La nouvelle-nouvelle guerre froide

John Feffer, extrait d’un article paru dans Foreign Policy in Focus, 7 mars 2018

Quand une époque se termine, comme lors de la fin de la guerre froide entre 1989 et 1991, il faut du temps pour nommer le nouvel ordre. Pendant quelques années, le monde a vécu une ère de « l’après-guerre froide ». Cette phrase était censée refléter l’optimisme d’un nouveau départ, ainsi que l’incertitude qui accompagne toute grande transition.

Mais en réalité, « l’après-guerre froide » n’a pas duré longtemps. Les horreurs de la Yougoslavie, du Rwanda et de la Somalie dans les années 1990 nous ont rappelé que la confrontation entre l’Union soviétique et les États-Unis n’était pas la seule source d’instabilité et de violence dans le monde. Entre-temps, au lieu de disparaître, l’OTAN s’est découverte de nouvelles missions contre une Russie trébuchante et une Chine émergente.

En décembre 1994, The Economist utilisait déjà une nouvelle expression pour décrire ce nouveau monde: « la guerre froide post-post ». Maintenant, la Russie et l’OTAN mènent des exercices militaires à grande échelle, en face l’une de l’autre le long de la frontière est-européenne. Dans son discours annuel au parlement, le président russe Vladimir Poutine a décrit une nouvelle génération de missiles nucléaires hypersoniques qui rendraient le système antimissile américain aussi poreux que l’étamine. En décembre dernier, le président Donald Trump a autorisé la plus grande vente commerciale d’armements au gouvernement ukrainien. Soyons clairs. Ce n’est pas simplement une « nouvelle guerre froide », mais une « nouvelle nouvelle guerre froide ».

Du côté de la Russie

La Russie d’aujourd’hui n’est plus la force militaire majeure que l’Union Soviétique était autrefois. Bien sûr, la Russie a le troisième plus gros budget militaire au monde, mais ce n’est pas aussi impressionnant que ça en a l’air. En 2016, les États-Unis étaient responsables de 36% du total des dépenses militaires mondiales. La Chine était numéro deux à 13 %. Et la Russie loin derrière à 4,1% , juste devant l’Arabie Saoudite. Bien sûr, des dépenses annuelles de 70 milliards de dollars se traduisent toujours par une grande puissance de feu. Pendant ce temps, le Kremlin préside l’un des deux plus grands arsenaux nucléaires du monde.

Vladimir Poutine n’a pas seulement entrepris une modernisation sérieuse de l’armée russe ave (dont 28 milliards $ pour mettre à niveau les armes nucléaires) – mais il considère la force militaire comme un élément clé de l’ art de gouverner. La capture de la Crimée et la guerre dans l’est de l’Ukraine illustrent l’importance relative de la diplomatie et de l’armée dans la pensée de Poutine, tandis que la force militaire a positionné la Russie en tant qu’acteur dans le conflit syrien.

Bien qu’elle dispose de beaucoup de puissance de feu conventionnelle et nucléaire, la Russie a également développé ses capacités « asymétriques » – cyberguerre, campagnes de désinformation, et les opérations maskirovka (tromperie) qui tentent de dissimuler l’implication. La Russie ne peut pas espérer atteindre une « domination à spectre complet » dans le monde entier. Mais elle peut certainement contrôler son « proche étranger » et jouer un rôle de spoliateur ailleurs.

Du côté des États-Unis

Trump veut que le budget du Pentagone soit augmenté de 165 milliards de dollars pour les deux prochaines années. Cette seule augmentation équivaut au total du budget militaire russe au cours de la même période.

Avec la dernière version de la stratégie nucléaire américaine publiée en février, Trumpse tourne vers quelque chose d’un peu différent – et encore plus dangereux : des armes nucléaires à « faible rendement » afin de les incorporer dans la planification de la guerre – dans le cadre de ce que le Pentagone appelle des « attaques nucléaires limitées ».

Selon la Stratégie de sécurité nationale publiée à Washington en décembre dernier, la Russie et la Chine sont deux menaces hégémoniques à la puissance mondiale américaine. Autrement, l’administration Trump n’a pas abandonné la politique étrangère globale des États-Unis de se battre n’importe où et partout dans le monde.

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