Le Canada et l’élection bolivienne : échec pour Trudeau

Yves Engler, extraits d’un texte paru dans Canadian Dimension, 22 octobre 2020

 

Dimanche dernier, l’ancien ministre des Finances de Morales, Luis Acre, a remporté 55% des voix dans le cadre de l’élection présidentielle. Le MAS a également obtenu une large majorité dans les deux chambres du parlement bolivien.

Cette victoire d’une ampleur inattendue met en lumière le soutien d’Ottawa à l’éviction du premier président autochtone de la Bolivie l’an dernier. Quelques heures après que le commandement militaire ait forcé Morales de démissionner le 10 novembre 2019, la ministre des Affaires étrangères de l’époque, Chrystia Freeland, publiait une  déclaration de célébration à l’effet que « Le Canada soutient la Bolivie et la volonté démocratique de son peuple ».

Ottawa a fourni un soutien important à l’Organisation des États américains (OEA) et à ses efforts pour discréditer le vote de la Bolivie en 2019, ce qui a alimenté les manifestations de l’opposition et abouti à un coup d’État soutenu par l’armée. Ottawa a fait la promotion de la tentative de l’OEA de discréditer le scrutin présidentiel. Deux conseillers techniques canadiens faisaient partie de la mission de vérification en Bolivie. «Le Canada salue le travail inestimable de la mission d’audit de l’OEA pour assurer un processus juste et transparent, que nous avons soutenu financièrement et grâce à notre expertise», a souligné Freeland à l’époque.

Cependant, la mission d’audit de l’OEA a été conçue pour précipiter l’éviction de Morales. De nombreuses études ont démontré la nature partisane de l’audit et du rapport ultérieur de l’OEA, et les résultats des élections de la fin de semaine le confirment. Malgré ces antécédents de malhonnêteté, Affaires mondiales Canada (AMC) a promu la participation de l’organisation aux dernières élections en Bolivie. Le samedi 17 octobre, le compte Twitter de l’ambassade du Canada en Bolivie affirmait que «Le Canada est heureux d’appuyer la mission d’observation électorale de l’Organisation des États américains (OEA) en Bolivie ».

Pendant une année entière, Ottawa est resté silencieux pendant que le régime de coup d’État intérimaire non élu de Jeanine Áñez intensifiait la répression et les mesures anti-autochtones. Son gouvernement a également radicalement transformé la politique étrangère du pays et lancé un processus de privatisation des entreprises et industries publiques boliviennes. Pire que le silence, lors de la journée nationale de l’indépendance de la Bolivie, le 6 août, AMC a vanté les « relations bilatérales solides » entre le Canada et la Bolivie et « nos valeurs communes de démocratie, de droits de la personne et de célébration de la diversité ».

AMC a également ignoré le report répété des élections par le gouvernement « intérimaire ». Même lorsque les mouvements sociaux du pays ont lancé une grève générale en août pour protester contre l’incapacité du régime intérimaire à respecter ses responsabilités constitutionnelles fondamentales, AMC a justifié le refus d’Áñez d’organiser des élections au motif que les manifestations avaient sapé la lutte contre la pandémie. Selon l’ambassade du Canada à La Paz, « Le Canada demande que l’aide humanitaire puisse circuler librement en Bolivie pour lutter contre le COVID19 et appelle tous les acteurs sociaux à soutenir les institutions démocratiques du pays et à utiliser ces mécanismes pour résoudre tout différend ». Contrairement aux appels d’Áñez, les manifestants ont laissé les ambulances et autres véhicules médicaux circuler sans être perturbés.

On peut se rappeler qu’après avoir usurpé le pouvoir, Áñez a rejoint le groupe de Lima, un organe multilatéral composé principalement de gouvernements de droite cherchant à renverser le gouvernement Maduro. Le gouvernement Trudeau a accueilli la dernière réunion du Groupe de Lima à Ottawa en février.

Aujourd’hui 72 heures après la clôture du scrutin, Ottawa n’a toujours pas publié de déclaration félicitant Arce ou le MAS pour leur victoire historique.

Les résultats des élections en Bolivie portent un coup dur à la politique étrangère du gouvernement Trudeau et à la complicité d’Ottawa dans les efforts menés par les États-Unis pour anéantir les derniers vestiges de la « marée rose » de gauche en Amérique latine.

De plus, la victoire d’Arce expose le Canada pour ce qu’il a toujours été : une puissance impérialiste cherchant à maintenir le statu quo massivement injuste dans le monde.