Warren Murray, The Guardian (traduit par À l’Encontre), 7 janvier 2020
«L’extrême de ce que Donald Trump, ses facilitateurs et ses partisans les plus fous sont prêts à provoquer a été constaté à Washington DC après qu’une foule pro-Trump, comprenant des militants armés, a envahi le bâtiment du Capitole – forçant les représentants élus à fuir pour se mettre en sécurité et quittant la session conjointe du Congrès [Chambre des représentants et Sénat] incapable de certifier immédiatement l’élection de Joe Biden à la présidence.
Après que les forces de sécurité ont repris le contrôle du bâtiment, qu’un couvre-feu [dès 18h heure locale] a été imposé dans toute la ville, les élu·e·s se sont à nouveau réunis pour assurer la transition démocratique du pouvoir [certification des votes des grands électeurs]. Notre couverture en direct de ce processus et des retombées des événements extraordinaires se poursuit. Je m’appelle Warren Murray, je suis ici pour résumer le briefing de jeudi: «Journée d’infamie à Washington DC».
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Une femme a été abattue dans le bâtiment du Capitole pendant les troubles et est morte par la suite – elle était nommée dans les rapports de police comme Ashli Babbit, une vétéran de l’armée durant 14 ans et partisane de Trump. Selon les rapports, trois autres personnes sont mortes dans ce qui a été décrit comme des urgences médicales. Les membres du personnel du Sénat ont été félicités pour leur rapidité d’esprit et leur courage après avoir saisi les bulletins de vote du Collège électoral et les avoir mis en sécurité alors que les législateurs fuyaient. Joe Biden, le président élu, est passé à la télévision en direct et a demandé à Trump de «respecter son serment et de défendre la Constitution, et d’exiger la fin de ce siège… Ce n’est pas une protestation. C’est une insurrection.»
Mais M. Trump n’a émis que des appels discrets pour que la foule soit «pacifique» et a finalement publié une vidéo préenregistrée appelant ses partisans à «rentrer chez eux», dans laquelle il les a qualifiés de «très spéciaux» et a répété ses affirmations, démenties, selon lesquelles l’élection présidentielle avait été volée. Facebook, Twitter et Instagram ont maintenant verrouillé les comptes de Donald Trump pendant au moins 12 heures. Twitter a averti que de futures violations de ses politiques entraîneraient le blocage permanent de son compte.
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Lorsque les émeutiers ont été dégagés et que les délibérations ont repris, Mike Pence et le leader de la majorité au Sénat, Mitch McConnell, tous deux républicains, ont prononcé des discours condamnant la profanation du Capitole sans toutefois mentionner les incitations du président. Mais Chuck Schumer, qui remplacera bientôt Mitch McConnell à la tête d’une majorité démocrate entrante [suite à l’élection en Géorgie des deux candidats démocrates au sénat: Jon Ossoff et Raphael Warnock], s’en est pris directement au président évincé et a qualifié la foule qu’il avait soulevée de «terroristes nationaux… Cette foule était en grande partie le fait du président Trump, incitée par ses paroles et ses mensonges.»
Le sénateur républicain Mitt Romney a été l’un des rares membres de son parti à lier directement Trump au violent soulèvement, décrivant la prise d’assaut du Capitole comme «une insurrection, incitée par le président des États-Unis». Dans un moment hautement symbolique, Kelly Loeffler de Géorgie, qui vient d’être éliminée du prochain Sénat, a annulé son objection à la certification de la victoire de Biden. Mais d’autres partisans de Trump, dont Ted Cruz [Texas] et Josh Hawley [Missouri], ont refusé de saisir ce moment bipartisan, liant la procédure au débat sur les objections [à la victoire de Joe Biden dans les Etats de l’Arizona et de Pennsylvanie] jusqu’aux petites heures du matin.
Des politiciens britanniques se sont joints aux réactions de dirigeants du monde entier qui étaient parfois dirigées directement contre Trump. Boris Johnson a condamné ce qu’il a appelé les «scènes honteuses du Congrès américain… Les États-Unis sont les défenseurs de la démocratie dans le monde entier et il est maintenant vital qu’il y ait un transfert de pouvoir pacifique et ordonné.»
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Entre-temps, un mouvement visant à évincer rapidement Donald Trump de ses fonctions a été lancé, la députée Ilhan Omar [élue démocrate à la Chambre des représentants du Minnesota] ayant annoncé qu’elle rédigeait des articles de mise en accusation. «Nous ne pouvons pas lui permettre de rester en fonction, il s’agit de préserver notre République et nous devons respecter notre serment», a écrit Ilhan Omar.
D’autres ont demandé l’invocation du 25e amendement à la Constitution [1], qui permettrait au président d’être sommairement suspendu par le vice-président [Mike Pence] et les membres du cabinet – qui auraient des discussions à ce sujet. Lindsey Graham, sénatrice républicaine de Caroline du Sud, a déclaré: «Trump et moi… nous avons fait un sacré voyage. Je déteste que cela se termine de cette façon. Oh mon Dieu, je déteste ça… mais aujourd’hui, tout ce que je peux dire, c’est “Ne comptez pas sur moi. C’en est assez”.» (
[1] Adopté le 23 février 1967, cet amendement implique que le vice-président devient le président, si le président en exercice est démis de ses fonctions s’il est incapable d’exercer ses pouvoirs. (Réd.)