Syrie : la face cachée de la guerre

JONATHAN COOK, National (Abu Dhabi), 3 MAI 2018

 

La bataille cachée en Syrie – celle qui apparaît rarement sur nos écrans de télévision – fait rage depuis des années entre Israël et une coalition comprenant le gouvernement syrien, l’Iran et la milice libanaise Hezbollah.

Ce qui est convoité est le contrôle du territoire syrien, mais le champ de bataille est le ciel de la Syrie. Selon les chiffres des Nations Unies, l’armée israélienne a violé l’espace aérien syrien plus de 750 fois au cours de la période de quatre mois qui a précédé octobre dernier, ses avions de combat et ses drones ayant passé environ 3 200 heures sur le pays. En moyenne, plus de six avions israéliens sont entrés dans l’espace aérien syrien chaque jour pendant cette période. Depuis que la guerre a éclaté en Syrie il y a un peu plus de sept ans, les avions de combat israéliens auraient mené des centaines de missions offensives.

Israël veut que la Syrie reste un état affaibli, en s’assurant que le gouvernement de Bashar Assad ne puisse plus redevenir un ennemi régional. Mais Israël doit également empêcher que d’autres acteurs puissants et hostiles soient entraînés dans le vide qui en résulte.

Israël a atteint un objectif majeur dès le début : les puissances occidentales ont insisté pour que le gouvernement syrien soit désarmé de son vaste arsenal d’armes chimiques, seul moyen de dissuasion de Damas contre une menace nucléaire israélienne.

Depuis lors, l’attention d’Israël s’est déplacée vers l’Iran et a bloqué ses ambitions sur plusieurs fronts: soutenir Assad, établir une présence militaire près de la frontière nord d’Israël et utiliser la Syrie comme un moyen de transférer des armes au Hezbollah.

Le but de l’Iran est de recréer un équilibre de terreur entre les deux parties et de se libérer de l’isolement diplomatique; Israël doit maintenir sa prééminence militaire et sa domination du ciel du Moyen-Orient.

En outre, Israël cherche à exploiter l’effondrement de la Syrie pour revendiquer le contrôle permanent sur les hauteurs du Golan, qu’il a saisi de la Syrie en 1967 et annexé plus tard en violation du droit international.

Selon un responsable militaire israélien, le passage des affrontements par procuration à des affrontements directs a « ouvert une nouvelle période » d’hostilités. Le ministre de la Défense, Avigdor Lieberman, a averti qu’Israël était prêt à empêcher l’enracinement de l’Iran en Syrie, « quel que soit le prix ».

Faisant écho à lui, le secrétaire américain à la Défense, James Mattis, a prévenu jeudi qu’il était « très probable » qu’Israël et l’Iran étaient sur une trajectoire de collision. Aucun des deux ne semble croire qu’il peut se permettre de descendre.

Mais le plan de jeu d’Israël ne risque pas seulement une escalade dangereuse avec l’Iran. Cela pourrait attirer la Russie encore plus profondément en Syrie.

La semaine dernière, des responsables russes ont indiqué qu’il était prévu de fournir à l’armée syrienne le système avancé de défense antimissile russe S-300. Pour la première fois, les avions israéliens risqueraient d’être abattus s’ils violaient l’espace aérien syrien.

Jusqu’ici Israël n’a subi qu’une seule perte connue: un F-16 a été abattu en février par l’armée syrienne dans ce qu’Israël a qualifié d’erreur de l’équipage.

Mais Israël pourrait bientôt se retrouver avec un dilemme troublant: soit il expose ses avions de guerre à l’interception syrienne, soit il attaque les systèmes de défense russes.

Des responsables russes auraient averti qu’il y aurait des « conséquences catastrophiques » si Israël le faisait. Mais Lieberman a affirmé la semaine dernière: « Si quelqu’un tire sur nos avions, nous les détruirons. »

La réalité, cependant, est que la proposition russe, si elle est appliquée, menace de mettre fin à l’impunité pour une force aérienne israélienne qui a parcouru les cieux au-dessus des régions du Moyen-Orient à volonté depuis sa victoire fulgurante sur son homologue égyptien en 1967. Cette approche commence à se dessiner alors qu’Israël et les États-Unis cherchent à empêcher Moscou et l’Iran d’aider à consolider la mainmise d’Assad sur le pouvoir. Plus les combats se poursuivent, plus il est probable qu’Israël deviendra un ennemi non seulement de l’Iran mais aussi de la Russie.

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