Les crimes de l’Union européenne

Claude Calame, Collectif de soutien de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (Paris) aux sans-papiers et aux migrant-es, janvier 2018

Depuis le début des années 2000, les disparitions en Méditerranée des personnes exilées s’élève à près de 40000, hommes, femmes et enfants. Des exilées et des exilés fuyant des situations de détresse extrême, des exilées et des exilés que, depuis l’installation des centres de tri que sont les « hotspots » en Grèce à l’automne 2015, on répartit de force en deux catégories discriminantes : d’une part les réfugiées, c’est-à-dire des demandeurs susceptibles d’accéder très éventuellement au statut de réfugié ; d’autre part les migrants, considérés comme « réfugiés économiques » et, à ce titre, passibles d’une expulsion immédiate.

Ce tri et ce rejet de femmes et d’hommes en situation d’extrême précarité n’est que l’une des manifestations de la fermeture des frontières extérieures de l’Union européenne. La conséquence la plus dramatique est la mort chaque année de plusieurs milliers de réfugié-es, de migrant-es, hommes, femmes et enfants, dont le seul délit est de tenter d’échapper à des situations menaçant leur survie.

La forteresse

Depuis la signature des accords de Schengen (1995) l’UE a assorti le principe de la libre circulation des personnes en son sein de l’interdiction d’entrée sur son territoire, de manière générale, à tout ressortissant extra-européen ne possédant pas un visa. En l’occurrence sont particulièrement visés les ressortissants de l’Afrique subsaharienne, les réfugiés d’Erythrée et du Soudan, sans compter les exilés des pays en situation de guerre au Proche- et au Moyen-Orient.

Cette politique de fermeture des frontières aux personnes désormais accusées d’ « immigration illégale » s’est traduite de différentes manières : par l’érection de barrières et de murs physiques de Ceuta et Mellila, enclaves espagnoles à l’extrême Ouest de la Méditerranée jusqu’au mur sur le fleuve Evros entre le nord de la Grèce et la Turquie ou la barrière de barbelés à la frontière turco-bulgare au Nord-est du bassin méditerranéen ; par des contrôles policiers coordonnés et renforcés par l’agence Frontex, devenue « Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes «  qui apporte un soutien logistique et pratique aux polices des frontières nationales ; par de vastes opérations de filtrage des entrées irrégulières, telle l’opération répressive « Triton » qui a remplacé dès novembre 2014 la campagne italienne d’accueil des migrants « Mare nostrum », ou telle l’opération Sophia de destruction des embarcations utilisées par les migrants sous prétexte de lutte contre les passeurs et les trafiquants de migrants ;  enfin par de vastes mesures d’externalisation des frontières de l’UE, par exemple par le traité scélérat entre l’UE et la Turquie (2016), aux termes duquel ce pays retient sur son territoire, contre six milliards d’euros et le silence sur le non-respect des droits de l’homme, pas moins de trois millions de réfugiés, ou par les accords récemment pris avec la Libye : opération « Sophia » de collaboration militaire avec les garde côtes libyens, renforcement des camps de rétention, négociations avec les milices locales, etc.

Ainsi donc les institutions européennes et, selon des modalités qui leur sont propres, les différents pays membres de l’UE en interdisent l’accès aux victimes de faits de guerre, de répressions politiques, de catastrophes écologiques et d’inégalités dans le dénuement entretenu par une mondialisation purement économique et néocoloniale au profit des pays les plus riches. Cette politique de fermeture et de répression à l’égard de celles et ceux qu’on accuse d’« immigration illégale » est consciemment organisée par la Commission européenne en collaboration avec les pays de l’UE. Les conséquences en sont connues : outre les violences subies sur leur chemin vers l’Europe et jusqu’en Europe même (répression policière, racket, coups et blessures, viols, enfermement dans des camps de rétention, voire réduction en esclavage), chaque année des milliers de migrants, hommes, femmes et enfants, trouvent la mort par naufrage en Méditerranée.

 

 

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