Depuis quelques années, la remontée des luttes féministes a marqué l’Argentine. Pour la deuxième année consécutive, le 8 mars donnera lieu à une grève internationale des femmes. Le mouvement Ni Una Menos est une des organisations qui appelle à cette grève.
Le temps de la grève
Aujourd’hui 8 janvier, nous commençons le compte à rebours de la grève internationale des femmes 2018. Il ne s’agit pas d’un temps de comptabilisation mais d’accumulation de forces, de conversations, de rencontres pour construire un nouveau cri commun.
Nous produisons ensemble le temps de la grève, qui est un temps pour nous, un temps qui devient dense et se multiplie dans un corps à corps qui prend en compte nos dissidences, nos territoires, nos expériences et nos savoirs.
Comment construisons-nous le temps de la grève ?
Nous nous réunissons sur nos lieux de travail et dans les communautés indigènes, avec nos voisines et nos amies, avec les organisations et les syndicats, avec les étudiantes, les enseignantes et les travailleuses de l’économie informelle. Nous nous multiplions en réunions et nous donnons un temps d’assemblées dès maintenant. Produisons des traces de ces réunions pour rendre compte de ce temps d’ébullition et de tissage commun. Que ce qui se dit et s’élabore quelque part puisse nourrir et encourager ailleurs.
Pourquoi insister sur l’outil de la grève
Quand nous disons #NosotrasParamos nous inventons un “nous” qui embrasse les femmes, lesbiennes, travestis, trans, et toutes les identités dissidentes du cis-hétéro-patriarcat. Nous disons grève internationale parce que cet outil nous permet de rendre visible, de dénoncer et d’affronter la violence que nous subissons, une violence qui ne se réduit pas à une question privée ou domestique. Cette violence se manifeste comme violence économique, sociale et politique, comme formes d’exploitation et de dépossession chaque jour plus cruelles (des licenciements à la militarisation des territoires, des conflits néo-extractivistes à l’augmentation du prix des aliments, de la criminalisation des mouvements sociaux à la criminalisation des migrations, etc.). Avec la grève internationale des femmes, nous valorisons d’autres modes de vie et crions que si nos corps comptent si peu, produisez sans nous. Nous savons que si nous arrêtons de faire ce que nous faisons, nous pouvons arrêter le monde.
Nous l’avons fait en 2017. Nous relevons le défi de renforcer et complexifier en 2018 cette mesure commune et d’élargir cette marée internationaliste.
Comment nous nous mettons en grève ?
Nous multiplions les images et les sens de ce que grève veut dire, même quand on nous dit que nous ne pouvons pas nous mettre en grève ou que nous ne sommes pas légitimes pour appeler à la grève. Nous faisons de la question de la grève une recherche concrète et située. C’est un défi lancé au sein des syndicats et une interpellation à produire des alliances avec les luttes syndicales en cours. Mais notre grève déborde en même temps les limites du travail salarié, et valorise le travail de soin et le travail non reconnu ou non rémunéré, la production du commun dans les villes et à la campagne, dans les banlieues et les territoires indigènes. Produisons des traces de ce qui s’arrête lorsque nous nous mettons en grève, des multiples travaux que nous arrêtons de faire, et de tous les gestes de suspension que la grève permet d’inventer.
L’Internationale féministe
Comme les zapatistes nous le disent dans leur appel lancé pour le 8 mars, la rage, la rébellion et la dignité nourrissent des formes d’autonomie, d’insoumission et de soulèvement dans différents endroits du monde. Nous disons que le désir nous meut : c’est un désir de sororité dans la recherche active de la dignité pour tou.te.s et pour nos territoires, en défense de la vie et la Terre face à l’avancée des violences capitalistes. Nous sommes mues par un désir de révolution.
Comment nous organisons-nous ?
Lors de différentes rencontres en Amérique Latine et dans les Caraïbes au cours des derniers mois, est apparue la proposition de nous identifier pour le 8 mars en violet, couleur qui marque le féminisme pour rendre visible cette marée et pour rendre plus puissant encore ce geste commun pendant les heures effectives de notre grève. Nous savons que différentes coordinations internationales sont en cours. Nous sommes au défi de converger vers la construction de mesure commune qu’est la grève, en l’étendant au travers d’alliances insolites. Nous construisons ces coordinations à travers les réseaux sociaux et dans le corps à corps des assemblées et de la rue. A deux mois du 8 mars, ce n’est pas un temps à rebours, c’est le temps de l’insoumission.