L’emprisonnement de Lula et la judiciarisation de la vie politique brésilienne

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Dès le début, l’enquête contre Lula multiplie les vices de procédures, comme la mise sous écoute des avocats de Lula, ou les décisions polémiques comme celle de condamner Lula alors qu’aucune preuve matérielle n’aura été produite à ce jour. En outre, la procédure judiciaire aura été menée à une vitesse exceptionnelle, par des acteurs qui auront régulièrement fait le choix d’acquitter ou archiver des cas beaucoup mieux documentés comme celui d’Aécio Neves (candidat malheureux aux présidentielles de 2014) ou du Président en fonction, Michel Temer. Urgence aussi dans l’émission du mandat d’arrêt par le juge Moro, 24 heures à peine après la décision du STF.

Le refus de l’Habeas Corpus par le STF est doublement problématique.
D’une part, le Tribunal Suprême Fédéral confirme la jurisprudence résultant à l’emprisonnement d’un accusé dès la seconde instance, alors que ses voix de recours ne sont pas épuisées. Selon plusieurs juristes, cela va à l’encontre de la Constitution brésilienne et du Code Pénal. Tous deux affirment le droit d’épuiser les voix juridiques, en liberté, sauf dans le cas de flagrant délit ou de prison préventive.
D’autre part, le STF fait jurisprudence à travers sa décision contre l’Habeas Corpus du candidat Lula plutôt que de se prononcer sur la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC). Présentée devant les juges par l’Ordre des Avocats en février 2016 et jamais jugé par le Tribunal, ce mécanisme juridique est censé définir la doctrine du Suprême Tribunal face à l’exécution d’une peine de prison dès la deuxième instance, avant l’épuisement des recours possibles aux tribunaux supérieurs.

Cette fragilisation de la sécurité juridique et de la présomption d’innocence semble être la voie suivie actuellement par des secteurs du judiciaire brésilien tel que la Procureure de la République Brésilienne, Mme Dodge, qui estime que l’épuisement des voies d’appels est une exagération du système.

L’écartement par la justice brésilienne du candidat qui, selon les derniers sondages, a les meilleures chances de remporter le scrutin présidentiel (36% au premier tour, le double du deuxième candidat, Jair Bolsonaro, de l’extrême droite) se fait dans un environnement économique, social et politique marqué par une crise aiguë, impliquant d’autres acteurs institutionnels.

Les Droits humains affaiblis

Cette semaine, le Chef des Armées a déclaré sur Twitter que l’Armée ne tolérerait pas l’impunité et a indiqué que l’Institution Militaire pourrait prendre des mesures si Lula bénéficiait d’une décision favorable du STF. Ces déclarations ne sont pas sans rapports avec les choix politiques de l’actuel Président en fonction. Depuis le mois de mai 2016, il aura permis aux Forces Armées de prendre en charge un grand nombre de portefeuilles, multiplié les opérations militaires fédérales de maintien de l’Ordre et décrété une l’intervention militaire dans l’État de Rio de Janeiro. L’exécution de Marielle Franco, élue rapporteur de la commission municipale de suivi de cette intervention, et la vertigineuse multiplication des attaques et assassinats contre les défenseurs des Droits humains au Brésil depuis août 2016 ne peuvent être déconnectées de l’environnement politique dans lequel le procès contre Lula puise son énergie.

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