COP26 : quinze menaces qui pèsent sur le Maghreb et le Moyen-Orient

publié sur Middle East Eye – MEE 

À l’approche de la Conférence de l’ONU sur la crise climatique, Middle East Eye passe en revue les ravages environnementaux causés par les changements de température, la croissance rapide et les conflits dans la région

Les gouvernements vont se réunir à Glasgow à partir du 31 octobre à l’occasion de la conférence de l’ONU sur le climat – plus connue sous le nom de COP26 – pour agir face à la crise climatique.

Rares sont les régions plus touchées par la crise que le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. Des feux de forêts apocalyptiques en Algérie aux inondations dévastatrices en Turquie, en passant par la pollution toxique au Liban et les sécheresses généralisées en Irak et Syrie, l’humanité détruit la région.

Parfois, les dommages ne sont pas provoqués par l’industrialisation ou les conflits mais par des activités qui semblent inoffensives comme le tourisme ou le sport. Néanmoins, leurs effets peuvent être tout aussi néfastes.

Les exemples ci-dessous sont tirés des reportages de Middle East Eye ces dernières années. La réalité ne se résume pas à cela : vous pouvez également consulter nos articles sur la crise climatique et les événements météorologiques extrêmes, qui soulignent entre autres problématiques les impacts des tempêtes de sable, des guerres de l’eau et de la déforestation.

1. De grandes villes englouties

Des véhicules au bord d’une zone inondée dans le district d’al-Qurnah, au nord de Bassorah dans le sud de l’Irak, en avril 2019 (AFP)
Des véhicules au bord d’une zone inondée dans le district d’al-Qurnah, au nord de Bassorah dans le sud de l’Irak, en avril 2019 (AFP)

Les villes côtières d’Égypte et d’Irak pourraient être submergées d’ici 2050 à cause de l’élévation du niveau de la mer, selon un rapport.Une étude menée par Climate Central, une organisation américaine à but non lucratif, triple les estimations initiales de la vulnérabilité mondiale face à la montée du niveau de la mer et aux inondations côtières.

Les données de Central Climate montrent que Bassorah, la deuxième plus grande ville d’Irak, pourrait être partiellement submergée, provoquant le déplacement de milliers de personnes.

Cette étude révèle également que la mer pourrait engloutir Alexandrie, alors que certains quartiers de la ville s’enfoncent déjà dans l’eau en raison de l’élévation du niveau de la mer.

À LIRE : Quand les villes coulent : comment le changement climatique ravage le Moyen-Orient


2. Des températures supérieures à 50 °C

Un employé met des blocs de glace dans une piscine aux Émirats arabes unis pendant la canicule en août 2020 (AFP)
Un employé met des blocs de glace dans une piscine aux Émirats arabes unis pendant la canicule en août 2020 (AFP)

Quatre pays du Moyen-Orient ont connu des températures supérieures à 50 °C en juin 2021, répétant un schéma de record de chaleur pour la saison.

Oman, l’Iran, le Koweït et les Émirats arabes unis ont tous connus des températures égales ou supérieures aux records nationaux.

La fréquence de ces épisodes de chaleur extrême s’accroît considérablement au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. En 2020, une étude publiée dans Science Advances suggérait que certaines régions du Moyen-Orient, en particulier le Golfe, pourraient devenir inhabitables si cette tendance se poursuivait.

À LIRE : Des températures élevées rendront invivables le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord


3. Des millions de personnes confrontées à la sécheresse

Un garçon dans un champ asséché dans la région de Saadiya au nord de Diyala, dans l’est de l’Irak, en juin 2021 (AFP)
Un garçon dans un champ asséché dans la région de Saadiya au nord de Diyala, dans l’est de l’Irak, en juin 2021 (AFP)

La sécheresse met en danger la vie de plus de 12 millions de personnes à travers l’Irak et la Syrie, ont mis en garde les organisations humanitaires en août.

Dans un communiqué commun, treize associations ont pointé le risque de « catastrophe » à cause de la hausse des températures, du manque record de précipitations et de la sécheresse. Tout cela menace l’accès à l’eau potable, à l’irrigation et à l’électricité puisque les barrages commencent à s’assécher.

Selon l’ONU, la Syrie est confrontée à la pire sécheresse en 70 ans, tandis que l’Irak connaît sa seconde saison la plus sèche en 40 ans en raison du manque record de précipitations.

