À l’initiative de Voix juives indépendantes

À l’occasion du 7 octobre et à l’initiative de Voix juives indépendantes (VJI), neuf organisations juives canadiennes appellent les juives et les juifs du Canada à faire techouva, Conformément à la pratique juive, une erreur, un acte interdit peuvent être pardonnés sous réserve d’engager une démarche de techouva. Cette appel de VJI veut mobiliser la communauté juive en faveur d’une paix véritable, en commençant par la fin de ce génocide. La rédaction.


À nos camarades Juifs et Juives, 

Aujourd’hui, nous sommes en deuil. Nous avons été en deuil chaque jour de la dernière année, car chaque jour nous a apporté des nouvelles de pertes et de souffrances incommensurables. L’occupation et l’escalade de la violence menées par Israël à Gaza se perpétuent depuis de nombreuses années, mais cette dernière année a été marquée par une vague de destruction, de cruauté et de massacres sans précédent. Aujourd’hui, nous commémorons le premier yahrzeit, le premier anniversaire, de cet horrible de en priant notre communauté d’œuvrer activement à la justice.

Il y a un an, plus de 1 200 personnes ont été tuées lors des attaques lancées par le Hamas, et 250 autres citoyens et citoyennes d’Israël ont été pris en otage. Depuis ce jour-là, nous avons été témoins d’attaques incessantes contre la population civile captive de Gaza, de la détention illégale et de la torture de prisonniers politiques détenus par Israël, de pogroms et d’attaques toujours plus fréquents contre la population palestinienne de Cisjordanie, et d’une campagne de bombardements et d’attaques terroristes au Liban. Le gouvernement israélien d’ultra-droite a orchestré une campagne meurtrière de nettoyage ethnique, se livrant à un véritable génocide au vu et au su du monde entier. À Gaza, plus de 41 000 personnes palestiniennes ont été tuées, et des milliers d’autres sont présumées mortes, tuées indirectement ou ensevelies sous les décombres des bâtiments détruits.

L’esprit humain a du mal à concevoir pleinement l’ampleur d’une telle destruction et l’intensité des pertes qui en résultent.

La majorité des structures de Gaza ont été endommagées ou détruites, et on estime que les infrastructures essentielles qui ont été perdues dans la dernière année de bombardements ne pourront être tout à fait reconstruites avant 2040. Le mois dernier, le ministère de la Santé de Gaza a publié une liste de 34 444 noms de personnes tuées jusqu’au 31 août. De cette liste, 11 355 étaient des enfants. 710 avaient moins d’un an. Ils sont venus au monde – et ont perdu la vie – au milieu du génocide commis par Israël.

Nous pleurons les jumeaux nouveau-nés tués par une frappe israélienne – aux côtés de leur mère et de leur grand-mère – dont les certificats de décès ont été délivrés moins d’une heure après leur naissance. Nous pleurons Vivian Silver, une militante pacifiste canado-israélienne, assassinée lors des attaques du Hamas, le 7 octobre 2023. Nous pleurons Hind Rajab, une fillette de six ans, qui a survécu pendant plusieurs heures, piégée dans une voiture parmi les corps sans vie de ses proches, avant d’être elle-même abattue par un tir de char israélien. Nous pleurons Ziad Mohammad al-Dalou, un médecin palestinien enlevé par l’armée israélienne à l’hôpital al-Shifa de Gaza, qui est mort en captivité illégale. Nous pleurons Alon Shamriz, Samer Talalka et Yotan Haim, trois jeunes hommes capturés le 7 octobre et tués par des soldats israéliens lors de l’invasion militaire de Gaza alors qu’ils étaient torse nu et tenaient un drapeau blanc. Nous pleurons Tawfiq Ahmad Younes Qandil, un homme de 80 ans abattu par l’armée israélienne devant son domicile en Cisjordanie lors d’une incursion militaire à Jénine. Il faudrait d’innombrables pages, des centaines d’heures, pour nommer chaque personne tuée dans la dernière année.

Nos traditions juives nous enseignent que mettre fin à une seule vie, c’est détruire un monde tout entier. Combien de vies faudra-t-il pour faire le deuil de tous les mondes détruits par les attaques incessantes d’Israël?

À ce temps-ci de l’année, alors que nous entamons les Grandes Fêtes, les Juifs et les Juives sont appelés à faire techouva, à rendre compte de nos fautes de l’année écoulée et à les réparer. Signifiant littéralement « retour », la techouva demande à chaque personne juive : comment peux-tu rendre des comptes pour l’année que tu as connue, et que comptes-tu faire pour redresser les torts dans l’année à venir?

Quel sens pouvons-nous donner à la techouva cette année?

Le rabbin Abraham Joshua Heschel a écrit : « Nous devons toujours nous rappeler que dans une société libre, nous sommes tous concernés par les actions de certains. Certains sont coupables, mais chacun est responsable. »

Nous connaissons les coupables. Nous avons vu notre gouvernement refuser d’instaurer un véritable embargo sur les armes ou d’imposer des sanctions significatives à Israël. Nous avons entendu des groupes de pression pro-israéliens prôner un soutien inconditionnel à l’armée israélienne et attaquer quiconque ose s’insurger contre le bain de sang incessant. Nous avons vu des organismes de bienfaisance enregistrés se targuer indûment de représenter l’ensemble de la communauté juive, tout en canalisant des fonds vers des milices israéliennes et des colonies illégales. Nous avons vu des manifestants pacifiques attaqués par la police pour avoir protesté contre le génocide. Nous avons entendu des membres de la société civile israélienne et canadienne applaudir Israël pour ses bombardements dans la région.

Et pourtant, nous sommes tous et toutes responsables. Nous avons le devoir d’être indignés par les effusions de sang, les crimes de guerre, les vols de terres et les déplacements massifs de population perpétrés par Israël. Nous sommes indignés par ceux qui prétendent représenter nos communautés, mais qui se servent de leurs plateformes pour répandre le racisme anti-palestinien et glorifier la violence. Il est de notre responsabilité d’exiger de notre gouvernement qu’il cesse de soutenir les actions intolérables d’Israël et prenne des mesures tangibles pour faire cesser les massacres.

Tel est le sens que nous devons donner à la techouva. Faire face à la responsabilité que nous partageons tous et toutes, non seulement en tant que Juifs et Juives, mais en tant que membres d’une société qui s’est faite complice d’un génocide.

Ainsi, nous demandons à nos frères et à nos sœurs de se joindre à nous dans la techouva cette année.

Reviendrez-vous avec nous aux valeurs éthiques juives? Vous joindrez-vous à nous dans cette nécessaire quête de justice?

Notre éthique doit être ancrée dans cette vérité primordiale que chaque vie est sacrée et que tous les peuples ont le droit de vivre dans la paix et la dignité, l’égalité et la liberté. Lutter pour cette égalité, c’est défendre la valeur juive la plus fondamentale : veiller à ce que chaque vie soit respectée et protégée.

Nous savons pertinemment que les efforts de guerre d’Israël ne pourront qu’entraîner plus de mort et de destruction, car le gouvernement de Netanyahou a ouvert un nouveau front de terreur au Liban. La violence n’arrêtera jamais la violence. Seule la justice pourra apporter la paix à tous les peuples de la région et mettre enfin un terme à ce terrible cycle de brutalité.

À l’aube de l’année 5785, malgré la peine – avec détermination – nous faisons techouva et nous réengageons à œuvrer pour la justice. Plus que jamais, nous invitons toutes les personnes de conscience à se joindre à nous dans cette quête.

Signé,