Louis A. Perez Jr., extraits d’un texte paru dans Jacobin, 24 juillet 2021
Après des mois d’indifférence désinvolte à l’égard de la situation à Cuba, l’administration Biden a réagi avec une rapidité délibérée pour soutenir les manifestations de rue sur l’île. « Nous sommes aux côtés du peuple cubain », a déclaré le président Biden.
Depuis plus de cent vingt ans, en effet, les États-Unis « sont aux côtés du peuple cubain » – ou, peut-être plus exactement, sont sur le dos du peuple cubain. Cuba semble avoir toujours été une cible de la politique américaine. Dans les soixante années qui ont suivi la révolution, se tenir aux côtés du peuple cubain a signifié l’isolement diplomatique, l’invasion armée, les opérations secrètes et les sanctions économiques.
C’est la politique de sanctions économiques, l’embargo, qui dément les prétentions étasuniennes de bienveillance à l’égard du peuple cubain. Les sanctions se sont rapidement transformées en un véritable protocole visant à provoquer un changement de régime. Elles sont conçues pour priver les Cubains des biens et des services dont ils ont besoin, pour provoquer et fomenter des pénuries, pour infliger des difficultés et aggraver l’adversité.
Les sanctions ont été conçues dès le départ pour provoquer des ravages économiques afin de fomenter le mécontentement populaire, pour politiser la faim dans l’espoir que, poussé par le désespoir et motivé par le besoin, le peuple cubain se soulève pour renverser le gouvernement.
Les documents déclassifiés du gouvernement des États-Unis [datant des années 1964-1968] donnent un aperçu des objectifs poursuivis par les sanctions en tant que moyen de changement de régime. Le « programme de blocage économique » visait à « affaiblir [le gouvernement cubain] économiquement », expliquait un document d’information du Département d’État, afin de « promouvoir les dissensions internes, éroder son soutien politique interne… » [et] créer des conditions propices à une rébellion naissante ». Les sanctions promettaient de créer « les conditions préalables nécessaires à un soulèvement nationaliste à l’intérieur de Cuba », ce qui entraînerait la chute du gouvernement cubain « à la suite de tensions internes et en réponse à des forces largement, sinon totalement, non imputables aux États-Unis ».
Tous les moyens possibles doivent être mis en œuvre rapidement pour affaiblir la vie économique de Cuba… [bloquer] l’argent et les approvisionnements à destination de Cuba, diminuer les salaires monétaires et réels, provoquer la faim, le désespoir et le renversement du gouvernement ».
L’embargo est maintenant en place depuis plus de soixante ans. Les difficultés se sont accumulées, s’aggravant continuellement, et il existe peu de remèdes faciles à mettre en œuvre. Une économie qui s’était réorganisée à la fin des années 1990 et au début des années 2000 autour des recettes venant du tourisme s’est effondrée à cause de la pandémie. Cette perte de devises étrangères entraîne des conséquences inquiétantes pour un pays qui importe 70 % de ses denrées alimentaires.
L’administration Trump a rétabli les éléments les plus punitifs des sanctions étasuniennes, en limitant les envois de fonds familiaux à 1 000 dollars par trimestre et par personne, en interdisant les envois de fonds aux membres des familles des responsables gouvernementaux et des membres du Parti communiste, et en interdisant les envois de fonds sous forme de dons aux ressortissants cubains. L’administration Trump a interdit le traitement des transferts de fonds par l’intermédiaire de toute entité figurant sur la « liste bloquée de Cuba », une mesure qui a conduit Western Union à cesser ses activités à Cuba en novembre 2020.
De surcroit, par un dernier geste aussi malveillant que gratuit, l’administration Trump sortante a remis Cuba sur la liste des États qui parrainent le terrorisme. Au moment précis où le peuple cubain subissait des pénuries plus importantes, un rationnement accru et une diminution des services, les États-Unis ont imposé une nouvelle série de sanctions.
Les Cubains sont confrontés à la fois à l’effondrement de leur économie, à la diminution des envois de fonds, à la restriction des possibilités d’émigration, à l’inflation, à la pénurie de nourriture et de médicaments, le tout en période d’urgence sanitaire nationale, et avec les États-Unis qui appliquent des sanctions punitives dans l’intention d’aggraver la situation.
Bien sûr, le peuple cubain a le droit de protester pacifiquement.
Bien sûr, le gouvernement cubain doit répondre aux doléances des Cubains.
Bien sûr, les États-Unis doivent mettre fin à leur politique létale et destructrice de subversion.
Louis A. Perez Jr. est professeur d’histoire à l’Institut pour l’étude des Amériques de l’Université de Caroline du Nord à Chapel Hill.
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