À LIRE : Au Maghreb, l’eau est à la source des conflits sociaux de demain

4. Les côtes ravagées par les inondations

Des bâtiments effondrés après les crues éclair qui ont partiellement détruit la ville de Bozkurt située au bord de la mer Noire, en Turquie, en août 2021 (AFP)
Des bâtiments effondrés après les crues éclair qui ont partiellement détruit la ville de Bozkurt située au bord de la mer Noire, en Turquie, en août 2021 (AFP)

Début août, des crues éclair ont dévasté les côtes turques de la mer Noire, tuant des dizaines de personnes. Ce désastre s’est produit alors que le pays parvenait enfin à maîtriser les centaines de feux de forêts le long de sa touristique côte méridionale.

Ces inondations ont frappé le pays la semaine même où un groupe d’experts de l’ONU annonçait que le réchauffement climatique était dangereusement proche d’échapper à tout contrôle, et que les événements météorologiques extrêmes empireraient.

À LIRE : Les inondations en Algérie suscitent colère et dérision  

5. Des villes à l’arrêt à cause de la pollution

Téhéran photographiée en novembre 2019, enveloppée par un smog toxique (AFP)
Téhéran photographiée en novembre 2019, enveloppée par un smog toxique (AFP)

Un nuage de pollution toxique a plané sur l’Iran pendant des jours en novembre 2019 et contraint les autorités à fermer les écoles et universités et à ordonner à la population de rester chez elle.

Des pics saisonniers similaires de pollution ont eu des effets meurtriers : en 2016, plus de 400 personnes seraient décédées en moins d’un mois pendant un épisode de forte pollution.

Selon un rapport de la Banque mondiale publié en 2018, la pollution en ville est principalement causée par les véhicules lourds, les motos, les raffineries et les centrales électriques.

À LIRE : « Ils meurent, tout simplement » : un village palestinien asphyxié par les déchets d’une colonie israélienne


6. Assèchement des lacs

Des touristes traversent le lit asséché du lac Tuz, en Turquie. La moitié de la production turque de sel de table provient des usines situées autour du lac (AFP)
Des touristes traversent le lit asséché du lac Tuz, en Turquie. La moitié de la production turque de sel de table provient des usines situées autour du lac (AFP)

Les lacs du Moyen-Orient s’assèchent à cause de l’évaporation de surface et de la mauvaise gestion de l’environnement, notamment le détournement de l’eau des cours d’eau qui les alimentent.

Autrefois plus grand lac du Moyen-Orient, une grande partie du lac d’Ourmia en Iran se résume désormais à une plaine salée. Et le lac Milh en Irak, qui attirait autrefois des milliers de personnes pour des excursions journalières, ressemble désormais à un désert.

À LIRE : Cinq lacs du Moyen-Orient menacés d’assèchement


7. Les coraux tués par le tourisme

Ce récif corallien de Three Pools au large de Dahab en Égypte, photographié en juin 2021, est presque mort à cause du tourisme de masse dans la région (MEE/Elizabeth Fitt)
Ce récif corallien de Three Pools au large de Dahab en Égypte, photographié en juin 2021, est presque mort à cause du tourisme de masse dans la région (MEE/Elizabeth Fitt)

La surfréquentation détériore certains récifs coralliens de la mer Rouge et du golfe Persique car la région a du mal à trouver l’équilibre entre tourisme et préservation de l’environnement.

Parmi les menaces, la crème solaire qui nuit à l’écosystème aquatique. Cinzia Corinaldesi, professeure d’écologie à l’Università Politecnica delle Marche en Italie et co-auteure d’un article sur les crèmes solaires et les coraux aux Maldives paru en 2018, a constaté que les nanoparticules d’oxyde de zinc souvent utilisées dans les protections solaires provoquaient un « grave et rapide blanchiment des coraux », même en quantités infimes.

À LIRE : En Égypte, les coraux perdent leurs couleurs et le monde une protection


8. Les déchets dont l’Europe se débarrasse

Un homme récupère des choses dans une décharge illégale à Adana, dans le sud de la Turquie, en novembre 2020 (AFP)
Un homme récupère des choses dans une décharge illégale à Adana, dans le sud de la Turquie, en novembre 2020 (AFP)

Le Royaume-Uni et l’Allemagne continuent d’exporter illégalement des déchets plastiques non recyclables en Turquie, où ils sont brûlés dans des décharges et polluent l’environnement, révélait une enquête de Greenpeace au mois de mai.

Selon ce rapport, la Turquie a reçu près de 40 % des exportations de déchets plastiques du Royaume-Uni (soit 209 642 tonnes) en 2020, dont près de la moitié étaient des plastiques mélangés pratiquement impossible à recycler.

