La migration au cœur de l’agenda international

Une personne sur sept sur la planète est un migrant et fait l’expérience des multiples formes de mobilité humaine. Pour la première fois depuis les grandes guerres du siècle dernier, près de 65 millions de personnes sont déplacées de force et réfugiées, dont une bonne partie à cause de l’incapacité du système international à faire face à l’instabilité du Moyen-Orient.

De plus, il y a désormais 250 millions de migrants « transnationaux » qui ont franchi les frontières (3,3 % de la population mondiale). Il y a aussi 750 millions de migrants internes qui, au sein d’un même pays, se déplacent le plus souvent vers les grandes villes pour des raisons économiques. Les migrants sont à la fois des vecteurs de richesse (ils constituent environ 30 % de la main-d’œuvre de la planète et ont largement contribué par leur travail à la construction de la mondialisation), mais aussi de nouvelles formes de citoyenneté et de luttes sociales. Les migrants ont engendré de Nouveaux Mondes aux confluences des sociétés, interculturels et perturbant souvent l’ordre établi.

Les mouvements de réfugiés sont aujourd’hui directement proportionnels au degré d’instabilité du système international. La lutte des migrants est une lutte pour revendiquer une société et une mondialisation qui soient positives, légitimes, démocratiques, non exclusive, pour promouvoir une vision inclusive des peuples et de la diversité du monde dans laquelle tous les mondes s’intègrent. Il s’agit d’une lutte transversale et complémentaire aux autres luttes économiques, politiques, environnementales, civilisationnelles, du local au global.

Nous sommes au seuil d’une nouvelle étape migratoire. S’il s’agissait auparavant de lutter pour un changement dans la conception de la migration et pour l’expansion de la pleine reconnaissance de la mobilité humaine fondée sur une relative ouverture internationale, désormais il convient de revendiquer de nouveaux modèles de stabilité globale et de mondialisation capables de répondre aux exigences d’un monde radicalement interdépendant et donc en rupture avec ses récits antérieurs. À partir du moment où certains pôles de pouvoir réagissent de plus en plus par le protectionnisme, l’autoritarisme ou la ségrégation, permettant aux sociétés d’instrumentaliser la migration comme monnaie d’échange en faveur du fascisme social, de l’opportunisme politique, de la militarisation et de la fabrication d’ennemis, il s’agit d’intensifier les efforts de lutte, depuis les résistances territoriales, vers la recherche des fondements d’un monde solidaire, interconnecté, socialement plus juste et équitable.

Au plan international, l’Assemblée générale des Nations Unies a mis en œuvre en septembre 2016 un Sommet de haut niveau sur les réfugiés et les migrants. Près de 193 États membres y ont signé la Déclaration de New York, à savoir une initiative commune proposant une ébauche de réponse pour les mouvements massifs de réfugiés et de migrants. D’ici la fin de l’année 2018, il est prévu que l’Assemblée générale des Nations Unies débatte et approuve l’agenda élaboré par cette consultation mondiale pour ainsi sceller un pacte autour d’une Plate-forme mondiale sur les réfugiés et les migrants.

En parallèle, la Conférence mondiale des peuples pour un monde sans murs de Tiquipaya (Bolivie) s’est tenue en juin 2017. Elle a débouché sur un ensemble de propositions visant à abolir les murs et à promouvoir une nouvelle citoyenneté universelle. D’autre part, des organisations civiles et religieuses se sont réunies à Berlin en juin 2017 dans le cadre du Forum mondial sur la migration et le développement (GFMD), avec des positions similaires à celles du sommet bolivien. Un peu plus tard, le Pape François a également rendu publics ses vingt points d’action pour les pactes mondiaux de l’ONU sur la migration et les réfugiés.

De toutes ces rencontres au sommet, un consensus se dégage en vue de dépasser la perspective dominante de la politique migratoire fondée sur une approche « régulière, ordonnée et sécurisée » des migrations, par une vision humaniste proposant « d’accueillir, de protéger, de promouvoir et d’intégrer » les migrants, réaffirmant la mobilité en tant que droit humain fondamental. Et pourtant, nous ne pouvons que constater l’écart entre les discours et cadres normatifs, et la discrimination migratoire qui s’opère de facto dans le système international en place et qui ne cessera de s’accentuer tant que nous ne disposerons pas d’autres équilibres globaux et surtout de nouveaux niveaux de mobilisation sociale pour les imposer.

 

 

 

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