Solidarité avec les paysans indiens

Conseil central de la CSN à Montréal, Fédération des femmes du Québec, Centre communautaire des femmes sud-asiatiques (et plusieurs autres groupes), 19 février 2021

L’agitation des agriculteurs pour l’abrogation des lois agricoles favorables aux entreprises est devenue le mouvement non violent le plus important et le plus ancien de l’histoire de l’Inde, dépassant la marche historique Dandi du Mahatma Gandhi contre l’horrible loi sur le sel du régime colonial britannique.

Le régime Modi a imposé ses lois agricoles de façon furtive en septembre 2020, en utilisant sa majorité absolue au Lok Sabha (la Chambre basse), et en recourant à la manœuvre discutable d’un vote oral (par acclamation) au Rajya Sabha (la Chambre haute) où il n’a pas de majorité, et en misant sur la pandémie pour étouffer l’opposition à l’extérieur du Parlement.

Ces lois ont été rédigées sans aucune consultation des agriculteurs ou de leurs représentants, les syndicats d’agriculteurs. Les agriculteurs se sont systématiquement opposés à ces lois, qui vont à l’encontre des promesses et des engagements pris envers les eux par différents gouvernements pendant plusieurs décennies. Cela est particulièrement ironique étant donné que le BJP du Premier ministre Modi a fait campagne sur une plate-forme favorable aux agriculteurs, notamment en rendant obligatoire un prix de soutien minimum (MSP) aux produits agricoles, et en mettant en œuvre le rapport Swaminathan,[1] qui est essentiel pour sauver l’agriculture et les agriculteurs indiens.

Ces lois favorisent de manière flagrante les intérêts des capitalistes et corporatistes copains de Modi, tels que les Ambani et les Adani, contre les intérêts de la grande majorité du secteur agricole, jetant de fait les agriculteurs aux requins des entreprises de l’agri-business.

Le gouvernement et ses machines de propagande, agissant dans l’intérêt d’une élite plus étroite et plus exclusivement corporative que n’importe quel gouvernement dans l’histoire de l’Inde indépendante, se sont concentrés non pas sur la recherche de solutions, mais sur la délégitimation des oppositions et en accusant tous ceux qui les soutiennent de représenter des intérêts particuliers (grands et riches fermiers) des États prospères.

Rien n’est plus éloigné de la vérité. Ce mouvement remonte au moins à 2017 et les syndicats qui lui sont associés représentent un large échantillon de la communauté agricole de tout le pays – du travail agricole à la paysannerie marginale, petite et moyenne. Le All India Kisan Sangharsh Coordination Committee (AIKSCC) représente 250 organisations de 20 États, une large coalition unique, des ouvriers agricoles dalits aux petits et moyens paysans de l’OBC.[2] En fait, c’est l’AIKSSC qui, par le biais d’un projet de loi d’initiative parlementaire (soutenu par 21 partis politiques autres que le BJP), a introduit en 2018 un programme de réforme visant à rendre l’agriculture sans dette et durable.

Pendant plusieurs mois, les centaines de milliers d’agriculteurs qui manifestaient pacifiquement aux frontières de la capitale nationale ont fait face et ont résisté à des mesures policières répressives brutales, notamment des canons à eau, des gaz lacrymogènes et des barricades dans les conditions quasi-glaciales de l’hiver à Delhi. 220 agriculteurs sont morts dans ces conditions difficiles, quelques-uns de suicide malheureusement alors que le désespoir les avait vaincus. La pleine participation des femmes aux manifestations, qu’elles soient conductrices de tracteur ou marcheuses, est une autre caractéristique notable de l’agitation des agriculteurs.

Niant et défiant les stéréotypes patriarcaux du nord de l’Inde rurale en participant aux manifestations, les femmes ont démontré leur plein statut d’agriculteurs au même titre que les hommes. Une autre caractéristique est la participation d’agriculteurs plus âgés, certains dans les 80 ans, témoignant de la détermination de l’ensemble de la communauté agricole à défier les diktats d’un régime répressif.

Après les tentatives sous fausse bannière du régime, le 26 janvier dernier, de discréditer, en les faisant paraître comme ‘violentes’, les protestations pacifiques non violentes des fermiers, agriculteurs et paysans, l’agitation agricole est entrée dans une nouvelle phase.

Premièrement, le soutien déjà croissant aux agriculteurs à travers l’Inde est maintenant plus fort que jamais, avec de vastes rassemblements ou mahapanchayats d’agriculteurs organisés dans les États de l’Uttar Pradesh, de l’Haryana et du Punjab.

Deuxièmement, avec la diffamation et la criminalisation par l’État fédéral des agriculteurs et de tous ceux qui se sont prononcés pour les soutenir, y compris les jeunes, les journalistes et les défenseurs des droits humains, le mouvement a maintenant acquis le caractère d’une vaste tentative de défense des droits démocratiques. consacrés dans la Constitution indienne, surtout la liberté d’expression et de réunion et le droit à la dissidence pacifique et à l’opposition aux actions et politiques du gouvernement.

Troisièmement, les récentes déclarations de soutien aux lois agricoles par le FMI et le gouvernement américain indiquent l’éventail des forces qui les soutiennent, ajoutant une dimension anti-impérialiste à la lutte contre elles.

En tant qu’organisations qui œuvrent pour étendre et défendre les droits démocratiques, nous reconnaissons qu’une attaque contre ces droits n’importe où est une attaque contre ces droits fondamentaux partout. Les agriculteurs sacrifient littéralement leur bien-être et mettent leur vie en danger pour faire respecter ces garanties constitutionnelles au nom de tout le peuple indien et donnent un exemple glorieux au monde entier. Leur héroïsme et leur sacrifice méritent notre ferme soutien et notre gratitude éternelle.

Nous saluons l’héroïsme des fermiers et rendons hommage aux âmes des martyrs qui ont tout sacrifié à plus large la cause nationale et humaine.

Nous exigeons que le gouvernement indien prenne les mesures suivantes:

ABROGATION DES LOIS AGRICOLES INJUSTES

ABROGATION DE LA LOI SUR L’ÉLECTRICITÉ

ABROGATION DE LA PEINE DE POLLUTION POUR LES AGRICULTEURS

CESSER DE VILIFIER LE MOUVEMENT AGRICOLE ET DE CRIMINALISER LE SOUTIEN EN LEUR FAVEUR, ET ÉGALEMENT EN FAVEUR DES DIVERS SECTIONS DE LA POPULATION INDIENNE QUI PROTESTENT, ET SURTOUT EN FAVEUR DES DÉFENSEURS DES DROITS HUMAINS ET DÉMOCRATIQUES

[1] La Commission nationale sur les Fermiers (2004-2006), présidée par le Prof. M. S. Swaminathan, recommanda au gouvernement de fixer des Prix de soutien minimum des produits agricoles calculés sur une mesure compréhensive de coûts de production incluant le coût du capital investi et le coût de la rente terrienne (appelé C2) afin de garantir aux producteurs agricoles des bénéfices de 50%.

[2] OBC – Autres Castes Défavorisés – En Inde, une expression utilisée pour désigner des castes marginalisées du point de vue éducatif ou social.