Ce rapport conclut que les États membres de l’UE ont aussi exporté 20 fois plus de déchets plastiques en Turquie en 2020 qu’en 2016 – soit environ 447 000 tonnes – ce qui fait de la Turquie la première destination pour les déchets plastiques européens.

À LIRE : « Rien que des ordures » : au Maghreb et au Moyen-Orient, la montagne de déchets électroniques ne cesse de grandir


9. Une nouvelle victime de la guerre civile

Un déversement de pétrole provenant de la centrale électrique de Banias sur la côte méditerranéenne syrienne, en août 2021 (Maxar Technologies/AFP)
Un déversement de pétrole provenant de la centrale électrique de Banias sur la côte méditerranéenne syrienne, en août 2021 (Maxar Technologies/AFP)

Les dix années de conflit en Syrie ont fait de la côte une source d’inquiétude en matière d’écologie, selon une étude de PAX, une organisation néerlandaise promouvant la paix, publiée en octobre.

Les fuites de réservoirs, de pipelines sous-marins et de systèmes de traitement des eaux ont transformé la côte syrienne en « poudrière de pollution liée au conflit », selon l’organisation.

Une grande partie de la Méditerranée souffre déjà de la pollution. Cependant, la décennie de conflit en Syrie a multiplié les sources d’inquiétudes majeures concernant l’environnement le long de ses côtes, révèle le rapport de PAX.

À LIRE : L’impact de la guerre sur l’eau syrienne est si vaste que vous pouvez le voir depuis l’espace


10. Des maisons historiques menacées par les fortes pluies

Dans la vieille ville de Sanaa, un ouvrier déblaie les décombres avant la restauration d’un bâtiment inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO qui s’est effondré à la suite de fortes pluies (AFP)
Dans la vieille ville de Sanaa, un ouvrier déblaie les décombres avant la restauration d’un bâtiment inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO qui s’est effondré à la suite de fortes pluies (AFP)

Des mois de pluies torrentielles au Yémen ont tué plus d’une centaine de personnes et amené plusieurs bâtiments inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO dans la vieille ville de Sanaa au bord de l’effondrement en août.

Les pluies incessantes depuis avril ont endommagé des centaines de maisons, notamment de nombreux bâtiments en pisé dans la vieille ville de Sanaa, construits avant le XIe siècle et célèbres pour leurs façades décorées.

L’UNESCO a reconnu que les dommages mettaient en danger la vie des habitants des centres historiques à travers le pays.

À LIRE : Les maisons historiques de la vieille ville de Sanaa sur le point de s’effondrer après de fortes pluies


11. Des éleveurs à la peine

Les éleveurs kurdes, comme ceux qui font paître leurs animaux près de Barroy, à Souleimaniye, indique que la pâture manque pour nourrir leurs troupeaux (MEE/Dana Taib Menmy)
Les éleveurs kurdes, comme ceux qui font paître leurs animaux près de Barroy, à Souleimaniye, indique que la pâture manque pour nourrir leurs troupeaux (MEE/Dana Taib Menmy)

En 2021, les éleveurs kurdes ont connu l’un des pires manques de précipitations de leur mémoire, exacerbant des années de sécheresse.

« Cela a énormément affecté nos moyens de subsistance, qui dépendent de l’agriculture et de l’élevage de moutons et de bétail. Nous manquons de pâture pour nos troupeaux », a confié Ramazan Ghalib Khurshid, éleveur du village de Khwelen dans le district de Sangaw, à Middle East Eye.

L’Irak figure parmi les pays les plus vulnérables aux changements climatiques. Le Kurdistan a un climat méditerranéen et selon une analyse de 2020 du Massachusetts Institute of Technology (MIT), le bassin méditerranéen est déjà bien affecté par le réchauffement de la planète, et les précipitations saisonnières pourraient chuter de 40 % au cours des 30 prochaines années.

À LIRE : Les agriculteurs du sud de la Cisjordanie luttent pour survivre face au changement climatique


12. Des poissons morts et toxiques jonchent les rives d’un lac

Une photo aérienne montre des carpes mortes sur les rives du réservoir d’al-Qaraoun dans le district de la Bekaa occidentale au Liban, en avril 2021 (AFP)
Une photo aérienne montre des carpes mortes sur les rives du réservoir d’al-Qaraoun dans le district de la Bekaa occidentale au Liban, en avril 2021 (AFP)

En 2021, au moins 40 tonnes de poissons ont été retrouvés morts sur les rives d’un lac de la rivière Litani au Liban, un désastre imputé aux eaux polluées.

