Amélie David, collaboration spéciale et correspondante basée à Beyrouth
Je ne sais plus quoi dire. Ni plus quoi écrire. Il n’y a pourtant pas si longtemps que la guerre au Liban fait partie de mon quotidien. Des semaines, de manière intense. Un peu plus d’un an d’une manière plus éloignée. Ce matin, comme de nombreux autres au cours de la semaine, j’ai entendu le bruit des bombes. Une explosion. Puis une autre. Israël a de nouveau frappé ce qu’on appelle le cœur de Beyrouth : c’est-à-dire un quartier autre que la banlieue sud. Une nouvelle fois, il y a eu les cris, la panique, le chaos. Des gens désorientés dans les rues de Beyrouth… Cette poussière grisâtre à la suite de bombardements qui enveloppe la ville d’un épais manteau. Et j’ai l’impression, qui me colle à la peau. Le verre cassé, les immeubles éventrés… Les personnes blessées. D’autres, tuées aussi.
Cette semaine a été de nouveau meurtrière pour le Liban avec de nombreuses personnes qui ont perdu la vie dans les bombardements israéliens : au sud du pays, à l’est, mais aussi au nord, dans le Akkar pour la première fois, et donc à Beyrouth. Nous nous demandons bien encore ce qu’ils peuvent bien vouloir détruire dans la banlieue sud. Quelle sera la prochaine cible ?
Nous sommes suspendu.es aux annonces de l’armée israélienne, aux avis d’évacuation de son porte-parole arabophone. Quels quartiers seront visés dans la prochaine heure ? Dans la prochaine minute ?
Mais parfois, la frappe arrive. Le missile s’abat sur le bâtiment sans qu’aucun ordre d’évacuation n’ait été donné. Les Israélien.nes jouent avec nos nerfs. Sans parler de ce drone qui bourdonne, toujours, de manière incessante, au-dessus de nos têtes. Qui nous rappelle que la menace est omniprésente. Qu’une frappe peut survenir à n’importe quel moment. Et que les endroits censés être sûrs… ne le sont pas vraiment.
L’État Israélien joue avec nos nerfs, avec notre moral et notre santé mentale. Pour combien de temps encore ? Cette semaine ils ont tué 15 secouristes dans la Bekaa dans la ville de Baalbek. Ces héros étaient regroupés dans le centre de secours à la fin de journée. Le bâtiment a été frappé. 15 morts, au moins. D’autres personnes blessées. Des vies fauchées alors que ces gens sont sur le pied de guerre pour venir en aide aux victimes des bombardements. Qui pourra le faire désormais ? Centre de secours ou de soins, hôpitaux, ambulances : les équipes sont prises pour cible. On dira qu’ils travaillaient pour le Hezbollah, qu’ils étaient membres du parti. Personne ne s’en offusquera. Après tout, ce ne sont que des terroristes.
Israël n’épargne rien ni personne. Et tant pis si, pour atteindre une cible du Hezbollah, il faut détruire des bâtiments résidentiels, ôter la vie d’un enfant ou d’une personne âgée, d’un citoyen lambda. Victimes collatérales. Jusqu’à quand ? Combien encore en faut-il ? Les mots viennent à manquer pour décrire et rapporter ce qu’il se passe ici. Les mots restent, soi-disant. J’ai l’impression que les nôtres, ici, s’envolent et disparaissent.