L’opposition au gouvernement Meloni en Italie s’est récemment massivement mobilisée en réaction aux projets de réforme constitutionnelle. Les oppositions se sont tenues debout face à ce qu’elles considèrent comme une menace pour la démocratie italienne. Malgré tout, Giorgia Meloni tient le fort. Un sondage paru le 14 septembre 2024 dans le Corriere della Sera accorde un taux d’approbation de 44 % au mois d’août à Giorgia Meloni et son gouvernement. Le sursaut unitaire de l’opposition pourra-t-il se transformer en un mouvement capable de repousser un gouvernement réputé le plus à droite depuis la fin de la période fasciste ? Rien n’est moins sûr.
En octobre 2022, Giorgia Meloni formait un gouvernement en rassemblant populistes, nationalistes de droite et conservateurs. Sa coalition était arrivée largement en tête aux élections législatives le mois précédent. Deux ans après cette victoire inusitée, la popularité de la Première ministre ne semble pas s’étioler. Presque à mi-législature, face à une gauche vraisemblablement incapable de reprendre la main, rien ne semble essouffler cette ancienne ministre de Silvio Berlusconi. Égérie de la droite populiste italienne, elle avait affirmé croire que Mussolini était un « bon politicien », lorsque questionnée en 1996.
Une popularité qui ne s’érode pas
Un sondage paru le 14 septembre 2024 dans le Corriere della Sera accorde un taux d’approbation de 44 % au mois d’août à Giorgia Meloni et son gouvernement. Cette valeur, comparée aux 43 % obtenus le mois précédent, indique une stabilité impressionnante pour un gouvernement italien, deux ans après le début de son mandat.
Le résultat des élections européennes en Italie tenues en juin fait également état de cette domination de la scène politique italienne. La formation de Meloni, Fratelli d’Italia, y a obtenu 28 % des suffrages, arrivant en première position devant ses oppositions et ses alliés de gouvernement. À titre de comparatif, les formations d’Emmanuel Macron et d’Olaf Scholz, tous deux relativement impopulaires, ont chacune obtenu sous la barre des 15 % de suffrages dans leurs pays respectifs.
Une plateforme populiste
En position de force sur les plans domestique et européen, la première ministre italienne enchaîne les mesures populistes, engageant même des discussions pour d’ambitieuses réformes constitutionnelles afin de modifier la répartition des pouvoirs au pays. On compte parmi ces mesures populistes à forte saveur nationaliste l’adoption d’une loi interdisant les viandes cultivées en laboratoire et le steak de tofu, présentés comme une « menace à la culture italienne ».
Les discours tenus par les membres du gouvernement Meloni cultivent cette image de défense de la culture et de la civilisation italienne à outrance. Pour Francesca, étudiante en sociologie à l’Université de Trente, « la tendance de son gouvernement à s’appuyer sur les valeurs traditionnelles et le nationalisme pour légitimer ses lois, ses mesures et ses opinions est devenue presque une habitude ». La même rhétorique réactionnaire a été employée à plusieurs reprises pour justifier sa guerre à l’homoparentalité et aux droits des couples homosexuels d’Italie, tentant entre autres de retirer la mention des parents non-biologiques sur les certificats de naissance. Giorgia Meloni et ses alliés créent ainsi des exogroupes sur plusieurs enjeux qui, tous comme les couples homosexuels ou les consommateurs de steak de tofu, sont présentés comme des menaces à la société, menaces qu’elle et son gouvernement peuvent éliminer.
Des oppositions inaptes
Face à Meloni, les forces d’opposition sont incapables de faire front commun ou de présenter une alternative crédible. Le Mouvement 5 étoiles, groupe populiste de gauche qui avait formé un gouvernement de coalition à la suite des législatives précédentes, est gangréné par une querelle interne entre le leader du parti, Giuseppe Conte, et son fondateur et « garant », Beppe Grillo.
Le parti démocrate, principal parti d’opposition, chute dans les sondages d’opinion alors que la leader Elly Schlein tente en vain de pousser le parti à gauche de son centre historique. Campés dans des positions incertaines, ces partis d’opposition n’arrivent pas à générer un engouement. Les démocrates et le Mouvement 5 étoiles obtiennent respectivement 21 % et 14 % des intentions de vote, loin derrière les 46 % cumulés de la coalition gouvernante.
Le sursaut italien de l’opposition à Meloni
L’opposition s’est toutefois mobilisée pour faire échec aux projets de réforme constitutionnelle du gouvernement. La Lega, parti du populiste, souvent qualifié d’extrême-droite, dirigé par Matteo Salvini, a déjà fait adopter un projet de dévolution des pouvoirs du gouvernement vers les régions pour tenter de regagner des intentions de vote dans le Nord. Les oppositions ont cependant recueilli une quantité suffisante de signatures dans le cadre d’une pétition, forçant la mesure de modification constitutionnelle à être soumise à un référendum. Cette votation n’a pas encore eu lieu au moment de l’écriture du présent article.
Fratelli d’Italia veut, pour sa part, transformer l’élection primo ministérielle en suffrage direct. Une telle mesure court-circuiterait le rôle du parlement dans la formation du gouvernement en accordant davantage de pouvoir à l’exécutif.
Des analystes avancent que de telles réforment ne feraient qu’augmenter les inégalités entre les régions, le Nord étant historiquement plus riche, et favoriseraient davantage la première ministre. Les oppositions sont vent debout face à ce qu’elles considèrent comme une menace pour la démocratie italienne.
Faire front commun contre les droites nationalistes ?
Giorgia Meloni reste toutefois bien en selle, navigant pour ne pas perdre les appuis populaires qu’elle maintient. Elle fait figure de muse pour les droites dures et nationalistes d’Europe. À une époque où des partis tels que le Rassemblement national en France et l’Alternativ für Deutschland en Allemagne semblent avoir le vent dans les voiles, il est d’autant plus nécessaire que les forces politiques s’organisent en opposition à ces mouvements réactionnaires.
Il reste à voir si le front commun italien contre les graves réformes constitutionnelles proposées par les partis au gouvernement inspirera d’autres mouvements contestataires pour préserver les valeurs démocratiques et les droits humains en Europe.