La décision d’organiser le FSM à Salvador de Bahia avait été prise dans la douleur lors d’une réunion du Conseil International du FSM, qui s’était tenue à Porto Alegre en janvier 2017. Les « historiques » du FSM (Chico Whitaker, Oded Grajew, Moema Miranda, Sergio Haddad, Ze Correa), qui sont tous aujourd’hui très critiques sur le bilan des gouvernements progressistes, craignaient que ce FSM soit utilisé par le Parti des travailleurs (PT) pour le lancement de la candidature de Lula (les élections auront lieu en novembre 2018). Le choix de Bahia s’expliquant par le fait que le PT dirige cet état. C’est le poids de la Centrale unique des travailleurs (CUT) et de l’Association brésilienne des ONG (ABONG) et surtout l’absence d’autre alternative qui ont emporté la décision.
Cette inquiétude s’est vérifié sans pour autant discréditer cette session du FSM. C’est clairement le « peuple de Lula » qui domine à Bahia avec une forte présence du PT et des organisations qui lui sont proche comme la CUT, mais aussi du Parti communiste du Brésil (PCdoB) et des organisations de son obédience. Mais cela ne retire rien à l’importance du Forum, plusieurs dizaines de milliers de personnes, dont beaucoup de jeunes y participant, l’immense majorité venant de la ville de Bahia.
Une réussite partielle qui laisse entières toutes les questions posées sur la situation du mouvement altermondialiste. En dehors du Brésil et de Bahia, les délégations étrangères ont été peu nombreuses, les plus significatives (plus de 100 participants) sont celles du Québec, du Maroc, de l’Allemagne et de la France.
Nouvelles initiatives internationales
Dans les conditions actuelles, il n’est pas sûr du tout qu’il y ait la possibilité d’organiser dans un avenir proche une nouvelle session du FSM. Or, ceux-ci jouent un rôle très important pour permettre aux mouvements de se coordonner sur le plan international et de travailler ensemble.
Plusieurs réunions ont eu lieu entre mouvements qui partagent des points de vue proches (mouvements clairement opposés au capitalisme néolibéral, mais aussi au productivisme/extractivisme et soucieux de voir se construire une démocratie réelle et inclusive). On note entre autres les initiatives communes de réseaux et organisations comme Systemic Alternatives, Attac-France, Focus on the Global South, le réseau 660 (basé au Brésil et d’autres pays latino-américains), la Fondation Solon et le Réseau Intercoll.
L’idée n’est pas de créer une nouvelle structure, mais de se doter d’un minimum d’infrastructure de coordination et de calendrier de réunions où il sera possible de se retrouver pour avancer tant sur les débats de fond que sur la coordination d’actions.
Le féminisme au centre du FSM
L’importance du combat féministe. Le 8 mars y a été particulièrement important dans la région, et surtout à Buenos Aires ou le 8 mars a été une des manifestations les plus importantes de ces dernières décennies. Les racines en ont été la mobilisation contre les « fémicides », mais aussi pour le droit à l’avortement et contre les politiques d’austérité du gouvernement Macri.
Au Brésil de très nombreuses manifestations, y compris bien sûr à Salvador, ont suivi l’assassinat de Marielle Franco, militante féministe, noire et lesbienne, élue à la municipalité de Rio et membre du PSOL.
La candidature de Guillermo Boulos
Il y a une semaine, le Parti socialiste et liberté (PSOL) a annoncé la pré-candidature de Guillermo Boulos à la présidentielle d’octobre 2018. Boulos est le leader du plus important mouvement social du Brésil aujourd’hui : le MTST, les « travailleurs sans-toit » qui remettent en cause les conditions dans lesquelles se déroule le programme « Mi casa mi vida » lancé par les gouvernements PT, mais qui sont situés très loin des centres-ville et ont servi avant tout à relancer le secteur de la construction dominé par des groupes multinationaux.
Cette candidature est lancée à un moment où les chances de Lula de pouvoir être candidat se réduisent de jour en jour. Le PSOL a connu récemment l’arrivée de plusieurs groupes de gauche et écologistes, de même que du PT.
- Christophe Aguiton est militant d’Attac-France