LA SEMAINE EN HAÏTI (12 au 18 avril 2021)

Herold Constant, 18 avril 2021

 

Dictature, changement de gouvernement, insécurités et résistances

 

  1. Insécurités et violences

Durant cette semaine, plusieurs personnes dont au moins deux policiers ont été assassinés dans la région métropolitaine, d’autres cas d’enlèvement ont été encore enregistrés. La situation s’aggrave à un point tel que le souci de recensement des morts et des kidnappés tend à s’affaiblir dans la presse locale. Un mois après le décret de l’état d’urgence sécuritaire dans plusieurs zones de la capitale par le gouvernement de facto, le bilan de sa prétendue lutte contre les gangs armés est complètement nul.

Depuis quelques temps, le secteur religieux devient une cible des gangs armés qui exécutent les kidnappings en Haïti. Après l’enlèvement des religieux adventistes, sept religieux ont été enlevés la semaine passée par un gang dénommé « 400 mawozo », dont le président de facto avait lui-même déclaré vaincu et démantelé. Cet évènement s’est produit après le viol de trois religieuses le mois passé. L’indignation et la peur est totale dans la société. En signe de protestation, l’Église catholique a suspendu toutes les activités de ces institutions depuis le 15 avril. Cette décision a été appuyée par plusieurs institutions du secteur privé des affaires. « Dans l’embarras, Jovenel Moïse souhaite une rencontre entre le nouveau gouvernement de facto et le secteur privé des affaires, autour de la criminalité en Haïti », écrit AlterPresse (16 avril 2021).

Selon le président de la Conférence Conférence des Évêques Haïtiens (CEH), le pays est plongé dans une « dictature du kidnapping ». Cette déclaration a été faite en marge d’une messe célébrée à l’Église St-Pierre de Pétionville pour exiger la libération des prêtres et fidèles catholiques enlevés depuis le 11 avril passé. À la fin de cette messe, « des échauffourées ont éclaté entre les militants et les forces de l’ordre qui ont fait usage abusif du gaz lacrymogène dans les parages de l’Église avec tous fidèles catholiques, les prêtres et autres se trouvant à l’intérieur. Ce qui a valu une situation de panique dans l’Église » (Extrait, Le National, 16 avril 2021), mais aussi dans les rues de Pétionville en général. Il faut noter que l’usage abusif du gaz lacrymogène rentre dans les stratégies répressives de pouvoir pour mater toute tentative de soulèvement populaire. Le vendredi 16 avril, AlterPresse (16 avril 2021) rapporte que « plusieurs dizaines de personnes, dont des militantes et militants politiques, ont défilé, dans les rues de la capitale, Port-au-Prince, pour exprimer leur solidarité avec les victimes des massacres perpétrés au Bel Air et les membres du Syndicat de la police nationale d’Haïti (Spnh-17), persécutés par le haut commandement de la police ».

Face au refus des partis politiques de l’opposition et surtout de la dénonciation de sa complicité avec le régime dictatorial, la plateforme interreligieuse Religions pour la Paix a abandonné le dernier processus de dialogue amorcé par Jovenel Moise pour pouvoir avancer dans la réalisation du « référendum constitutionnel » et les élections. Néanmoins plusieurs grands alliés du régime ont admis l’impossibilité de réaliser un tel référendum dans le contexte actuel du pays. Ce projet vient d’être d’ailleurs dénoncé par le Collectif du 4 décembre.

 

  1. International

Le 5e premier ministre Joseph Jouthe, en fonction depuis le mois mars 2020 a présenté sa démission le 14 avril dernier. Il a été immédiatement remplacé par Claude Joseph, un ancien opposant devenu fervent serviteur et qui était alors ministre des affaires étrangères. Alors qu’il est l’un des principaux artisans des activités de propagande et lobbying à l’international le projet illégal de changement constitutionnel et d’organisation d’élection, la « communauté internationale », malgré son soutien à ce régime dictatorial, a quand même exprimé une réserve par rapport à ces projets. « Après les critiques du BINUH du processus devant amener à l’adoption de la nouvelle constitution entamée par l’Administration de Jovenel Moise, l’organisation des États américains (OEA) s’est prononcée sur l’insécurité incontrôlable dans le pays. […]. Le secrétaire général de l’OEA exhorte les autorités concernées à déployer tous les efforts requis en vue de protéger la population haïtienne et de lui permettre d’évoluer dans un environnement paisible où la peur et la violence n’ont pas droit de cité » (Extrait, Le National, 15 avril 2021). Le 15 avril passé, l’UNICEF a publié un rapport sur les droits humains en Haïti. Selon ce rapport, depuis le dernier trimestre de 2020, 73 enfants et femmes sont victimes (assassinats, viols, tortures, etc.) de violences des gangs armés. Cette organisation appelle à la fin de la violence des gangs armées sans indexer la complicité du gouvernement en place.

 

 

  1. Économie et société

L’économiste haïtien Daniel Dorsainvil a révélé dans les colonnes du journal Le Nouvelliste (13 avril 2021) que « le produit intérieur brut (PIB) par habitant est inférieur à celui de 1945 ». Avec un taux de croissance de – 2% pour 2021, il n’y aura aucune croissance en 2021, renchérit-il. L’économie du pays est chute libre. Le 17 avril dernier, il fallait 82,66 pour un dollar US. L’économie du pays continue de s’effondrer.