Esther Altamirano Cueto, Raphaël Canet, Alexandre Fabien Gagné, Carolina Iacovino, Héloise Labarre, Basile Papillon-Christin et Camille Perrault
Il s’agit de la délégation du cégep du Vieux Montréal à la COP16, composée de cinq étudiant.es et de deux enseignant.es.

Nous publions l’article paru dans le journal Le Devoir lundi le 28 octobre, sous le titre de La COP du peuple à Cali, ou aller à la rencontre de l’autre pour mieux agir chez nous,avec la permission des auteurs et autrices. Il présente l’importance de cet événement qui se  termine actuellement en Colombie. Mario Gil Guzman et Sabine Bahi ont aussi participer à l’événement ainsi qu’au Forum social mondial sur les économies transformatrices et prépare des reportages sur des enjeux concrets. Revenez nous au cours de semaines qui viennent. La rédaction.


La COP16 est un moment historique pour la Colombie, mais aussi pour le processus des sommets onusiens sur la biodiversité. Après 50 ans de conflit armé dans le pays, l’accord de paix signé en 2016 a ouvert la voie à l’expression libre et aux mobilisations pacifiques de la société civile. Le contexte et le discours politique ont changé. L’heure n’est plus à la confrontation des visions antagonistes de la société et du développement, mais au rassemblement autour de projets communs.

Dans cette perspective, la venue de la COP16 à Cali, le premier événement d’une telle envergure internationale dans l’histoire locale, apparaît comme une victoire en soi qui permet au pays de rompre avec les stéréotypes. La Colombie n’est plus l’emblème du trafic de drogue et de la guérilla, mais plutôt le coeur mondial de la biodiversité. Et le pari du gouvernement colombien semble avoir été gagné, car avec près de 21 000 participants issus de plus de 190 pays, la COP16 est la plus importante des trente années d’histoire des sommets pour la biodiversité.

De plus, en transformant le centre historique de la ville en une « zone verte » vouée à la construction du processus de « paix avec la nature » et offrant de nombreuses activités culturelles et éducatives relatives à la biodiversité, le gouvernement colombien a manifestement choisi de miser sur la participation populaire. Il y règne un esprit d’ouverture, de paix et d’espoir qui repose sur la ferme conviction que la biodiversité vaut la peine d’être sauvée quoi qu’il en coûte. La préservation de la diversité de la vie sur Terre est l’affaire de tous et le dialogue ne peut se limiter qu’aux experts et aux dirigeants.

L’objectif de la COP16 est d’implanter concrètement dans le plus grand nombre d’États le Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal, adopté lors de la COP15, en décembre 2022, qui se voulait un « plan ambitieux visant à mettre en oeuvre une action de grande envergure afin de transformer le rapport de nos sociétés avec la biodiversité d’ici à 2030 ». Pour la plupart des groupes engagés sur ces enjeux, et notamment les peuples autochtones, qui sont très présents à la COP16, cela veut dire changer de paradigme : donner la priorité à la préservation de la vie plutôt qu’à la croissance économique ; ne pas considérer la nature comme une ressource à exploiter, mais plutôt comme une partie intégrante de nous-mêmes dont il faut prendre soin.

En somme, cela signifie sortir de l’extractivisme. Plutôt que de considérer la nature comme un réservoir de ressources à extraire pour produire, consommer et gaspiller toujours plus, il faut extraire de nous-mêmes cette tentation consumériste, changer notre mode de vie pour mieux respecter la vie.

« L’accumulation du capital et la croissance infinie du profit conduisent automatiquement à la fin de la vie si leur moteur est le pétrole, le charbon et le gaz » – Gustavo Petro, président de la Colombie

Selon lui, « lorsque l’intelligence artificielle se conjugue avec le pétrole, le charbon et le gaz, elle contribue à l’effondrement du climat et construit l’Armageddon ». Pour sa part, Susana Muhamad, ministre colombienne de l’Environnement et présidente de la COP16, a rappelé que « l’utilisation extractiviste des ressources naturelles génère aujourd’hui 50 % des émissions de gaz à effet de serre, mais dans le même temps, elle est également à l’origine de 90 % de la perte de biodiversité ». Aussi, selon elle, l’objectif de la COP16 doit-il être ambitieux. « Il ne s’agit pas seulement de mécanismes de mise en oeuvre [de l’accord Kunming-Montréal], il s’agit fondamentalement de recomposer le modèle de développement, de repenser et redécouvrir comment nous vivons ensemble dans la diversité. »

Si la COP existe, c’est que les mesures néolibérales extractivistes et colonialistes détruisent les territoires. Ces territoires dont les peuples autochtones, et en premier lieu les femmes, sont traditionnellement les gardiens. C’est pourquoi cette question de la défense du territoire, source de vie menacée par la logique extractiviste, apparaît au coeur des enjeux à Cali. Dès l’ouverture de la conférence, la Colombie a avancé plusieurs propositions, notamment celle visant à protéger 34 % des aires terrestres, de l’eau douce ainsi que des milieux marins et côtiers.

Le pari du gouvernement colombien de faire de cette « COP du peuple » un moment de rupture dans les négociations internationales sur les enjeux climatiques est une grande occasion. Les peuples autochtones nous tendent la main pour construire avec nous un avenir durable. Saurons-nous les écouter ? Saurons-nous respecter les ententes ? Saurons-nous reconnaître notre responsabilité dans la crise environnementale et avoir le courage de changer de paradigme ?

Ce détour par Cali pour repenser les stratégies de sortie de crise face à la perte de biodiversité nous fait dire que de s’associer à Goldman Sachs pour sauver Northvolt n’est pas véritablement une solution qui amènera des changements transformateurs au Québec. Penser global et agir local, le slogan est plus que jamais pertinent. Commençons donc, nous aussi, à prendre soin de nos territoires. Il y va de l’avenir de l’humanité.