Des bénévoles ont ramassé les carcasses de poissons en train de pourrir près du lac de Qaraoun, tandis que des piles de déchets flottaient près des milliers de poissons en décomposition dans des eaux déjà sales.

Les autorités ont prévenu que les poissons étaient toxiques et porteurs d’un virus.

À LIRE : Pollution et pénurie d’eau : la crise écologique ne tarit pas en Mésopotamie


Et puis il y a les feux de forêts…

Le Moyen-Orient et le Maghreb, qui comptent parmi les régions les plus sèches au monde, connaissent bien les feux de forêts.

Mais en 2021, la chaleur extrême a brûlé tout un pan de la région, de l’Algérie à l’ouest jusqu’à la Turquie, le Liban et la Syrie plus à l’est.

Chaque catastrophe est synonyme de vies perdues, de communautés détruites et de paysages dévastés.

3. Algérie : les communautés unies pour combattre les flammes

Dans les villages mal équipés pour combattre les incendies, les gens s’attaquent aux flammes avec des bâtons, des pelles et des branches (Reuters)
Dans les villages mal équipés pour combattre les incendies, les gens s’attaquent aux flammes avec des bâtons, des pelles et des branches (Reuters)

En août, des dizaines de personnes (y compris des soldats) sont mortes dans les incendies « apocalyptiques » qui ont balayé le nord et l’est de l’Algérie.

Selon les experts, la chaleur, la sécheresse et le vent ont contribué à l’ampleur dramatique des incendies, similaires aux conditions météorologiques à l’origine des incendies qui touchent d’autres pays méditerranéens.

Des histoires tragiques ont circulé sur internet, notamment celle de deux petites filles dont les corps carbonisés ont été retrouvés accrochés à celui de leur mère, ou encore celle d’un jeune fermier tout juste marié mort asphyxié alors qu’il essayait d’ouvrir la porte de son poulailler pour permettre aux volatiles de s’enfuir.

À LIRE : Incendies de forêt en Algérie : d’Aïn El Hammam à Barbacha, la désolation qui rend plus fort


14. Turquie : des villages en flammes

Un habitant se tient à côté des décombres de la maison d’un voisin et regarde les vestiges calcinés de sa propre maison (MEE/Yusuf Selman Inanc)
Un habitant se tient à côté des décombres de la maison d’un voisin et regarde les vestiges calcinés de sa propre maison (MEE/Yusuf Selman Inanc)

Adossée à un mur, Gulsum regarde sans le voir Kalemler, son village dévasté. « Nous avons tout perdu. Notre maison, le bétail, les meubles. Il ne nous reste qu’une chèvre, qui n’y voit pas clair à cause des cendres et dont les poils ont été partiellement brûlés. »

Le village est à seulement 15 km de Manavgat, dans la province d’Antalya, une destination touristique populaire. En août, il s’est transformé en ruines et c’est l’un de la centaine de sites au moins à travers le pays à avoir été dévastés ce mois-là par les incendies.

Les experts ont prévenu que les changements climatiques dans des pays tels que la Turquie accroissent tant la fréquence que l’intensité des feux de forêts.

À LIRE : En Turquie, les incendies alimentent théories du complot et populisme


15. Liban : les propriétaires fuient les flammes

Un homme court se mettre à l’abri tandis que les pompiers éteignent un feu de forêt dans le nord du Liban dans le gouvernorat du Akkar, en juillet 2021 (AFP)
Un homme court se mettre à l’abri tandis que les pompiers éteignent un feu de forêt dans le nord du Liban dans le gouvernorat du Akkar, en juillet 2021 (AFP)

Les incendies de forêt ont semé le chaos au Liban en juillet tandis que des températures estivales record continuent à accabler la région. Parmi les victimes figure un adolescent de 15 ans « qui s’est précipité pour aider à éteindre les flammes », selon les autorités de la défense civile.

Ces deux dernières années, des centaines d’incendies ont balayé le Liban et les régions montagneuses côtières de la Syrie lors des vagues de chaleur estivales, contraignant des centaines de personnes à évacuer leurs maisons.

Outre les incendies, la chaleur accablante provoque des coupures d’électricité et d’eau et les spécialistes de l’environnement estiment que les événements météorologiques extrêmes vont probablement devenir plus fréquents avec le réchauffement climatique.

À LIRE : Trois morts et une « catastrophe écologique » : le Liban et la Syrie ravagés par des incendies

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.