Trudeau et le libre-échange : business as usual

 

Les manifestations de masse contre les accords de libre-échange ont cessé depuis le jour des affrontements annuels, mais ceci est au moins en partie dû au fait que les progrès en matière d’ouverture du commerce à l’échelle mondiale semblent s’être bloqués. Au cours des dernières années, les volumes du commerce international par rapport au PIB mondial ont même considérablement diminué pour la première fois depuis des décennies.

Le Canada a toutefois repoussé cette tendance au cours des dernières années en signant plusieurs nouveaux pactes majeurs. Alors que le gouvernement de Stephen Harper était, sans surprise, un grand partisan des accords commerciaux, les libéraux de Justin Trudeau ont repris ce flambeau en cherchant activement nombre de ces accords sous la bannière d’un «programme commercial progressiste».

Examinons donc rapidement certains des grands accords que le gouvernement Trudeau a signés et leur contenu.

Premièrement, Trudeau a conclu les négociations de l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’UE. Le pacte est déjà en grande partie en vigueur depuis 2017. Comme dans la plupart des accords de libre-échange, son texte va bien au-delà d’une simple réduction des tarifs, qui s’étend à de nombreux domaines de la politique publique. Il comprend une protection accrue des brevets pharmaceutiques, augmentant ainsi le prix des médicaments; il est plus difficile pour les gouvernements d’élargir les services publics ou de redonner aux services privés des services publics; et il impose des limites à la réglementation et à la passation des marchés publics. Et, alors que les entreprises et les investisseurs bénéficient de protections juridiques absolues, les travailleurs et l’environnement bénéficient de platitudes fleuries sans mécanismes d’application strictes.

Trudeau a également poursuivi les négociations du Partenariat transpacifique (PTP), dont il a hérité de Stephen Harper – désormais appelé PTP «complet et progressif» (PCTPP), depuis que Trump a sorti les États-Unis des négociations. L’entente, toutefois, est en grande partie inchangée par rapport à l’ancien PTP. Encore une fois, il protège les entreprises tout en contenant très peu de protections opposables aux travailleurs ou à l’environnement. CPTPP comprend des dispositions pour le règlement des différends entre investisseurs et États (ISDS), un mécanisme permettant aux sociétés de poursuivre les gouvernements si elles estiment que les réglementations nationales (par exemple, des normes environnementales ou du travail plus strictes) nuisent «injustement» à leurs activités. 

Une analyse du nouvel ALENA, ou USMCA, a conclu beaucoup plus récemment, est un peu plus contrastée. Les négociateurs ont supprimé le tristement célèbre chapitre 11 de l’ALENA et ses dispositions sur l’ISDS, selon lesquelles le Canada, parmi les trois pays signataires, était le plus fréquemment poursuivi en justice par les entreprises. Et certaines des normes du travail vont dans la bonne direction: par exemple, des dispositions applicables en matière de négociation collective libre et de représentation démocratique devraient limiter le rôle des syndicats d’entreprises nuisibles au Mexique. D’autre part, l’accord comprend un libellé non contraignant sur les normes environnementales – sans aucune mention du changement climatique – et étend également la protection de la propriété intellectuelle des produits pharmaceutiques, ce qui signifie que les Canadiens paieront beaucoup plus pour leurs médicaments.

Tandis que les libéraux de Trudeau vendaient l’image d’un nouveau programme commercial, les négociateurs commerciaux ont mis en place les mêmes règles destinées à entraver la démocratie et à faire passer le droit de profiter avant les droits des personnes.

Alors que le néolibéralisme – la vision selon laquelle le marché est le mieux à même de gouverner la plupart des aspects de la vie sociale et que les solutions individuelles dépassent les solutions collectives – est de plus en plus intégré dans la vie politique canadienne, les accords de libre échange jouent un rôle important: ils rendent plus difficile le retour en arrière. Ces pactes permettent aux États de se lier volontairement les mains; le néolibéralisme a besoin de règles internationales pour maintenir les gouvernements locaux en ligne.

 

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