Protestas en Panamá contra El Contrato Minero. Manifestantes en la Cinta Costera 5 novembre 2023 Domaine public

Lina Al khatib – Correspondante en stage

Au moment où la proportion de population mondiale qui vit en paix diminue, on observe une dissonance frappante entre les discours officiels et les choix stratégiques des dirigeants canadiens et américains. Tandis qu’ils prônent la stabilité, leurs décisions en matière de vente d’armes révèlent des priorités parfois contraires, soulignant les ambiguïtés et les tensions dans leurs politiques de défense.

Le 18 mars 2024, la Chambre des communes a voté l’adoption d’une motion non contraignante du NPD demandant au Canada de « cesser d’autoriser et de transférer des exportations d’armes vers Israël afin de garantir la conformité avec le régime canadien d’exportation d’armes ». En parallèle, le 15 octobre 2024 a été marqué par l’avertissement de l’administration Biden à l’égard du gouvernement israélien. Le président américain a émis un ultimatum sérieux concernant l’accès à l’aide humanitaire à Gaza, menaçant d’arrêter l’envoi d’armes à leur précieux allié.

Ambiguïté entre paroles et actes

Depuis la situation canadienne ne semble pas avoir évoluée. La ministre aux affaires étrangères, Mélanie Joly a maintenu une certaine ambiguïté quant à l’application de la motion. Ce que nous savons, c’est que les permis d’exportation approuvés avant le 8 janvier 2024 restent en vigueur et que les entreprises peuvent toujours demander des permis d’exportation de biens militaires vers Israël. L’embargo théorique est ainsi totalement contourné… Plus que ça, le Canada est clairement entrain de violer le droit international, en vertu du traité du commerce des armes, de la législation nationale et de la convention sur le Génocide.

Le cas américain est plus complexe. En 2023, 69% des importations d’armes en Israël provenaient des États-Unis. Ce récent avertissement de Biden représente la plus grande avancée depuis le 7 octobre 2023. Toutefois, pouvons-nous nous attendre à des actions immédiates de la part de la Maison blanche ? Actuellement, la période de 30 jours accordée à Israël pour réhabiliter l’aide humanitaire est toujours en cours. Ce qui reste inquiétant, c’est qu’aucun plan n’a encore été élaboré pour l’après. Dans la lettre rédigée par Bliken et Austin à l’instar des officiels israéliens, on parle de conséquences en terme d’« implications politiques non spécifiées ».

Réduire ses exportations, c’est possible

Face aux latences canadienne et américaine, un faux narratif a émergé autour des embargos. On prétend désormais que réduire les exportations vers Israël pourrait nuire au développement et à la réputation du pays. Or, le Royaume-Uni a su discréditer cette idée en suspendant 30 de ces 350 contrats d’export d’armes vers Israël. Ces contrats incluaient des composants pour avions de chasse (F-16), des pièces pour véhicules aériens sans pilote (UAV ou drones), de systèmes navals et d’équipements de ciblage. La décision du gouvernement travailliste est survenue après une enquête légale prouvant que ces armes constituaient un risque clair au respect du droit international humanitaire .

Bien que modeste, ce positionnement symbolique britannique dénote de l’inertie du reste des dirigeants occidentaux. Il prouve qu’il est possible de prendre des mesures concrètes en matière de contrôle des exportations d’armes malgré l’enchevêtrement du jeu politique international et des transactions de l’armement. Le gouvernement britannique a ainsi envoyé un signal fort : il est prêt à aligner ses actions sur ses engagements en matière de droits humains et de droit international.

Les profiteurs de guerre

Le chiffre d’affaires généré par la guerre est en effet un phénomène bien documenté. Regrettable soit-il, les profiteurs de la guerre sont réels et se matérialisent à travers des compagnies privées d’armement. Au lendemain du 7 octobre, les cinq plus grands producteurs d’armes ont vu leur cour en Bourse augmenter de 7 %. 1. Cette hausse reflète non seulement l’attente d’une augmentation des commandes de la part des États en réponse à la montée des tensions, mais également la spéculation des investisseurs qui anticipent de futurs profits. Le PDG du géant américain de l’armement, RTX, déclarait déjà le 24 octobre 2023 « Je pense réellement que nous constaterons un bénéfice causé par la hausse des commandes sur l’ensemble de notre portefeuille. ».

Cette corrélation entre guerre et profit désole et révolte. D’autant plus que l’industrie des armements est devenue un catalyseur de conflit. Les États sont alors prisonniers d’un cercle vicieux dans lequel la guerre et la militarisation deviennent à la fois les moteurs et les conséquences d’intérêts économiques et stratégiques. Le discours de sécurisation sont omniprésents, les politiques des militarisations sont normalisés. En plein cœur de cette tornade, une question s’impose : qui vient en premier, la guerre ou l’arme ?

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