Lettre ouverte à la mairesse Valérie Plante
Nous, des femmes œuvrant dans des organisations venant en aide aux femmes victimes de violences sexuelles, nous unissons nos voix pour attirer votre attention sur une situation qui nous préoccupe au plus haut point. En effet, Michel Martelly, alias Sweet Micky, un misogyne notoire qui fait l’apologie du viol s’apprête à venir performer sur scène à Montréal, le 22 mars 2019. Cette situation est d’autant plus inquiétante du fait que le régime actuellement au pouvoir à Port-au-Prince, accusé de corruption et de répression est l’héritier du parti de Martelly, un ex-président d’Haïti dont l’administration est également impliquée dans le scandale de corruption et de détournements de fonds qui secoue actuellement le pays. De plus, alors qu’il était encore en poste à la présidence, Martelly a tenu des propos sexistes et dénigrants envers les femmes. À ce sujet, nous vous référons à cette déclaration des citoyennes et organisations de femmes d’Haïti publiée sur AlterPresse, le 4 février 2016:
« En novembre 2014, dans une entrevue accordée à la chaîne française TV5 Monde, le Président banalisait le viol et stigmatisait les femmes ayant une nombreuse progéniture.
En juillet 2015, il a publiquement insulté une citoyenne, qui contestait les performances de son régime, et simulé un viol à son égard.
En février 2016, à la veille de la fin de son mandat, le Président-Sweet Micky compose une odieuse et ordurière meringue carnavalesque qui s’en prend aux journalistes Liliane Pierre-Paul et Jean-Monard Métellus.
[…] En agissant ainsi, le Président de la République s’adonne, encore une fois, à une agression qui s’apparente à de la violence d’État, dans un contexte où les filles et femmes violentées ont du mal à obtenir la protection nécessaire auprès de la police et de la justice.
L’attitude du Chef de l’État est une incitation à la banalisation de la violence envers les femmes et à l’impunité des agresseurs. Ainsi, les plaintes des femmes sont-elles souvent ridiculisées et le Ministère à la Condition féminine est-il réduit à sa plus simple expression.
Nous, les organisations de défense des droits des femmes, avons encore en mémoire les violences perpétrées par le régime dictatorial de François Duvalier sur la journaliste féministe Yvonne Hakim-Rimpel, dirigeante du journal L’Escale. » https://bit.ly/2HluI4T
Au cours de l’été et de l’automne 2018 aux États-Unis, des membres de la communauté haïtienne de Miami puis de New-York se sont mobilisés pour protester contre les performances de Martelly dans leurs villes respectives. Restant sourd à ces protestations, Martelly récidive et soulève cette fois l’indignation de Montréalais d’origine haïtienne en annonçant qu’il montera sur scène au Plaza Centre-ville situé au 777 Robert-Bourassa à Montréal. Depuis deux semaines, des Montréalais de toutes origines se sont organisés au sein d’un groupe de solidarité et une manifestation contre la tenue de son spectacle est prévue pour le 22 mars. Fidèle à son habitude, M. Martelly a réagi publiquement à l’annonce de la manifestation en proférant des insultes à l’égard des protestataires. Parmi ces derniers, des personnes disent avoir reçu des menaces d’individus proches des promoteurs du spectacle de Michel Martelly.
En plus de sa misogynie avérée, des accusations de violation des droits de la personne et du droit international pèsent sur Michel Martelly ainsi que sur son entourage. En tenant compte de tout cela, il existe des motifs raisonnables d’interdiction d’entrée de M. Michel Martelly au Canada. Une telle interdiction est la meilleure façon de répondre aux demandes légitimes des protestataires et d’assurer leur sécurité. Nous vous exhortons donc à user de tout votre pouvoir politique pour qu’une interdiction d’entrée sur le territoire soit appliquée à Michel Martelly. Ceci serait déjà un pas vers la justice pour les femmes migrantes victimes de violences sexuelles en Haïti qui ont fui leur pays entre autres parce qu’elles étaient dénigrées sous l’administration Martelly. À l’inverse, laisser Martelly aller et venir comme bon lui semble au Canada, lancerait à ces femmes le message qu’elles ne pourront jamais accéder à la justice car l’impunité est la norme dans leur pays d’origine comme au Canada.
Pour finir, nous tenons à souligner que les demandes de ceux et celles qui protestent contre la venue de Michel Martelly à Montréal font écho à celles des femmes haïtiennes qui aspirent à une vie digne, sans violences sexuelles, dans une société où l’impunité des agresseurs n’est plus tolérée. Nous sommes persuadées que cette aspiration vous interpelle autant que nous. En tant que mairesse de Montréal ayant adopté l’an dernier une déclaration contre les violences à caractère sexuel, nous comptons sur votre action ferme et rapide dans cette affaire.
Liste des signataires:
- Coalition féministe contre la violence envers les femmes
- Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle (CLES)
- Femmes de diverses origines – Women of diverse origins (FDO – WDO)
- Maison d’Haïti
- Mouvement contre le viol et l’inceste (MCVI)
- Regroupement québécois des centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (RQ CALACS)
- L’R des centres de femmes du Québec