Stefan Christoff : l’interdépendance de l’art et de l’activisme

Photo: Catherine Pappas

Lina Al Khatib est correspondante au Journal des Alternatives

Dans un contexte de crises globales, Stefan Christoff met un point d’honneur à rappeler que l’art est profondément ancré dans son environnement. Artiste multidisciplinaire, il multiplie les collaborations à travers le monde et mêle les médiums et les styles pour créer un art unique et engagé.

Fondateur du « Free City Radio », émission hebdomadaire qui allie justice sociale et arts, Stefan Christoff est une figure incontournable de la communauté engagée de Montréal. Son dernier album, « Transmissions in silver », allie piano, guitare et voix dans une exploration sonore qu’il qualifie de spirituelle. Selon Christoff, un art sans contexte n’existe pas et l’artiste ne crée pas sans convictions politiques.

Du Printemps érable à la Palestine

De la même manière, les mouvements sociaux se maintiennent à travers l’art. Stefan se remémore les chants emblématiques du Printemps érable en 2012 où, au cœur du soulèvement, une créativité débordante servait à amplifier les voix étudiantes et à fédérer leurs revendications. Membre fondateur du mouvement « Musicians for Palestine », il incarne à la fois le rôle d’observateur et de participant actif dans la synergie entre Art et activisme.

Stefan associe une responsabilité morale et éthique à son statut d’artiste et s’attribue un devoir de dénoncer l’injustice sociale. Son engagement dans la lutte pour les droits des travailleuses et travailleurs s’inscrit en plein dans sa démarche, tout comme son implication dans la campagne en soutien aux salarié·es de Dollarama.

Dans la dernière année, les artistes engagé·es pour la cause palestinienne ont été au premier rang des protestations et des campements. Christoff décrit ces espaces comme des lieux d’éducation populaire, de débats constructifs, et, surtout, d’un lyrisme puissant où se manifestent des aspirations collectives. Après avoir écouté les vers des manifestant·es à l’Université de McGill, le constat était clair : l’art se révélait incontestablement social.

La rue, un espace de création

Si l’art et l’engagement se mêlent dans toutes les sphères, Stefan Christoff privilégie celle de la rue : « Le processus artistique est dynamique », dit-il. La rue capture l’essence même de la proactivité artistique. Ses sérigraphies, qu’il placarde dans différents quartiers de Montréal, visent à atteindre le public dans son environnement naturel où aucune frontière ne le sépare de son auditoire. Il insiste aussi sur l’abolition des barrières : pour renverser les dynamiques du pouvoir et apporter des changements significatifs, les artistes doivent d’abord entretenir des relations sans hiérarchie et se dévouer entièrement à la cause. C’est ce qu’il applique à sa propre échelle, que ce soit dans la rue ou dans le studio d’enregistrement.

Notre époque est marquée par des troubles et des incertitudes sur le plan politique. Stefan Christoff appelle à un retour vers des formes créatives de lutte, plutôt que de se cantonner à une posture de réaction aux discours conservateurs. En parallèle, il dénonce une instrumentalisation accrue de l’art par la droite, surtout lors des dernières élections américaines. Donald Trump et ses partisans y ont souvent détourné des chansons populaires pour servir leur idéologie, ce qu’il déplore fortement.

Dans un monde où l’on tente désespérément de détacher l’artiste de la politique, Stefan Christoff nous rappelle combien l’art joue un rôle essentiel pour changer le monde.