Lina Al khatib — correspondante en Stage 

Pour les panélistes de la table ronde organisée par l’Université populaire de Montréal (Upop) à l’occasion de l’anniversaire de la première année de guerre génocidaire contre Gaza, Israël cherche à désamorcer toute possibilité de sortie de guerre. La table ronde marquait le retour de Fabienne Presentley, Rachad Antonius et Zahia El-Masri, dans une nouvelle série de discussions qui se déroulera à la Livrerie jusqu’au 28 octobre. 

Fabienne Presenty et Zahia El-Masri avant la table ronde de l’Upop à la Livrerie le 7 octobre dernier. Rachad Antonius les a rejointes sur le panel – crédit photo Lina Al khatib pour JdA-PA

Animée par Guillaume Lavallée, journaliste et écrivain, une salle comble a écouté les trois intervenant·es, dans une atmosphère plus que jamais chargée d’émotions. Le 7 octobre, date redoutée dans le calendrier grégorien, marque un moment d’introspection et de réflexion partagée. Guillaume Lavallée agit comme modérateur, prêt à poser les questions dont on appréhende les réponses. Face à lui, les trois invité.es mesurent déjà le poids de leurs mots. 

Les médias québécois et canadiens déçoivent 

La discussion tourne d’abord autour de la couverture médiatique québécoise et canadienne du conflit. Guillaume Lavallée demande, inquisiteur, comment les trois intervenant·es ont vécu cette année du point de vue médiatique. On dénonce alors un travail journalistique influencé par la vision des élites politiques et qui impose une interprétation biaisée de la guerre.

Le concept d’objectivité journalistique est vivement critiqué, car il est désormais perçu comme une simple répartition de la parole entre deux camps, plutôt qu’un véritable effort d’investigation et de présentation des faits. Pr Rachad Antonius a observé également une réelle « rupture » entre les médias traditionnels et les médias contestataires.

D’un côté, la souffrance palestinienne est reconnue, mais son origine est tue. De l’autre côté, Israël est clairement porté responsable. On déplore aussi le manque de crédibilité accordé aux journalistes palestiniens, à qui on demande sans cesse « quelles sont vos sources ? ». 


En savoir plus: La Conquête de la Palestine par Rachad Antonius 


Le droit international n’est pas juste 

Lorsque le droit international est évoqué, un rire ironique traverse la salle. Avec beaucoup de pragmatisme, Fabienne Presentley invite à « décoloniser » le concept de justice internationale. Selon elle, le droit international est imprégné d’une vision occidentale du juste. Animée par un idéal utopique, elle espère qu’un jour les institutions de droit international seront démantelées et feront l’objet d’une réforme profonde. Dans cette perspective, Zahia El-Masri affirme qu’il existe des moyens de défendre la population palestinienne, mais que les institutions internationales choisissent de faire défaut. Elle déplore le contraste frappant entre le traitement des dossiers ukrainien et palestinien à l’ONU. Le mot de la fin a mis en évidence une impasse : bien que le droit international soit essentiel, il entrave actuellement l’accès de la population palestinienne à leurs droits humains. 

Au cœur d’une violence inouïe, peut-on avoir espoir ? 

Guillaume Lavallée soulève la question cruciale de l’après. D’un point de vue rétrospectif, Zahia El-Masri rappelle, la gorge serrée, qu’il est très difficile de répondre à la question et la rend mal à l’aise. Le peuple palestinien est pris dans un cercle vicieux, contraint de reconstruire sans cesse sur des ruines qui risquent de redevenir des décombres. 

Ce qui est sûr pour tous les trois, c’est que les solutions de paix sont rendues impossibles par le gouvernement israélien. Ce qui est sûr pour le panel, c’est qu’Israël cherche à désamorcer toutes possibilités de sortie de guerre, car leur but est d’exterminer entièrement la population palestinienne. La solution à deux états, les accords d’Oslo, cessez-le-feu : autant de mécanismes de paix qui ne pourront être appliqués tant que le gouvernement israélien fait barrage et que les deux camps restent émotionnellement attachés à l’idée d’un état dans le sens traditionnel. Fabienne Presentley utilise d’ailleurs l’expression de « compétition de souffrance » pour décrire l’antagonisme entre les deux camps. 

Les États-Unis, point névralgique du conflit 

Le « American bashing » était au rendez-vous à la table ronde. À juste titre, les spécialistes étaient d’avis que sans soutien américain, la guerre n’est point. Ce raisonnement suppose que l’apaisement des tensions est possible à travers un arrêt complet de la collaboration militaire entre Israël et les États-Unis. Pour ce qui est de la société civile américaine, l’enjeu palestinien est largement remis en perspective dans un contexte électoral. L’impasse Harris-Trump désole les militantes et militants, à un moment où les deux parties partagent les mêmes opinions sur le conflit. « La machine impérialiste américaine est énorme et n’est pas facile à arrêter », conclut Pr Rachad Antonius. 

 

En savoir plus: Les cours de UPop prennent place du 26 septembre au 9 décembre 2024 à La Livrerie, le Café des Oubliettes et à la Librairie Zone Libre.