Haïti : la police tire sur des journalistes

Le Nouvelliste, 10 février 2021

Les journalistes ont été la cible des policiers, mercredi 10 février, lors d’une marche d’étudiants pour exiger le départ de Jovenel Moïse. Le photojournaliste Dieunalio Chéry a été blessé à la jambe par une grenade lacrymogène. Selon un de ses confrères, le journaliste était en compagnie d’autres photographes au moment où il a été atteint. « Je pense qu’ils ont été ciblés. La police a lancé la grenade lacrymogène en direction de l’attroupement parmi lequel se trouvait le photographe Dieunalio Chéry. Il n’y avait que des journalistes », rapporte-t-il. Le photojournaliste a reçu les premiers soins dans un centre hospitalier de la capitale. Sa blessure a été suturée en attendant une radiographie de la zone affectée.

Un peu plus tard, des agents du CIMO qui se trouvaient dans un véhicule de police provenant de Nazon ont déposé une grenade lacrymogène à l’arrière d’un pickup de Radio télé Pacific. Plusieurs journalistes s’y trouvaient au moment des faits. L’action semblait être délibérée puisque la grenade n’a pas été lancée mais déposée dans le véhicule. Les images saisies notamment par Télé Pacific et le journaliste Guerking Souffrant tournent en boucle sur la Toile et provoquent indignation et condamnation sur les réseaux sociaux.

En réaction, des dizaines de journalistes ont spontanément manifesté pour dénoncer le comportement des policiers. Les forces de l’ordre ont lancé plusieurs grenades lacrymogènes pour tenter de disperser la marche. Les journalistes ont quand même pu parvenir devant les locaux de la Direction départementale de l’Ouest de la PNH.

Le journaliste Johnny Fils-Aimé a été blessé par une bonbonne de gaz lacrymogène. Deux de ses orteils ont été brisés, selon une radiographie.

Le secrétaire d’État à la Communication, Eddy Jackson Alexis, qui a réagi à la blessure de Dieunalio Chéry, a appelé les policiers à faire preuve de retenue. « J’ai appris avec émoi que le journaliste @CheryHaiti a été victime lors d’une manifestation aujourd’hui dans la capitale. J’invite la @pnh_officiel à plus de prévoyance dans ses interventions tout en invitant les journalistes à plus de prudence dans ce métier », a écrit le secrétaire d’État sur Twitter.

Pour sa part, l’Association des journalistes haïtiens (AJH), dans une note de protestation, a dénoncé des attaques contre la liberté de la presse au moment où les autorités réagissent contre des activités revendicatives contre le pouvoir en place. L’AJH a dénombré plusieurs faits pour soutenir son affirmation. « Le jeudi 28 janvier 2021, plusieurs dizaines de journalistes ont marché à Port-au-Prince contre les brutalités policières dont ils sont l’objet lors des manifestations de rue».

Le lundi 8 février 2021, deux journalistes de médias en ligne ont été blessés par balle au Champ de Mars à Port-au-Prince.

Le mercredi 10 février 2021, des agents de la Police nationale d’Haïti (PNH) ont lancé en direction de travailleurs de presse et  à l’intérieur d’un véhicule de Radio télé Pacific avec à son bord plusieurs journalistes une grenades de gaz lacrymogène. «L’Association des journalistes haïtiens condamne ces actes de violation de la liberté de la presse et du droit à l’information qui mettent en péril les acquis démocratiques », peut-on lire dans la note portant la signature de Jacques Desrosiers, secrétaire général de l’AJH.

« L’Association des journalistes haïtiens appelle les autorités de la Police nationale d’Haïti à diligenter une enquête pour identifier les auteurs de ces exactions afin qu’ils répondent de leurs actes par-devant la justice. En cette période de troubles et de confusion, l’AJH exhorte les journalistes à la prudence et à la vigilance. Elle leur rappelle l’obligation de rechercher, de traiter et de rapporter les faits avec professionnalisme et responsabilité », conclut la note.