Sacha Dessaux, correspondant en stage

Un peuple formant une nation souveraine a besoin d’être reconnu par la communauté internationale pour pouvoir exercer l’ensemble de ses prérogatives dans une perspective internationale : accord bilatéral, participation à des instances internationales entre autres. Pour Michel Seymour, cet argument fonctionne aussi pour les nations non souveraines, qui devraient être reconnues par la nation-état dont elle fait partie pour bénéficier de tous ses droits.

Le Journal des Alternatives s’est rendu à La Livrerie à Montréal pour la dernière présentation de Michel Seymour du cycle sur Nations et nationalisme au XXIe siècle dans le cadre des activités de l’UPOP. Le philosophe revenait sur le droit à l’autodétermination d’une nation en commençant par la question de la reconnaissance, puis par celle de l’autodétermination et de la théorie de la Juste cause.

La reconnaissance comme antidote à l’instabilité sociale

En plus d’affirmer l’importance de la reconnaissance de la part de la communauté internationale, Seymour affirme que, par exemple, demander à une nation qui est située sur le territoire d’un état souverain de se soumettre est problématique. En forçant l’abandon de la souveraineté d’une nation minoritaire, on crée naturellement une instabilité et un déséquilibre, qui conduisent potentiellement à un clivage voire à du séparatisme, comme c’est le cas en Catalogne notamment.

Un troisième argument plus abstrait compare les peuples à des individus. Seymour explique que comme un individu va avoir besoin de reconnaissance à son échelle pour vivre heureusement, le même exemple se transmet aussi à l’échelle collective. Autant un individu qu’une nation non souveraine a besoin de reconnaissance.

Seymour rappelle ensuite que la politique de reconnaissance est une politique fondamentale de la différence. Il prend en exemple la politique Color Blind (pas de différences, pas de discrimination) du gouvernement canadien dans les années soixante avec le fameux livre blanc de Jean Chrétien, qui visait grossièrement à éliminer le statut spécial d’« indien » dans un but assimilationniste. Malgré tout leurs défauts, la loi sur les Indiens et le statut d’Indien restent certains des seuls outils constitutionnels reconnaissant une personnalité juridique aux autochtones.

Limites du droit à l’autodétermination et théorie de la Juste cause

Si une nation a droit à l’autodétermination, cette notion se doit d’être nuancée. L’autodétermination n’est pas nécessairement cause de la naissance d’un nouvel état souverain, elle peut aussi être interne.

L’autodétermination interne peut s’exprimer de différentes manières. La forme la plus classique d’autodétermination interne est la disposition d’un gouvernement autonome sur un territoire donné, comme ça peut être le cas au Nunavut notamment.

Seymour nomme aussi le droit à la représentation politique dans les institutions politiques de l’état souverain dont la nation fait partie. Dans le même ordre d’idées, on peut citer le droit d’un peuple de participer à la conversation constitutionnelle pour toutes conversations le concernant. D’ailleurs, se doter d’une constitution interne reconnue par l’état souverain est une manière de s’autodéterminer. Ces droits-là sont considérés par Seymour comme des droits inhérents, et leur non-respect autorise alors les peuples à utiliser leurs droits à la sécession.

Autodétermination externe

Il y a évidemment différentes modalités à l’exercice du droit d’autodétermination externe. Que ce soit le droit de sécession, donc la création de son propre état, ou le droit d’association, qui est un changement d’allégeance à un autre état souverain, tous deux viennent en violation de l’intégrité territoriale de l’état souverain. Le droit d’autodétermination externe n’est donc pas un droit inhérent, il est conditionnel et nécessite une cause juste (joug colonial, occupation illégale ou donc manque de respect des droits inhérents…) pour être utilisé.

Michel Seymour nous montre donc que le droit à l’autodétermination doit exister dans une volonté à la fois de respect et de reconnaissance de chaque personne, mais aussi dans un but plus pragmatique de stabilité nationale et globale.


Activité Upop : Une théorie de la juste cause pour les nations avec et sans État
Lundi 9 décembre 2024, 19 h, La Livrerie
Principe des nationalités et droit à l’autodétermination ; droit moral et droit légal ; droit à l’autodétermination interne et externe ; droit inhérent et droit conditionnel ; droit inhérent à l’autodétermination interne et droit conditionnel à l’autodétermination externe ; sécession remède ; critiques d’Allen Buchanan ; Droit international et sécession remède ; droits des diasporas.

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