COP 26 : Extinction Rebellion manifeste contre le greenwashing à Glasgow

crédit: Médiapart

Glasgow (Écosse).– Du haut des marches de l’imposant Glasgow Royal Concert Hall, une jeune militante, coiffure punk, lunettes écaillées et poing levé, hurle sa rage au micro : « Nous sommes là pour dénoncer les grandes entreprises et les gouvernements qui dépensent plus d’argent dans le greenwashing que pour réellement lutter contre le changement climatique ! »

En réponse, un parterre de manifestants scande alors : « Quelle solution ? La révolution ! » Une myriade multicolore de drapeaux estampillés du logo d’Extinction Rebellion – un sablier, symbole du temps qui s’écoule face à l’urgence climatique – flotte au vent. En cet après-midi du mercredi 3 novembre, sous le soleil timide de Glasgow, le mouvement de désobéissance civile de lutte pour le climat a organisé une manifestation contre le greenwashing à travers les rues de la cité écossaise.

Une batucada tonitruante – un ensemble de percussions d’origine brésilienne – annonce le départ du cortège au son grave des caixas. À l’avant de la marche, des banderoles annoncent « Combien de COPs pour arrêter le chaos climatique ? »  – cop signifiant aussi  « flic » en anglais – ou encore, plus sobrement, « On vous voit », accompagné d’une paire d’yeux géante.

Dans le tintamarre des percussions, Daryl Tayar, 54 ans, porte-parole d’Extinction Rebellion Écosse, explique à Mediapart : « Nous sommes descendus dans la rue pour protester contre la COP26 qui ne fait que perpétuer le business as usual. Google est l’un des sponsors de cette conférence internationale sur le climat et a déclaré avoir atteint la neutralité carbone en 2007. Mais depuis cette date, elle a émis 20 millions de tonnes de carbone. C’est l’équivalent de 10 millions de voitures roulant pendant un an ! »

« Nous devons aussi lutter contre la désinformation des gouvernements, poursuit le quinquagénaire. Aujourd’hui, à la COP26, 450 établissements financiers ont annoncé 130 milliards de dollars de capitaux pour des projets verts… mais rien dans cet accord ne mentionne qu’aucun dollar ne doit être investi dans les combustibles fossiles. »

Contre le sentiment d’impuissance, se retrouver

Quelques centaines de mètres après s’être élancé, le défilé est stoppé par un impressionnant mur de policiers. Un blocage qui ne décourage en rien la détermination des manifestants qui crient de plus belle « Justice climatique ! » alors qu’un hélicoptère stagne au-dessus de la foule.

Les activistes sont venus des quatre coins de l’Écosse comme de l’Angleterre, mais aussi de France. « Pour moi, la COP26 est un grand raout où les gouvernants se rassemblent pour prendre des décisions non contraignantes », lâche Ynalem, habitante de Montpellier.

« Ce qui est intéressant ici pour nous en tant qu’Extinction Rebellion, c‘est de se retrouver, de créer un réseau international de luttes face à ces multinationales qui n’ont pas de frontières », ajoute pour sa part Batpoi, parti de Limoges. « On ressent un vrai sentiment d’impuissance, parfois on voit des militants baisser les bras par découragement, et ce genre de manifestation permet de se remobiliser, de voir comment les autres s’organisent », poursuit Ynalem.

Tandis que le cortège redémarre et parvient à déjouer le cordon policier, une armée de « Greenwash Busters », parodiant les SOS Fantômes, débusque les enseignes commerciales qui usent du greenwashing dans leur communication. « On peut dire que ce n’est que du marketing mais, en réalité, c’est une pratique qui nous précipite vers le chaos climatique », alerte Erin, jeune militante écossaise de 19 ans et étudiante en histoire.

« Banque la plus sale du monde »

Tout au long du parcours, le défilé joue au chat et à la souris avec les forces de l’ordre dans les rues du centre-ville de Glasgow, quand soudain un petit groupe se détache pour se précipiter devant les locaux de la banque américaine JPMorgan. Devant l’entrée de l’établissement, gardé par des fourgonnettes de police, une poignée d’activistes craquent des fumigènes verts. Dans un ballet bien orchestré, d’autres s’attellent à déployer des banderoles sur lesquelles on peut lire : « Banque la plus sale du monde » ou encore « Plus grand financeur des combustibles fossiles ».

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Des activistes d’Extinction Rebellion devant les bureaux de la banque JPMorgan. Glasgow, 3 novembre 2021. © MC / Mediapart

 

JPMorgan est en effet la banque qui investit le plus dans les énergies fossiles : elle a déjà injecté dans ce secteur 317 milliards de dollars depuis l’accord de Paris sur le climat de 2015. Durant la COP26, elle sponsorise le Resilience Hub, un espace de conférence situé en plein cœur du site de négociation et qui propose « une immersion inoubliable dans l’urgence d’agir tout en mobilisant l’ambition d’offrir un monde résilient pour tous ».

Quelques dizaines de mètres plus loin, le cortège s’est rassemblé face aux bureaux de la Scottish and Southern Energy (SSE), la compagnie énergétique écossaise. Deux militants se sont enchaînés l’un à l’autre avant que ne se ruent vers eux les forces de l’ordre. Plus grande entreprise pollueuse d’Écosse, SSE est partenaire officiel de la COP26 et sponsorise le « SSE Hydro », une des arènes où se tient le sommet mondial sur le climat.

Fermement encadrés par les agents de police, les deux activistes demeurent impassibles tandis que leurs comparses s’égosillent en chœur « Vous n’êtes pas seuls ! ». Un membre d’Extinction Rebellion distribue pendant ce temps des flyers aux passants sur lesquels est imprimée une carte de Glasgow. Elle dévoile qu’en 2050, si les États ne parviennent pas à limiter le réchauffement global à 1,5 °C, le site accueillant actuellement la COP26 sera noyé par la montée des eaux.