Haïti : Jovenel Moïse doit partir

Le Nouvelliste, 8 novembre 2019

Au terme de la première journée de discussion, à l’hôtel Marriot, vendredi 8 novembre, l’opposition plurielle, a appelé à la démission immédiate et sans condition du président Moïse, à la mise en place d’un gouvernement de transition et d’une entité de contrôle de l’action gouvernementale. « Nous demandons à Jovenel Moïse de quitter le pouvoir au plus vite et sans condition. Dans le même temps, nous nous sommes mis d’accord pour ériger un gouvernement de transition et une entité de contrôle de l’action gouvernementale », lit-on dans une déclaration signée par les représentants de structures politiques et de la société civile qui ont créé une « table de concertation » pour trouver un accord politique en vue de résoudre la crise.

Dans cette déclaration commune, ces entités se sont aussi mis d’accord qu’il faut prendre des mesures pour réaliser la conférence nationale, le procès PetroCaribe au plus vite ainsi que les procès des massacres perpétrés à La Saline, Carrefour-Feuilles, Tokyo, Bel-Air et en d’autres points du pays. « Nous demandons au gouvernement de transition qui va venir de dédommager toutes les victimes et les parents des victimes des massacres et de mauvais traitement du pouvoir dans le cadre des mobilisations. Surtout contre des journalistes. Nous demandons au gouvernement de transition de rendre justice à toutes les femmes victimes de violence lors des mobilisations et des massacres », révèle cette note de presse de ces entités qui indique s’être mis d’accord sur ces points dans le respect de la majorité du peuple qui se tient debout derrière les barricade pour lutter contre ce système d’exploitation qu’il faut terrasser, dans le respect  de la majorité qui revendique un changement profond, un autre État pour une société plus juste, plus solidaire.

La table de concertation qui s’est donné rendez-vous samedi, est attendue sur les modalités du départ du président Moïse, de son remplacement, de la mise en place du gouvernement et de l’entité de contrôle de l’action du gouvernement provisoire.

Des temps forts de la journée

Vers 10h 30 a.m, les représentants de la Passerelle, de l’Alternance consensuelle, de Mache Kontre, du Forum politique, de Fanmi Lavalas, du secteur privé des affaires, des organismes de défense des droits humains, de la diaspora, des jeunes, des femmes, des petrochallengers, du secteur vodouisant, des syndicalistes entre autres se sont regroupés afin de discuter d’une issue face à la crise que traverse le pays depuis 18 mois. Hormis la presse qui n’avait pas accès à la salle au moment des discussions, certains représentants desdits secteurs étaient présents à titre d’observateurs.

«L’objectif que nous poursuivons, c’est de trouver, de concert avec les acteurs de l’opposition politique et des autres secteurs, une entente politique signée pour définir la stratégie de changement de l’administration Jovenel Moïse», a déclaré Lemète Zéphyr, porte-parole de la Passerelle, organisation qui a initié cette rencontre de concertation. «Comment ferons-nous pour remplacer le président, choisir un Premier ministre et son gouvernement ? Quel sera le mandat de ce gouvernement et son organe de contrôle ?». Telles sont les principales questions auxquelles devra répondre l’opposition plurielle après plus de deux mois de paralysie des activités dans le pays. Pour trouver des réponses appropriées à cette crise, trois journées de discussions consécutives sont retenues. «Aujourd’hui, nous allons valider les principes directeurs des travaux à effectuer et définir le menu de la discussion», a fait savoir le professeur Lemète Zéphyr. Ce sera également l’occasion pour les acteurs d’émettre leurs points de vue avant d’aboutir à une proposition préliminaire d’entente. Celle-ci sera susceptible d’être modifiée selon le vœu des acteurs. Le porte-parole de la Passerelle dit croire que les parties prenantes à cet échange sont d’accord pour trouver une entente. «Nous demeurons optimistes», a-t-il confié, assurant que son organisme n’entend que faciliter les échanges. Il revient aux acteurs de trouver une solution. Il a signalé qu’un document de synthèse était distribué et que les discussions porteraient sur ce dernier. Une à une, les approches des représentants de tous les secteurs seront analysées, maintenues, modifiées et/ou rejetées.

Avant la rencontre, l’Alternative s’est tablée avec la Passerelle car elle n’était pas totalement d’accord avec la méthodologie. Un accord a été trouvé et a permis de démarrer la rencontre.

Le docteur Réginald Boulos, figure de proue du Mouvement troisième voie (MTV) et membre de l’Alternative consensuelle, se dit favorable à cette discussion. Il a souligné que les secteurs/couches du pays ont longtemps lutté de manière isolée. «Aujourd’hui, nous décidons que l’on doit tous s’unir afin de lutter pour le départ de Jovenel Moïse», a indiqué Réginald Boulos, soulignant que la solution doit être unique et refléter les aspirations du peuple. À en croire l’entrepreneur, un seul dénominateur rassemble le peuple et les acteurs de la rencontre de concertation : un changement total. «C’est une revendication légitime», a-t-il rassuré.

Selon lui, pour y arriver, il faut un «dialogue interhaïtien devant aboutir au départ du chef de l’État». Il prône un rassemblement entre tous les secteurs, ceux debout derrière les barricades qui bloquent les rues, ceux qui ont perdu des proches au cours des journées de protestations. «Nous devons les écouter», plaide l’homme d’affaires devenu militant politique, qui menace de vendre la mêche si les acteurs laissent le «poison de la division» prendre le dessus. Il assure que le MTV ne veut pas faire partie de la transition. Sinon, il entend lutter pour une transition fondatrice. «Je suis prêt à faire le compromis qu’il faut pour trouver une solution répondant aux désidératas du peuple.»

Le sénateur Youri Latortue s’est aligné sur la position de son allié de l’opposition politique. Pour lui, ce rassemblement témoigne de la volonté de l’opposition de discuter en toute franchise en vue de renverser le pouvoir en place qui s’est révélé un adversaire coriace jusqu’ici. «Nous pensons que nous allons consentir les sacrifices nécessaires pour conclure une entente vers une transition», a garanti l’élu de l’Artibonite. Il a ajouté que l’Alternative veut s’aligner sur la position de la population, pour satisfaire ses besoins à travers une gouvernance et un programme de base.

«Nous souhaitons aboutir à un résultat concret. Aucun sacrifice n’est trop grand », rappelle le législateur. Quoique son regroupement dise disposer déjà d’un programme et d’un plan, Youri Latortue juge qu’il est nécessaire de discuter avec les autres secteurs. L’Alternative a passé l’éponge sur l’ultimatum lancé jeudi après-midi menaçant de quitter la table de négociation si aucune solution n’était retenue samedi dès midi 30 minutes. «L’ultimatum était avant la rencontre avec la Passerelle ce matin», a rassuré le sénateur avant de préciser que dimanche ce sera la grande manifestation.

Quelques minutes après que la presse eut quitté la salle de discussion, une dizaine de militants ont investi l’allée de l’étage où se déroulait l’activité. Ils ont longtemps patienté, lancé des propos à l’encontre des acteurs à qui ils prêtent l’intention de profiter de la crise pour accroître leur capital politique. Ces militants estiment être les grands absents des discussions alors qu’ils sont les principales victimes des répressions policières. À l’heure de la pause, ils s’en sont pris à plusieurs représentants des partis politiques et regroupements présents à la table de concertation de la «transition». Leurs tentatives n’ont guère affecté la rencontre.

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