Mexique : AMLO et l’ALÉNA 2,0

Nicholas Cunningham, extrait d’un texte paru dans NACLA, 25 octobre 2018.

 

Peu de temps après avoir remporté l’élection présidentielle en juillet, Andrés Manuel López Obrador (AMLO) a envoyé une lettre chaleureuse au président américain Donald Trump, demandant une conclusion rapide aux renégociations de l’ ALENA. Il n’a pas énoncé de principes clairs susceptibles d’influencer les pourparlers, mais simplement, il a encouragé la conclusion de la négociation le plus rapidement possible afin de ne pas décourager les investissements.

Contrairement à l’opposition farouche contre Trump et l’ALENA avant l’élection, cette approche conciliatrice a semblé faciliter les négociations. Les États-Unis et le Mexique ont conclu un accord bilatéral  à la fin du mois d’août, ce qui a accru l’enjeu des négociations trilatérales avec le Canada. Les trois parties sont parvenues à un accord  fin septembre.

Le soutien d’AMLO est un signe qu’il n’a pas l’intention de s’attaquer à la logique sous-jacente de l’ALENA en dépit de sa longue histoire d’opposition à une grande partie du traité. L’accord renégocié est en grande partie une continuation de l’ancien accord, avec des changements dans l’industrie automobile et la production agricole, ainsi que des révisions réduisant les droits des entreprises. Cependant, les négociateurs ont pris soin de garantir que l’industrie des combustibles fossiles maintiendra l’accès aux réserves de pétrole du Mexique, ce qui ouvre la porte à d’énormes investissements publics dans les combustibles fossiles.

Les critiques d’AMLO à l’encontre de l’ALENA ont caractérisé une grande partie de sa récente carrière politique, en particulier lors de sa campagne à la présidence de 2006, lorsqu’il a évoqué la dévastation que l’accord commercial aurait sur les petits agriculteurs mexicains. En 2017, cependant, il avait changé de musique. L’ALENA « n’a pas fait mal, mais ce n’était pas la panacée », a déclaré AMLO dans un entretien avec Bloomberg News en mars 2017. « Ce n’est pas notre salut. » Il a conféré un ton confiant quant à sa capacité à renégocier l’accord, critiquant l’actuel président Enrique Peña Nieto.

ALENA 2.0

Certes, le nouvel accord de l’ALENA a fait l’objet de révisions. Par exemple, l’accord révisé restreint le pouvoir des entreprises en éliminant le processus de résolution des différends entre investisseurs et États (ISDS), alors que l’ancien accord donnait aux sociétés multinationales le pouvoir de poursuivre les gouvernements devant les tribunaux internationaux s’ils adoptaient des lois qu’ils considéraient comme une violation des droits des investisseurs. Les sociétés multinationales ont utilisé le système ISDS pour saper les protections relatives au tabac, au climat, aux mines, aux produits pharmaceutiques, à l’énergie, à la pollution, au travail et à une longue liste d’autres secteurs importants. Par exemple, TransCanada a poursuivi le gouvernement américain fin 2015 en utilisant le processus ISDS après que l’administration Obama lui ait refusé un permis pour le pipeline Keystone XL, exigeant des dommages-intérêts non seulement pour les dépenses engagées, mais également pour ses «bénéfices futurs escomptés».

Cependant, il existe une clause dans le nouveau traité qui permet aux entreprises américaines ayant obtenu des contrats de forage pétrolier et gazier d’utiliser l’ancien système ISDS. En d’autres termes, ces sociétés et leurs investissements pourront poursuivre le gouvernement mexicain s’il agissait d’une manière que les sociétés jugent nuisible pour leurs bénéfices. Cela limitera considérablement la capacité du Mexique à réglementer ces sociétés et leurs investissements.

Cette exemption a créé une situation délicate pour AMLO au cours des négociations. Au cours de la campagne, il a flirté avec l’idée d’inverser les réformes, suggérant qu’il organiserait un référendum public sur le renversement des réformes énergétiques, une idée qu’il a depuis abandonnée. Au terme de la négociation, AMLO a déclaré que la défense de la souveraineté nationale sur la question de l’énergie avait été assurée.

Concrètement, il sera pratiquement impossible de rétablir les moyens de subsistance des petits agriculteurs dans le cadre de l’ALENA 2.0. Les grandes entreprises subventionnées des États-Unis continueront à affluer au Mexique, suffoquant les petits agriculteurs.

En même temps, AMLO a changé d’avis sur les sociétés pétrolières multinationales effectuant des forages pétroliers et gaziers au Mexique. Contrairement à de nombreuses promesses, il ne révoquera pas les contrats attribués à des sociétés comme ExxonMobil, Chevron et Royal Dutch Shell.

Par ailleurs, AMLO entend relancer des activités de raffinage du pétrole au Mexique par le biais de sa société d’État, Pemex.  Cependant, au lieu d’un programme qui chercherait à briser de manière décisive la dépendance du Mexique vis-à-vis des combustibles fossiles, il a proposé d’ investir 75 milliards de pesos (environ 4 milliards de dollars) dans Pemex, dans l’espoir de relancer la production de pétrole en baisse. Il souhaite également dépenser 49 milliards de pesos (2,6 milliards de dollars) pour mettre à niveau les raffineries existantes de Pemex, ainsi que 160 milliards de pesos (8,6 milliards de dollars) pour construire une nouvelle raffinerie à partir de rien.

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