responsable, capable de répondre à ses justes revendications. Les efforts consentis pour arriver à ce système se révèlent jusqu’à présent vains. La chute de la dictature des Duvalier n’a pas donné lieu à de grands procès contre les tortionnaires du régime encore moins à des procès pour les crimes financiers. Il en est de même des différents massacres perpétrés contre la population comme à la ruelle Vaillant, à Jean Rabel, à Piatre ou ailleurs. Depuis quelque temps, la population des quatre coins du pays est mobilisée pour exiger la réalisation du Procès PetroCaribe au cri de  » Kote Kòb Petrokaribe a ? »

Les Faits

Dans le cadre d’une alliance entre les pays de la Caraïbe et le Venezuela, – premier pays exportateur de brut latino-américain- alliance mise en place sous l’inspiration de l’ex-Président vénézuélien Hugo Chavez en juin 2005, Haïti a intégré en avril 2006 le Fonds PetroCaribe. Au terme de cet accord de coopération énergétique, le Bureau de Monétisation des Programmes d’aide au Développement (BMPAD) joue un rôle d’intermédiaire entre le fournisseur vénézuélien et les compagnies pétrolières locales. Ces dernières paient à l’Etat haïtien 100% de la valeur et selon les prix du baril affichés sur le marché international, le Gouvernement haïtien transfert 40 à 70% de cette valeur au fournisseur vénézuélien, la portion restante devant être payée sur 25 ans avec 2 années de grâce et un taux d’intérêt annuel de 1%.C’est en mars 2008 que le premier tanker de carburant est arrivé à Port-au-Prince et donc le fonds PetroCaribe a commencé à être constitué offrant au pays l’opportunité d’augmenter l’investissement public de manière substantielle sur le territoire national. Plusieurs chefs d’Etat et de gouvernement, de septembre 2008 à septembre 2016  sont intervenus dans le cadre de la gestion de ce fonds et des décaissements successifs ont été effectués en vue de la réalisation de projets censés être au bénéfice du pays et des masses défavorisées.

En août 2011, le Premier ministre Gary Conille sollicita, en vain, un audit financier desdits fonds. Depuis, la question fait l’objet de débats dans toutes les couches de la société et en République Dominicaine dans le cadre d’un procès mettant en cause une firme présidée par le sénateur Felix Bautista ayant intervenu en Haïti dans le cadre justement de projets financés à travers ce fonds.

Le Sénat de la République, dans ce contexte, décida, via sa commission Ethique et anti-corruption d’ouvrir une enquête sur la gestion du fonds PETROCARIBE qui s’est révélée, en réalité, une commission de cueillette d’informations et non une commission d’enquête parlementaire à proprement parler. Il en est résulté un rapport accablant sur UNE VASTE OPERATION DE CORRUPTION dans le cadre de la gestion de ce Fonds. Pour parfaire ce rapport, le Sénat a décidé de créer une Commission Spéciale d’Enquête sur le Fonds PetroCaribe (CSEFPC), qui a produit en octobre 2017 un autre rapport qui confirme que la gestion du Fonds PETROCARIBE a été une VASTE OPERATION DE CORRUPTION. On y relève:

  • Des contrats sont passés en violation des procédures de passation de marchés publics ;
  • Des actes de prébendes ;
  • Des contrats passés avec des firmes non éligibles au moment de la signature des contrats ;
  • Un contrat passé avec une personne décédée ;
  • Des contrats sans date ;
  • Des écarts positifs importants entre le coût payé dans certains contrats et la valeur réelle du même produit sur le marché (surfacturation);
  • Des travaux payés en deçà de ceux effectivement réalisés ;
  • Des travaux payés plusieurs fois ;
  • Des contrats signés avec des firmes qui soumettent des documents d’éligibilité non conformes ;
  • La fortune de certains hauts fonctionnaires et de certaines firmes de construction a changé rapidement, etc.;

Certaines firmes indexées dans le rapport du 17 août 2017 ont mystérieusement disparu dans le rapport de la commission spéciale. A titre d’exemple, la firme GTC qui a reçu vingt-et-un millions de dollars (USD 21, 000,000.00) sur un montant total de vingt-deux millions de dollars (USD 22, 000,000.00) pour la construction de 18 km de route et qui n’a construit en réalité que 8 km. Mais, la Commission spéciale n’a pas mentionné cette firme comme devant faire l’objet de poursuite.

