PATRICK COCKBURN, Counterpunch, 11 mai 2018
L’Irak est dans la mire », affirme Ali Allaoui, historien irakien et ancien ministre, parlant de l’agitation actuelle. Ce n’est pas seulement l’Irak qui est en danger : une confrontation croissante entre les Etats-Unis et l’Iran affectera toute la région, mais sa plus grande incidence sera en Syrie et en Irak où les guerres font rage depuis longtemps et où Washington et Téhéran sont d’éternels rivaux.
Les Etats-Unis s’appuieront d’abord sur la réimposition des sanctions économiques contre l’Iran pour le contraindre à se conformer aux exigences américaines espérant ainsi provoquer un changement de régime à Téhéran. Mais si cela ne marche pas – et cela échouera presque certainement -, il y aura un risque croissant d’actions militaires menées directement par les États-Unis ou par des frappes aériennes israéliennes.
L’Iran réagit prudemment à la dénonciation de l’accord de 2015 par Trump, se présentant comme victime d’une action arbitraire. Elle cherche à inciter des Etats à prendre des mesures concrètes pour résister à des sanctions draconiennes comme celles imposées avant 2015. Même si cela ne se produit pas, il sera important pour l’Iran que les Européens ne coopèrent qu’à contrecœur avec les États-Unis pour imposer des sanctions, en particulier sur les exportations pétrolières iraniennes.
Le problème pour Trump est l’accord est internationalement populaire et semble fonctionner efficacement en refusant à l’Iran la capacité de développer un dispositif nucléaire. Les États-Unis s’isolent donc, avec le plein soutien d’Israël et de l’Arabie saoudite, dans crise qui pourrait durer des années.
Trump tente ainsi de marginaliser et d’humilier la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Si les dirigeants européens acceptent maintenant de sanctionner l’Iran, il y aura encore moins de raisons pour que Trump prenne leurs opinions au sérieux à l’avenir.
Entre-temps, les Etats-Unis seront en mesure d’exercer une pression économique intense sur l’Iran et ses partenaires commerciaux. Les banques et les entreprises sont terrifiées à l’idée d’encourir la colère du Trésor américain et d’être confrontées à des amendes massives, même pour une violation involontaire des sanctions.
Les sanctions sont un instrument puissant mais contondant, prennent beaucoup de temps à travailler et ne produisent généralement pas les dividendes politiques attendus par ceux qui les imposent. Le rial iranien pourrait chuter et l’hyperinflation reviendrait à 40%, mais cela ne suffira probablement pas si l’Iran retourne à l’enrichissement de l’uranium.
Que feront les États-Unis alors? C’est la question cruciale pour le Moyen-Orient et le reste du monde. Trump vient de torpiller toute solution diplomatique à ce qu’il considère comme la menace de l’Iran de développer une bombe nucléaire. La seule alternative est une réponse militaire, mais cela devrait être plus de quelques jours d’attaques aériennes intenses.
L’Iran est peut-être faible sur le plan économique, mais politiquement et militairement, elles est en position de force en Irak, en Syrie et au Liban. Dans ces trois pays, ce sont les alliés de l’Iran qui contrôlent et voient les États-Unis comme un allié des États sunnites dans ce qui est en grande partie un conflit sectaire chiite-sunnite.
L’administration Trump a-t-elle pensé à tout cela? La crise commence à ressembler beaucoup à celle de l’invasion de l’Irak en 2003. Certains des mêmes personnages, comme le conseiller à la sécurité nationale John Bolton, sont les mêmes néoconservateurs qui croyaient que l’invasion et l’occupation de l’Irak seraient une affaire facile. Ils ont l’air d’apporter le même mélange d’arrogance et d’ignorance à leur prochaine confrontation avec l’Iran.