Mexique : AMLO l’équilibriste

Presidential hopeful and two-time candidate Andres Manuel Lopez Obrador, greets supporters as he arrives at a campaign rally for Delfina Gomez, who is running for Mexico state governor with his National Regeneration Movement, or MORENA, in Nezahualcoyotl, Mexico state, Sunday, May 28, 2017. MORENA is attempting to unseat the ruling Institutional Revolutionary Party, known as the PRI, in June 4 gubernatorial elections in the state, one of the PRI's last remaining strongholds, where it has governed for 88 years. (AP Photo/Rebecca Blackwell)

 

Manuel Aguilar Mora, Rebelion, 606/12/2018

(Traduction: Virginie Rodriguez)

Lors de ses trois premiers jours en tant que président de la République, Andrés Manuel Lopez Obrador (AMLO), a traduit sa double personnalité par de nombreuses actions contradictoires.

Dans les discours de cérémonies d’entrée en vigueur de son gouvernement, le 1er décembre, en annonçant la création d’une Garde Nationale dépendante de l’armée visant à garantir la sécurité intérieure, il s’est référé aux critiques afin de ‘’dissiper les doutes quant au caractère autoritaire de ces mesures’’, et il n’a pas tari d’éloges envers les forces armées, ‘’les généraux et les amiraux de l’armée et de la marine qui ne font pas partie de l’oligarchie’’, ‘’patriotes fidèles et nationalistes indifférents aux hégémonies étrangères’’. Et deux jours plus tard, au Palais national, en présentant la commission de la vérité qui enquêtera sur le sort des 43 étudiants disparus de Ayotzinapa, du manque total de véracité de la supposée incinération des cadavres soutenue par la ‘’vérité historique’’ du gouvernement de Pena Nieto aux familles des victimes, AMLO s’est engagé solennellement devant celles-ci qu’il n’y aura pas d’impunité, que toutes les institutions gouvernementales devront collaborer avec cette commission pour que ce crime ne reste pas impuni, ni que viennent à se répéter de telles atrocités.

Comment sera t-il possible d’aller au fond des choses concernant les 43 étudiants de Ayotzinapa sans enquêter sur la participation et la complicité des militaires d’Iguala? Les hauts gradés, responsables de crimes d’état, comme le massacre de Tlatelolco ainsi que d’autres exactions encore plus répressives, caste intouchable et privilégiée, ne sont-ils pas une partie intégrante de l’oligarchie gouvernementale? Nous sommes ici devant une distorsion complète ainsi qu’une contradiction flagrante de la réalité.

« AMLO président »

Cette expression englobe de façon concise mais ferme la situation politique du pays. Une situation où sont liés divers processus politiques et sociaux qui ont justement été exprimés de façon limpide à l’entrée en fonction de son gouvernement. Une popularité qui ne s’était pas vue depuis les décennies qui suivirent les présidents du PRI et du PAN. Plus de 160 000 personnes se sont réunies au rassemblement de Zocalo pour écouter le discours qui a suivi sa prise de fonction à la Chambre des Députés, où il y réitère ses promesses : augmentation des retraites, création de 100 universités, grands travaux publics, récupération de Pemex et de la Commission Fédérale de l’électricité, un système de santé similaire à celui des pays du nord, amnistie des prisonniers politiques victimes d’abus despotiques, austérité gouvernementale, fin de l’endettement public, et bien sûr, l’enquête approfondie sur la disparition des 43 étudiants d’Ayotzinapa. Il a souligné qu’il reçoit ‘’un pays en faillite à la suite de la catastrophe qu’a été le modèle néolibéral’’. Il a été clair avec ceux qui le soutiennent en leur promettant ‘’la séparation définitive du pouvoir politique et économique’’. Finalement il a insisté en disant : ‘’ne me laissez pas seul; sans vous je ne vaux quasiment rien’’. Mais ici aussi il a mit en scène un acte théâtral grotesque avec un groupe imposteur d’indigènes qui lui ont donné un ‘’bâton de contrôle’’ mensonger.

Nous sommes clairement confrontés à une nouvelle situation. Et c’est précisément la position d’AMLO qui projette le plus fortement cette double situation, transitoire, dans une certaine mesure équivoque, résultat du séisme électoral du 1er juillet dernier. Rien de ce qui se passe ces jours-ci ne peut s’expliquer sans les 32 millions de votes qu’a reçu AMLO et son parti Morena. Un véritable tsunami électoral, à son tour expression d’une très particulière rébellion civique qui empêcha la fraude électorale et que personne ne prévoyait avant ce jour, pas même AMLO, sans parler de ses adversaires ainsi que beaucoup d’observateurs indépendants.

Les résultats sont devant nous : le système traditionnel des partis bourgeois mexicains (PRI, PAN, PRD principalement) détruit; émergence d’un puissant leader doté de sa propre organisation; nouveaux agents du pouvoir (les 32 délégués d’états et les 266 délégués régionaux de l’Administration Publique Fédérale); nouveau modèle idéologique qui ne subordonne pas l’état au marché; large soutien populaire du nouveau gouvernement.

AMLO se trouve ainsi soumis à deux forces fondamentales qui sont de façon synthétique considérées comme : la force des structures étatiques bourgeoises et l’impulsion de masse populaire mal formée pour l’instant, mais clairement existante, qui cherche une solution aux profonds problèmes qui maintiennent les classes ouvrières et exploitées dans les dures et précaires conditions actuelles. Le choc de ces deux processus, le systémique et le populaire ont eu de profondes conséquences qui ne seront surmontées  ni rapidement ni facilement. AMLO, comme il l’a démontré pendant les mois où il fut président-élu, devra toujours chercher l’équilibre entre les deux pressions. Son gouvernement fera la même chose, sans jamais porter atteinte aux fondements mêmes du système socio-économique dominant dont il fait partie intégrante en fin de compte.

Ce sera le sexennat qui débutera le scénario des effets de ce choc dont la seule décision favorable pour les forces populaires est la mise en œuvre d’un programme dépassant l’actuel système capitaliste dominant. Pour que cela soit possible il est nécessaire d’appeler à la mobilisation des masses ouvrières et de leurs alliés pour tenir en échec les forces bourgeoises vaincues et au milieu des contradictions actuelles progresser le plus possible dans la résolution des réformes et  des objectifs qui se définissent aujourd’hui clairement devant nous.

Pour cela les forces socialistes et populaires devront agir de manière coordonnée et responsable. Stimuler le plus possible l’énorme entrain déjà en action, en l’approfondissant, en l’orientant, en un exercice révolutionnaire constant de critique et autocritique, toujours en demeurant des forces indépendantes et démocratiques, sans sectarisme ni ultimatum, agissant toujours en faveur du mouvement tout entier.

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