La mémoire au service des luttes : Sojourner Truth

Alain Saint-Victor et FUIQP

Il y a 136 ans, le 26 novembre 1883, la militante noire antiesclavagiste Isabella Baumfree, plus connue sous le surnom de Sojourner Truth, décédait. Née de parents esclaves dans l’État de New York, elle est vendue à l’âge de 11 ans. Elle est mariée de force par son maître à un esclave beaucoup plus âgé. De cette union non souhaitée naquirent 5 enfants. Elle est revendue une nouvelle fois et son nouveau maître refuse de la libérer au moment de l’abolition de l’esclavage dans l’État de New York en 1827. Elle décide alors de s’enfuir en emmenant, Sophie, la plus jeune de ses filles qui est en bas-âge. Elle se réfugie au Canada pendant deux ans puis décide de revenir pour récupérer ses autres enfants.

Elle intente un procès et le gagne. Isabella a ainsi été la première femme Noire à gagner ce type de procès contre un homme blanc. Elle travaille ensuite pendant une décennie comme servante dans diverses communautés religieuses. En 1843, elle affirme avoir eu une révélation divine lui demandant de se battre pour la justice. Elle prit alors le nom de Sojurner Truth. Elle écrit ses mémoires « L’histoire de Sojourner Truth, une esclave du Nord », qui jouèrent un rôle important dans le développement du mouvement abolitionniste. Publiés en 1850, ces mémoires marquent le début d’un double engagement militant : abolitionniste et féministe. En 1851, elle prononce un discours à la convention des droits des femmes (« Ne suis-je pas une femme ? ») qui exprime la réalité des femmes noires pauvres et appelle à l’unité entre les femmes du Nord et les Noirs du Sud. En voici un extrait :

Bon, les enfants, quand il y a autant de raffut quelque part, c’est qu’il y a quelque chose de chamboulé. Je crois qu’entre les Noirs du Sud et les femmes du Nord, qui parlent tou.te.s de leurs droits, l’homme blanc va bientôt être dans le pétrin. Mais de quoi parle-t-on ici au juste ? […] Puis ce petit homme habillé en noir juste là, il dit que les femmes ne peuvent pas avoir autant de droits que les hommes, parce que le Christ n’était pas une femme ! Et ton Christ, d’où il vient ? Il est né de Dieu et d’une femme ! L’homme n’a rien à voir avec Lui. Si la première femme que Dieu a créée était assez forte pour mettre le monde à l’envers à elle toute seule, alors les femmes ensemble devraient être capables de le remettre en place, et de le refaire tourner rond ! Et maintenant qu’elles demandent à s’y mettre, les hommes feraient mieux de les laisser faire. 

Elle devint, après l’abolition de l’esclavage, partisane de la création d’un État noir dans l’Ouest des États-Unis. Pour elle, seul un tel État peut éviter que l’abolition ne se transforme en hiérarchie sociale colorée. Jusqu’à son décès en 1883, elle reste une figure du mouvement des droits civiques et du mouvement féministe.Par ses engagements abolitionnistes et féministes, Isabella est un symbole des luttes des femmes noires et un précurseur de l’intersectionnalité. Repose en paix, sœur et camarade.

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