Mobilisation devant le parlement canadien lors de la négociation de l'ALÉNA qui s'est conclue en 2018 @ photo JdA-PA

Une journée d’étude de réseaux sociaux des trois pays signataires de l’Accord Canada États-Unis Mexique (ACÉUM) aura lieu le 11 décembre prochain. Le Réseau pour le commerce et la justice (TJN – Trade Justice Network) et le Réseau québécois pour une mondialisation inclusive (RQMI — anciennement RQIC) seront du rendez-vous. Nous publions la lettre que le TJN a fait parvenir au gouvernement canadien dans le cadre de la consultation sur la révision de l’ACÉUM le 30 octobre dernier.

La lettre, qui fut transmise avant les élections américaines de novembre dernier, présente les grandes orientations qui animeront les représentations des mouvements syndicaux et environnementaux du Canada au cours des négociations qui viennent. Elle s’appuie sur l’analyse du Centre canadien des politiques alternatives publiée en mai dernier.


Le Réseau pour le commerce et la justice (TJN – Trade Justice Network) est un regroupement canadien d’organisations syndicales, environnementales et de justice sociale. Les membres comprennent le Congrès du travail du Canada, Unifor, le Syndicat canadien de la fonction publique, les Métallurgistes unis, le Réseau canadien d’action pour le climat et le Syndicat national des cultivateurs. Au total, le TJN représente plus de trois millions de personnes.

Trade Justice Network

Le 30 octobre 2024
Affaires mondiales du Canada

(…) Notre principale demande est que les voix des travailleuses et des travailleurs, des étudiant.es, des femmes, des peuples autochtones, les voix de la majorité de la population canadienne, soient pleinement prises en compte et que vos positions de négociation reflètent les préoccupations de nos organisations membres.

Le TJN travaille avec des organisations sœurs aux États-Unis et au Mexique et nous partageons de nombreuses préoccupations communes. Nous encourageons les responsables de la négociation pour le Canada à se présenter à la table de l’ACÉUM avec des propositions visant à améliorer la protection des travailleuses et travailleurs et à étendre — et faire respecter — les éléments de « commerce inclusif » de l’accord, notamment : les droits du travail ; l’extension du mécanisme de réaction rapide en matière de travail ; le bannissement du règlement des différends entre investisseurs et États (RDIÉ) de l’AÉCUM et d’autres accords commerciaux ; l’extension des protections environnementales ; et le renforcement des dispositions relatives à l’égalité des sexes, aux autochtones et à d’autres formes de lutte contre la discrimination.

Voici une liste plus détaillée des priorités que nous partageons au sein du TJN :

1. Améliorer et étendre les dispositions du mécanisme de réaction rapide en matière de travail (MRR) dans le chapitre sur le travail de l’AÉCUM.

  • a) Le MRR ne s’applique actuellement que dans des circonstances très limitées aux États-Unis et au Canada. Nous pensons que cette disposition devrait être élargie pour inclure toute violation importante du droit à la liberté d’association et à la négociation collective, tant au Canada qu’aux États-Unis.
  • b) Étendre l’application du MRR au-delà des travailleuses et des travailleurs impliqué.es dans la fabrication de biens, la fourniture de services ou l’exploitation minière pour couvrir également d’autres domaines liés au commerce, y compris l’énergie, le secteur des services au sens large, l’agriculture et les travailleuses et travailleurs migrant.es.
    c) Élargir la définition du « déni de droits » dans le cadre du MRR afin d’inclure, en plus de l’actuelle disposition relative à la liberté d’association et aux droits de négociation collective, la protection contre la discrimination fondée sur le genre, l’orientation sexuelle ou l’expression de genre, la violence fondée sur le genre, le travail des enfants, la santé-sécurité. Les violations de ces engagements devraient constituer un motif de plainte.
  • d) S’engager dans le renforcement des capacités collaboratives dans le cadre de l’ACÉUM pour renforcer les mécanismes d’inspection et d’application de la loi au Mexique et pour soutenir, par des moyens et du financement, un comité de surveillance indépendant avec le mandat de collecter des données et d’offrir une formation concernant l’application de la législation du travail.
  • e) Mettre en œuvre des mesures législatives canadiennes significatives pour bloquer l’importation de biens produits en recourant au travail forcé ou obligatoire, comme l’exige l’article 23.6 de l’ACÉUM.

2. Renforcer l’application du chapitre sur l’environnement de l’AÉCUM

  • a) Établir un mécanisme de réponse rapide (MRR) pour les plaintes en matière d’environnement, sur le modèle des dispositions spécifiques du chapitre sur le travail de l’ACÉUM. Cela renforcera et codifiera l’application des obligations environnementales.
  • b) Négocier une clause de paix climatique qui protège les mesures visant à réduire les émissions ou pour répondre suivant l’urgence climatique à une éventuelle entente d’un différend entre États et entre investisseurs et États dans le cadre de l’AÉCUM.
  • c) Élargir la liste des obligations environnementales multilatérales qui peuvent être mises en œuvre par le biais du processus de règlement des différends entre États de l’AÉCUM pour inclure la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), l’Accord de Paris et les Objectifs de développement durable.

3. Mécanismes de règlement des différends de l’AÉCUM

  • a) Créer des conditions de concurrence équitables dans toute l’Amérique du Nord en matière d’investissement en éliminant complètement le règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE) au Mexique, déjà éliminé entre le Canada et les États-Unis.
  • b) Proposer de supprimer l’accès à la procédure de règlement des différends entre investisseurs et États dans l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) pour les investisseurs canadiens au Mexique et les investisseurs mexicains au Canada.

4. Droits humains — Genre, peuples autochtones, autres catégories protégées

  • a) Exiger l’inclusion d’un chapitre sur le genre dans l’AÉCUM et élaborer des moyens par lesquels les dispositions de ce chapitre peuvent être soumises au règlement des différends.
  • b) Procéder à un examen approfondi de l’équité et à une analyse basée sur le genre de l’AÉCUM, et examiner comment une analyse intersectionnelle pourrait conduire à une meilleure inclusion des dispositions conçues pour traiter la manière dont le commerce peut avoir des effets négatifs sur les femmes, les personnes racialisées et d’autres groupes désavantagés.
  • c) Le Canada et les États-Unis devraient convenir de soutenir financièrement les éléments de la réforme du travail mexicain relatifs à l’égalité entre les hommes et les femmes, ainsi que les efforts déployés par les militant.es des syndicats mexicains pour organiser les travailleuses et fournir des services de renforcement des capacités, de formation et d’autres mesures.
  • d) Inclure les organisations de femmes et LGBTQI+ des trois pays dans le processus d’examen semestriel de l’AÉCUM.
  • e) Engager largement les communautés autochtones d’Amérique du Nord, y compris les Premières Nations, la population inuite et les Métis, dans la préparation et la négociation de l’examen semestriel de l’AÉCUM dans les trois pays.

Nous apprécions l’occasion qui nous est donnée de contribuer à l’examen de l’AÉCUM. Les élections dans les trois pays (une en moins, deux à venir) apporteront de nouveaux défis et de nouvelles parties négociantes à la table. Nous vous demandons, tout au long du processus, de ne pas perdre de vue les travailleuses, les travailleurs, les agricultrices et les agriculteurs et leurs familles qui font tourner le moteur économique du Canada — et de veiller à ce que, dans l’esprit, ils et elles soient également présent.es à la table des négociations.

Soumis au nom du Réseau pour la justice dans le commerce par Angella MacEwen, co-présidente de TJN, le 30 octobre 2024