Pierre Beaudet
La sévère défaite du Canada au Conseil de sécurité de l’ONU où sa candidature n’a même pas retenu 30 % des voix est indicative de ce qu’est devenu l’état allié-subalterne des États-Unis. La focalisation du débat depuis plusieurs semaines sur l’honteuse politique canadienne envers la Palestine a permis de mobiliser l’opinion internationale. Depuis plus de 10 ans en effet, le Canada s’est totalement aligné sur les États-Unis et sur Israël. Conscient de cela, il y a eu un réalignement très partiel sur des votes à l’Assemblée générale qui étaient pratiquement unanimes, hormis Washington et Tel-Aviv, sur les grossières et constantes violations de droits des Palestiniens. C’était trop peu et trop tard. Par rapport aux annonces récentes où l’extrême droite au pouvoir en Israël a annoncé l’annexion de plus de 30 % des territoires occupés, le Canada s’est dit « préoccupé ». Quelle est la réalité sur le terrain ? Israël viole toutes les lois et conventions, affame Gaza (2 millions d’habitants), détient des milliers de Palestiniens, détruit habitations et infrastructures. Pendant ce temps, Ottawa demeure l’un des rares alliés du projet sioniste en ayant le front, de plus, de condamner la critique contre Israël d’« anti sémite ».
Il fallait être vraiment naïf de penser que tout cela serait mis de côté parce que le gouvernement Trudeau se dit « de retour » sur la scène internationale.
En réalité, la question palestinienne est révélatrice de tendances lourdes plus complexes. Sur les crises en Amérique latine, Ottawa s’est rangé avec les coups d’état de droite au Brésil, au Honduras, au Paraguay et en Bolivie, en s’acharnant contre le Venezuela, au nom des « droits » qui sont niés un peu partout dans l’hémisphère. On laisse Haiti croupir sous la coupe d’une voyoucratie sans limite. En Afrique et Asie, la première préoccupations semble la défense des intérêts des minières, plutôt qu’un effort soutenu pour lutter contre la famine et la guerre, ce qui aurait requis une sérieuse refondation du programme d’aide internationale. Encore là, Ottawa ne dit rien sur la dérive fasciste en Inde, le retour des militaires en Égypte, la militarisation en Irak et en Syrie. Au Moyen-Orient dans cette région ravagée par la guerre, le Canada agit comme supplétif des États-Unis, tout en maintenant les liens avec L’Arabie saoudite.
Sur de grands enjeux internationaux comme le défi climatique ou les déplacements forcés de populations, le Canada adopte des positions qui démontrent non seulement un manque de courage, mais pire encore, la continuation de politiques qui continuent de détruire la planète et de fermer les frontières.
Des observateurs qui se disent avisés affirment que tout cela est rendu obligé par l’évolution des États-Unis et de son bouillant président qui ne tolère pas que ses « alliés subalternes » se distinguent de la pax americana. C’est vrai mais c’est une partie de l’explication. Car le problème est structurel, et non conjoncturel. Il n’y a pas 56 000 options. Ou bien le Canada continue (cela a commencé bien avant Trump) de participer à la « guerre sans fin » (qui depuis 20 ans poursuit l’élan impérialiste de la Guerre froide). Ou bien il se démarque et il tente de diversifier sa politique extérieure. L’oligarchie financière canadienne ne veut même pas entendre parler de cette deuxième option et alors on continue. Mais dans notre monde polarisé, avec des résistances de plus en plus vives contre l’Empire déclinant, le Canada n’apparaît plus comme avant sous l’imagerie mythologisée d’un État « libéral », mais comme un vulgaire mercenaire agissant sur tous les plans pour maintenir un statu quo qui devient intenable.
Et c’est ainsi que le Canada n’est plus considéré, à l’ONU comme ailleurs, comme un interlocuteur crédible.
Tous ceux et celles qui ont dit, un peu partout dans le monde y compris ici, que le Canada ne méritait pas ce siège à l’ONU, doivent maintenant savourer une petite victoire, tout en remerciant le peuple palestinien de se tenir debout dans un contexte extrêmement grave et menaçant.