L’altermondialisme, après le FSM DE Salvador de Bahia et l’arrestation de Lula…

Salvador de Bahia au Brésil

CETRI, 16 mai 2018 https://www.cetri.be/L-altermondialisme-apres-le-FSM-de

Le coup de force politico- judiciaire qui se manifeste au Brésil, avec l’incarcération de l’ex président Lula, et qui fait suite à la destitution de la présidente Dilma Roussef, est inacceptable. Inacceptable pour le peuple brésilien qui a su mettre à bas la dictature militaire et instaurer un État de droit, dont la composante sociale fait la fierté du pays. Inacceptable pour les peuples latino-américains qui, en une décennie, ont souvent réussi à opérer les mêmes tâches politiques, et à construire de surcroît des éléments d’une unification continentale, au service des peuples plus que des impérialismes. Inacceptable également pour les dizaines de milliers de participants au Forum social mondial de Salvador de Bahia (13-18 mars 2018), dont l’objectif principal est la démocratisation des relations internationales. Aussi, indépendamment du bilan politique et du programme électoral de ce dirigeant, faut-il demander la libération de Lula et affirmer avec les mouvements sociaux « NÃO AO GOLPE, FORA TEMER ! » (Non au coup d’Etat, dehors Temer !).

La crise politique qui se manifeste au Brésil, pays fondateur des FSM et au Vénézuela notamment, s’ajoute à celle que vivent les pays européens avec la montée des extrêmes droites fascisantes, nationalistes et xénophobes. A celle que vivent les pays arabes dont les « printemps démocratiques » ont, sauf exception, été démantelés par les réactions dictatoriale et djihadiste, avec le silence complice, voire le soutien des puissances occidentales. A celle que vivent les peuples africains, confrontés au maintien des privilèges impérialistes par la force armée et d’autres moyens de coercition, dans les pré-carrés françafricains notamment.

Force est de constater la fragilité des dispositifs de solidarité internationale, singulièrement à l’échelle des relations Nord-Sud, cela alors que l’oligarchie politico-financière, avec ses recours impérialistes, patriarcaux, xénophobes, sécuritaires… renforce ses politiques hégémoniques à l’échelle mondiale et (inter)continentale, sous des formes contre-révolutionnaires, celles de la répression des mobilisations démocratiques et sociales, des atteintes aux droits fondamentaux et de campagnes guerrières, au motif ou sous le prétexte de la « guerre contre le terrorisme », et au mépris du droit international et de la Charte des Nations Unies.

Le bilan du dernier FSM a donné lieu, lors de la réunion ouverte du Conseil international, à des interventions nourries, souvent critiques et constructives, quant à l’avenir des forums. Si l’on s’accorde à saluer la permanence du processus et l’investissement remarquable des équipes brésiliennes, le développement des FSM semble compromis. Autre constat, la faiblesse numérique des délégations occidentales présentes à Salvador de Bahia, révélateur de l’essoufflement de la bataille idéologique et du mouvement altermondialiste français et européen. Témoigne également de ce phénomène l’arrêt des Forums sociaux européens (FSE) depuis une décennie.

A cette étape dangereuse, s’adapter à un rapport de forces devenu défavorable alors que les partis et mouvements émancipateurs sont dans un état de confusion politique et idéologique : voilà l’enjeu. Un programme anti-libéral est insuffisant pour juguler la pression réactionnaire. Ne pas entendre les flux et reflux de l’histoire, c’est se condamner à se marginaliser, voire à végéter. C’est là un difficile chemin, heureusement rendu possible dans la dernière période en France, du fait d’une mobilisation intersectorielle dynamique.

En complément de la ligne antilibérale menée à l’échelle nationale et pour se mettre à la hauteur de la menace de l’oligarchie mondialisée, seul un altermondialisme assumé en actes, anti-impérialiste, antiraciste, féministe et solidaire, notamment à l’égard des peuples des Suds et communautés immigrées des quartiers populaires, sera à même de créer les conditions idéologiques et stratégiques d’un sursaut démocratique d’envergure.

Pour faire face à cette crise de croissance des FSM, qui coïncide avec une crise de civilisation à l’échelle de l’humanité, les mesures suivantes pourraient être proposées au Conseil international :

-réactualiser et médiatiser largement la charte de 2001, comme déclaration d’objectifs précis, et cela en fonction des nouvelles données géopolitiques;

-repolitiser le FSM dans le sens de prises de décisions et de responsabilités, au nom des droits humains fondamentaux et de la défense des démocraties et de la paix civile ;

-s’emparer des axes d’action onusiens, comme la semaine internationale sur les dépenses militaires et la journée internationale de la paix, et intervenir davantage dans les activités de l’ONU, comme seule institution universelle fondée sur le multilatéralisme ;

-créer une journée annuelle de solidarité internationale et des mouvements sociaux, ainsi qu’une semaine anticoloniale à l’échelle mondiale pour rendre plus visible le droit à l’autodétermination des peuples ;

-réaliser un forum antilibéral et altermondialiste en Suisse, pendant le forum économique mondial annuel de Davos (fin janvier) ;

-effectuer un suivi des FSM au plan communicationnel et avec des activités intermédiaires, via les forums thématiques ;

-associer davantage les savoirs académiques aux savoirs des mouvements sociaux pour des publications d’envergure ;

-partir des cultures des nouvelles générations, notamment en matière communicationnelle, et pour la construction d’alternatives organisationnelles. Intégrer davantage de cadres jeunes.

Premiers signataires : Nils Andersson, responsable du conseil scientifique de Sortir du colonialisme, Adda Bekkouche, conseil scientifique d’Attac France, Pierre Billaud, militant associatif (Attac, AFPS, AMD), Djilali Benamrane, président d’Attac Paris 14e, Martine Boudet, membre du conseil scientifique d’Attac France, coordinatrice d’Urgence antiraciste-Pour une démocratie inclusive (le Croquant, 2017), Jean-Marc Delaunay, coordinateur du Festival des Solidarités, Bernard Dréano, président du Centre d’études et d’initiatives de solidarité internationale – Cedetim, Patrick Farbiaz, responsable de Sortir du colonialisme, Gérard Halie, militant de la Culture de Paix, ancien co secrétaire national du Mouvement de la paix.

Texte collectif

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