Migrants et réfugiés : les mythes et les faits

 

 

Roger Martelli , Regards, 7 octobre 2019

L’opinion commune confond volontiers les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile, confusion trop souvent partagée et qui nourrit les fantasmes commodes de « l’invasion » et du « Grand remplacement ». Faire le point sur les flux migratoires est rendu complexe par l’hétérogénéité des sources statistiques. Le principe suivant a donc été retenu ici : les comparaisons internationales les plus globales sont faites à partir des recueils de données de l’ONU et de ses agences, de l’OCDE pour les pays les plus riches et d’Eurostat pour ce qui concerne les pays européens. Pour la France, on utilise les données de l’INSEE et des organismes publics en charge des flux migratoires.

  1. L’essentiel des migrations dans le monde se fait à l’intérieur des États : ces migrations internes concernent de 750 à 800 millions d’individus. Les guerres continuent d’être une source majeure de déplacements : à la fin 2016, on comptait plus de 40 millions de personnes déplacées dans leur pays à cause d’un conflit ou de violences généralisées. Mais depuis quelques années le nombre de personnes déplacées à la suite de catastrophes climatiques l’emporte de loin sur les déplacements liés à des conflits (25,3 millions de personnes nouvellement déplacées chaque année).
  2. En 2019, l’ONU estime par ailleurs le nombre des migrants internationaux à 272 millions (50 millions de plus qu’en 2010). C’est trois fois moins que les déplacements internes et cela concerne 3,5% de la population mondiale.

En nombre, l’Europe et l’Amérique du Nord continuent d’abriter la moitié des migrations internationales. Mais depuis 2010 leur part recule au profit de l’Afrique du Nord, de l’Asie occidentale et de l’Afrique subsaharienne. De plus, la moitié des déplacements se font à l’intérieur de la même aire géographique. 70% des émigrants européens vont vers un autre pays européen et les deux tiers des migrants de l’Afrique sub-saharienne restent dans leur région d’origine. Au total, les migrations du Sud vers le Sud l’emportent aujourd’hui sur les migrations du Sud vers le Nord.

  1. La très grande majorité des migrations internationales (150 millions, soit 60% du total) est liée au travail. Elle se porte pour les trois quarts vers des pays à revenus élevés, où elle s’investit avant tout dans les services (71%), l’industrie et la construction (18%). Les déplacés forcés sont quant à eux estimés à près de 71 millions en 2018, soit 13,6 millions de plus qu’en 2017.
  2. Pour la fin 2018, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) situe à 74,8 millions le nombre de personnes qui ont été contraintes de se déplacer. La très grande majorité (41,4 millions) l’a fait à l’intérieur des États, mais 30,5 millions ont dû s’expatrier (dont 5,4 millions de réfugiés palestiniens qui ne sont pas sous la responsabilité du HCR). Les statistiques internationales distinguent donc les réfugiés (25,9 millions), les demandeurs d’asile (3,5 millions), les apatrides (2,8 millions).

Plus de la moitié de ces expatriés viennent de cinq pays (Syrie, Afghanistan, Sud-Soudan, Somalie, Congo), la Syrie à elle seule comptant pour un quart du total (6,6 millions en 2018).

Les pays les plus riches n’en accueillent qu’un peu plus de 3 millions, soit 12,1%, un peu moins qu’en 2010. L’écrasante majorité (87,9%) se dirige vers des pays du Sud et un cinquième (5 millions) va même trouver refuge dans les pays les plus pauvres.

  1. Sur les 30,5 millions d’expatriés, les demandeurs d’asile (ceux qui, dans l’incapacité de retourner chez eux, demandent la protection du pays d’accueil) sont 3,5 millions. Ils comptent donc pour 13,5% des expatriés et 1,3% des migrants. À l’échelle mondiale, on compte un demandeur d’asile pour 2,2 millions d’habitants.

En 2018, la moitié de ces demandeurs d’asile viennent de six États.

En 2000, les États-Unis et le Royaume-Uni attiraient près de la moitié des demandeurs d’asile ; en 2017, ce taux est le fait de 5 pays (États-Unis, Allemagne, Turquie, Afrique du Sud, Italie), de même qu’en 2018 (États-Unis, Allemagne, Turquie, Pérou, Afrique du Sud). Après la « révolution thatchérienne », le Royaume-Uni a depuis longtemps choisi la voie du durcissement des politiques migratoires et de l’asile. Les Pays-Bas et les États-Unis ont suivi leurs pas, imités depuis peu par l’Italie de Mateo Salvini.

Au sein de l’Union européenne, le nombre de demandeurs a augmenté fortement à Chypre et en Espagne, ainsi qu’en Belgique, aux Pays-Bas, en France et en Grèce. Il a baissé fortement en Italie, en Autriche, en Suède et en Allemagne.

  1. En 2018, les flux migratoires ont augmenté vers les pays de l’OCDE (2% d’immigrés permanents en plus). Cette croissance concerne les migrations familiales (40% des entrées) et de travail. En revanche, le nombre des demandes d’asile a baissé, pour se situer autour de 1,1 million soit 10% de moins qu’en 2017 et 34% de moins qu’en 2015. Le nombre de réfugiés a baissé de façon concomitante : 700.000 permis de séjours ont été accordés pour des raisons humanitaires contre 900.000 en 2016.

Les migrations temporaires de travail sont à la hausse pour atteindre 4,9 millions en 2018 : les plus nombreuses sont celles des travailleurs « détachés » par leur employeur.

Les perspectives professionnelles des immigrés ont continué de s’améliorer en 2018, dans le prolongement de l’évolution positive observée ces cinq dernières années. En moyenne dans les pays de l’OCDE, plus de 68% des immigrés ont un emploi et leur taux de chômage est inférieur à 9%. L’amélioration de la situation au regard de l’emploi des immigrés récents est plus forte dans les pays où le taux d’emploi est relativement élevé, comme en Irlande ou au Royaume-Uni. Aucune évolution de l’emploi des immigrés récents n’est en revanche observée en Italie et en France, où seuls 40% environ des immigrés récents occupaient un emploi en 2018.

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