Il y a lieu de se demander ici si des indices graves de corruption ne militent pas contre ces firmes. Et si  c’est le cas, l’enquête devra relever si les commissaires ont agi par ignorance ou ont délibérément choisi de favoriser des amis ou partenaires politiques pour éviter la poursuite.

D’autant que les commissaires comme les sénateurs Youri Latortue, Nenel Cassy et Evaliere Beauplan sont aussi  dénoncés par la clameur publique pour des actes qui méritent d’être élucidés. Youri Latortue dans  la gestion de fonds attribués à la ville des Gonaïves par le gouvernement Lamothe, Nenel Cassy pour des actes reprochés à son protégé Patrick Noramé au BMPAD et Evalière Beauplan pour la gestion des charriots de l’Aéroport international de Port-au-Prince.

Des citoyens s’organisent

Plus de soixante citoyens haïtiens ont porté plainte avec constitution de partie civile dans le cadre du procès PetroCaribe.  Ils se disent victimes du fait que dans le budget de la République plus de dix-neuf milliards de gourdes sont prévus pour le remboursement de la dette à partir des taxes et impôts qui seront prélevés sur les citoyens. Outre le remboursement de la dette PetroCaribe avec leurs taxes, ils justifient leur qualité de partie civile par le fait que leurs droits fondamentaux garantis par la constitution tels le droit à la vie, à la santé, à l’éducation et à l’enseignement ont été violés par la dilapidation desdits fonds.

Si les raisons évoquées pouvaient donner droit à chaque citoyen haïtien de se constituer partie civile dans le procès, on peut imaginer le cas où cent mille, deux cent mille,  un million de citoyens haïtiens auraient revendiqué le même droit et décideraient de porter plainte avec constitution de partie civile pour le procès PetroCaribe. La juridiction du tribunal civil de Port-au-Prince serait paralysée par l’usage plus qu’abusif de ce droit. Et il n’y aurait jamais de procès PetroCaribe.

Conclusions

Il saute aux yeux que le procès PetroCaribe est mal engagé. Depuis 1986, le peuple haïtien lutte pour l’indépendance du pouvoir judicaire et présente de justes et légitimes  revendications de justice. Le Pays n’a pas eu droit depuis à un grand procès :

Les crimes des Duvalier sont restés impunis ;

  • Les auteurs des massacres de Jean Rabel, de Piatre, de Raboteau, de la Scierie ne sont jamais jugés et fixés sur leur sort dans le cadre de procès justes et équitables;
  • Les crimes commis pendant le coup d’état de 1991 ne sont pas punis ;
  • Les gabegies administratives reprochées au pouvoir Lavalas dans le rapport Paul Denis n’ont donné lieu à aucun procès même quand Paul Denis était devenu lui-même ministre de la justice.

Tout ceci est lié aux erreurs techniques dans la préparation des dossiers, au manque de volonté politique, aux obstacles institutionnels telles les immunités et la trop forte dépendance du pouvoir judiciaire par rapport aux autres pouvoirs publics. On ne doit pas rater le train du procès PetroCaribe. Il est temps de vivre un grand procès en Haïti. Ce procès doit avoir lieu. Le peuple haïtien a droit à la vérité : Kote Kòb Petrocaribe a ? C’est à cette question que la justice devra répondre dans le cadre d’un procès juste et équitable.

 

 

 

 

 

 

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