NON à un accord de libre-échange entre le Canada et l’Équateur !

Quatre femmes autochtones équatoriennes à Montréal pour s’opposer au projet en négociation

Sabine Bahi, correspondante en stage

Fanny Kaekat, Hortencia Zhagüi, Zenaida Yasacama et Ivonne Ramos sont des femmes autochtones équatoriennes et militantes en provenance de différentes communautés amazoniennes. Côte à côte, elles ont parcouru le Canada pendant une semaine pour s’opposer activement à l’accord de libre-échange qui est négocié entre le Canada et l’Équateur. Après Toronto et Ottawa, elles étaient présentes à Montréal le vendredi 4 octobre pour faire appel au soutien des Canadien.nes dans leur lutte contre la présence de compagnies minières canadiennes sur leurs territoires.

Les peuples autochtones représenteraient une menace au développement économique : tel est le narratif véhiculé par les parties en négociation, selon les militantes. Alors que la lutte contre l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Équateur n’a pas donné de résultats dans leur pays d’origine, les quatre femmes autochtones équatoriennes ont voyagé jusqu’au Canada dans l’espoir que leur voix ait une plus grande portée.

L’accord en question a pour objectif principal l’accroissement des activités des entreprises canadiennes sur le territoire équatorien. Entre les lignes, il s’agit d’une invitation claire aux compagnies minières du Canada pour développer plus de projets extractifs en Équateur. Or, les communautés autochtones en Amazonie déplorent déjà depuis plusieurs décennies l’existence de nombreux projets qui bafouent leurs droits en toute légalité, malgré l’absence de leur consentement et de l’écoute de leurs revendications. En Équateur, la présence des compagnies minières canadiennes remonte à environ 30 ans, comme l’a évoqué Ivonne Ramos.

Le Canada, véritable machine minière

À l’entrée de l’événement, des brochures d’information étaient prêtes à être consultées sur la table d’accueil. Plusieurs rappelaient l’intensité des activités pétrolières et minières menées par l’État canadien dans le monde. Le Canada est l’un des plus grands joueurs étatiques dans l’industrie minière à l’échelle mondiale, pour ne pas dire le plus grand. Plus de la moitié des sociétés d’exploitation minière et d’exploration minérale cotées en bourse proviennent du Canada. En 2022, les compagnies canadiennes exerçaient leurs activités dans 98 pays étrangers, et ce majoritairement en Amérique latine et dans les Caraïbes. En 2023, 34 compagnies et consortiums canadiens étaient impliqués dans 37 projets dans la région, et la grande majorité de ces projets relevaient du secteur de l’extraction.

Le Canada prétend que les projets d’extraction déployés par les entreprises canadiennes sont guidés par le respect des droits humains ainsi que le consentement préalable des communautés autochtones. Dans les faits, le portrait des activités minières du pays démontre une réalité tout autre.

D’importantes violations de droits humains en jeu

Les projets miniers perpétrés par le Canada en Équateur ont des effets destructeurs sur la vie quotidienne des communautés autochtones amazoniennes et bafouent systématiquement leurs droits humains. Zenaida Yasacama, présidente de la Confédération des nationalités indigènes de l’Équateur (CONAIE), mentionnait avant tout l’atteinte au droit à la vie. Considérant le lien inextricable entre la nature et les modes de vies de leurs communautés, les impacts environnementaux des entreprises minières canadiennes affectent directement leur capacité de survie. Qui plus est, plusieurs membres des peuples autochtones ont déjà été assassinés pour le simple fait de lutter contre les projets mis en place sur leurs territoires.

Une notion clé à la compréhension de la problématique des activités d’extraction menées sur les territoires des peuples autochtones amazoniens est celle du consentement préalable, libre et éclairé. Ce droit a été consacré en droit international en 2007 dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Celle-ci stipule que le consentement des autochtones doit être octroyé préalablement à la réalisation de projets, de manière non forcée et en connaissance de cause. Malgré le fait que le Canada reconnaisse ce droit, les quatre femmes présentes à la table ronde ont insisté sur le fait qu’elles et leurs communautés n’ont jamais été informées de l’élaboration de l’accord de libre-échange avant d’en voir les conséquences.

De telles violations de droits humains par les compagnies minières canadiennes sont des composantes systémiques d’une politique de développement économique qui ne reconnaît pas les impacts engendrés sur les communautés autochtones et l’environnement, voire qui en profite. C’est en maintenant une logique d’accroissement et de protection de ses investissements que le Canada continue de signer des traités de libre-échange avec de nombreux pays du Sud global, et ce malgré les multiples avertissements émis par différentes organisations de droits humains depuis des décennies.

Un processus juridique entamé

Des actions juridiques ont déjà été mises en œuvre par des communautés autochtones de la forêt amazonienne face à l’accord de libre-échange. La Constitution équatorienne n’est pas vide de dispositions pouvant être utilisées en faveur de la lutte en cours. Ivonne Ramos a notamment mentionné l’article 422 du document constitutionnel, qui prévoit que les traités ou instruments internationaux impliquant le recours à de l’arbitrage international ne puissent avoir effet en Équateur.

Les quatre femmes autochtones équatoriennes ont affirmé à maintes reprises qu’elles ne baisseraient pas les bras avant que le Canada cesse ses activités d’extraction dans la forêt amazonienne, et que le pays renonce à son accord de libre-échange avec l’Équateur. Les deux pays entrent dans la quatrième ronde de négociations et souhaitent conclure l’accord d’ici le début de l’année prochaine. À l’aune de ce court échéancier, toutes les personnes présentes à la table ronde ont quitté l’événement avec un objectif précis : faire écho à la lutte des communautés autochtones équatoriennes pour que les dirigeant.es ne puissent plus l’ignorer.