Herman Rosenfeld, extraits d’un article paru dans Canadian Dimension, 22 octobre 2020
Rosenfeld est un militant syndical de la région de Toronto
Le président américain Trump représente un danger pour les travailleurs et une menace pour les institutions et pratiques démocratiques. Compte tenu du rôle et de la domination des États-Unis en tant que chef du capitalisme international et principal hégémon impérialiste, un Trump réélu sera un gros obstacle pour le monde entier, notamment par rapport aux guerres en cours et la course aux armements nucléaires, sans compter les enjeux climatiques. Compte tenu des étroites relations entre le Canada et les États-Unis, une victoire de Trump aurait un impact important au Canada.
Les monstruosités de Trump
Trump représente une orientation populiste autoritaire et un mouvement qui menace de défaire (ou de diluer davantage) ce qui reste de l’État providence américain datant du New Deal. Il est un négationniste du changement climatique. Son administration et sa campagne s’attaquent directement aux droits des Noirs et des personnes racialisées, des immigrants et des mouvements qui ciblent la police répressive et d’autres domaines de discrimination systémique. Par ailleurs, Trump cherche à démanteler l’éducation publique, attaque les droits collectifs des travailleurs et des syndicats et promeut un programme contre les droits sociaux acquis par les femmes et les LGBTQ. Trump légitime et fait appel aux milices et éléments nativistes, violents, proto-fascistes et racistes méprisant la démocratie libérale, menaçant la suppression violente des électeurs et la fraude. Un Trump réélu approfondirait cet environnement d’autoritarisme et de violence. Au niveau international, Trump a augmenté les dépenses militaires tout en stimulant la haine et la xénophobie envers des concurrents tels que la Chine. Et, gardez à l’esprit que, même si Trump perd, il ne partira pas simplement.
Les effets Trump sur le Canada
Une victoire de Trump renforcerait des éléments xénophobes et racistes similaires au Canada, comme les soldats d’Odin et les Proud Boys. Cela renforcerait la peur et la haine existantes envers les immigrants et les réfugiés.
Sa victoire renforcerait également les tendances populistes de droite au sein des couches populaires au Canada, qui sont amèrement déçus des fausses promesses faites par l’establishment politique et économique. La politique de Trump qui est de faciliter la croissance des industries extractivistes pourraient être émulées au Canada et attirer les travailleurs qui sont liés aux entreprises impliquées dans l’extraction de combustibles fossiles, comme le charbon, le pétrole et le gaz, ainsi que la fracturation hydraulique.
Le chef du Parti conservateur canadien, Erin O’Toole, fait écho à certains éléments mis de l’avant par Trump, notamment pour attirer l’attention des travailleurs qui ont perdu leur emploi dans le secteur de l’automobile et aux sections de la classe ouvrière liées aux investissements pétroliers et gaziers en Alberta et en Saskatchewan. Les gouvernements provinciaux des provinces des Prairies, ainsi que les investisseurs pétroliers et gaziers, seraient renforcés dans leur volonté d’aller de l’avant dans la construction des pipelines Keystone et Trans Mountain et d’investir davantage dans l’exploitation et le transport des sables bitumineux.
Ottawa et Trump
Depuis son élection, Trump a remis en question plusieurs aspects de ce qui constitue le vaste secteur des échanges commerciaux et des investissements entre les deux pays. Il cherche à affaiblir ou à détruire les accords international tels l’ALÉNA et les institutions telle l’OMC qui posent des limites à l’unilatéralisme américain. Ottawa n’est pas d’accord avec cela. Mais, en dépit de ces différents, le gouvernement canadien s’est globalement aligné sur la politique extérieure de Trump, notamment en Ukraine, au Moyen-Orient ou en Amérique latine. Ottawa par ailleurs n’a pas entravé la production d’armes pour ou en partenariat avec l’armée américaine. Trudeau et Freeman embarquent dans le discours de la « nouvelle guerre froide » contre la Chine. L’arrestation et la détention de Meng Wanzhou, une cadre supérieure de l’entreprise chinois Huawei font partie de cette confrontation dont sont victimes deux otages canadiens, Michael Spavor et Michael Kovrig. Tout en confrontant Beijing pour ralentir sa croissance économique et ses capacités technologiques, ni Ottawa ni Washington ne disent un mot sur les entreprises canadiennes et américains qui surexploitent les travailleurs et travailleuses en Chine
Nos amis américains
Évidemment, l’establishment politique à Ottawa espère, sans le dire, une victoire de Joe Biden. Biden, en gros représente un retour au statu quo de l’ère Obama. On ne peut oublier que, durant l’administration démocrate, les attaques contre le mouvement syndical, le refus de mettre en lace une véritable assurance-maladie, la continuation des industries extractivistes ont été la norme, sans compter la militarisation et les agressions impérialistes un peu partout dans le monde.
Il n’en reste pas moins qu’il y a une fraction du Parti Démocrate plus progressiste qui voudrait revenir aux politiques du « New Deal » telles qu’elles avaient été mises en œuvre par Franklin Delano Roosevelt avec l’appui des syndicats et de la gauche. Ces éléments progressistes sont impulsés par un petit parti de gauche très actif, les Democratic Socialists of America, dont la populaire Alexandria Ocasio-Cortez. Cette gauche a pris le pari risqué et contesté de travailler à l’intérieur du Parti Démocrate, même après que la candidature de Bernie Sanders ait été rejetée par les instances du Parti. Les DSA entretemps tentent de construire un espace où socialistes et les sociaux-démocrates de gauche peuvent travailler ensemble. Pour le moment, DSA est en montée, surtout auprès des jeunes et d’une vaste couche qu’on appelle les « chômeurs gradués » qui avaient été au cœur de la mobilisation d’Occupy en 2010. Cependant, l’ancrage du parti dans la classe ouvrière et les communautés africaines-américaines est relativement faible. Par rapport aux élection du moins prochain, DSA et la majorité des progressistes font campagne contre Trump, incitant les électeurs à s’enregistrer et en soulignant les dangers que représente le président sortant. En même temps, ils s’efforcent d’influencer Biden en le tirant vers la gauche, autour d’un programme de relance économique et écologique. Une victoire probable de Biden pourrait renforcer le poids des militants socialistes et sociaux-démocrates de gauche aux États-Unis. Il sera intéressant et instructif au Canada de suivre de près cela et de parrainer des échanges avec les socialistes américains.