Au Mali, Assimi Goïta interdit les activités politiques et impose la terreur Crédit photo L'Humanité

Serigne Sarr, collaborateur à Dakar

Alors que les figures de l’opposition disparaissent, le gouvernement militaire de transition du Mali a décrété, le mardi 13 mai, la dissolution de tous les partis politiques et leur a interdit toute activité sur l’ensemble du territoire. Mais les responsables du mouvement pro-démocratie qui a éclos au début du mois se savent traqués : depuis jeudi, deux ont été enlevés par la Sécurité d’État et restent introuvables. Deux autres ont échappé à des tentatives d’enlèvement. Un cinquième a subi une attaque au couteau.

Le jeudi 8 mai, l’ancien député Alhassane Abba, secrétaire général du parti Codem et vice-président de la coalition Jigya Kura a été enlevé à son domicile de Bamako par la Sécurité d’État. Le même jour, El Bachir Thiam, militant du parti Yelema, a été enlevé en pleine rue, également par la Sécurité d’État. On ignore où ils sont détenus depuis.

Deux autres cadres politiques — Baïssa Koné, président du parti VNDA et Ibrahima Tamega, du parti La Convergence et du Collectif des jeunes pour la démocratie — ont échappé à des tentatives d’enlèvements, vendredi, dans la capitale malienne. Quant à Cheick Oumar Doumbia, du Collectif des jeunes pour la démocratie, il a été agressé au couteau dans la nuit de vendredi à samedi. Il n’a été que très légèrement touché, grâce à l’interposition de ses amis. Ses auteurs pourraient ne pas être des agents maliens, mais des nervis à la solde des autorités, ou de simples soutiens exaltés.

«Le pouvoir pense qu’il faut terroriser les gens», commente encore Ismaël Sacko, «enlever les gens, faire en sorte que les leaders d’opinion n’osent plus sortir, que la population ne s’exprime plus. C’est aussi la preuve de l’échec d’un pouvoir qui est au soir de son crépuscule.»

Contrairement aux jours précédents, aucun enlèvement ni aucune agression n’ont été rapportés ce dimanche 11 mai. Toutefois, les voix qui revendiquent l’organisation d’élections et le respect des droits de la population malienne sont désormais menacées. L’opposition malienne en exil s’exprime en leur nom.

«C’est un climat délétère, un climat de terreur que les autorités en place sont en train de perpétrer contre une population qui a décidé de réclamer ses droits de liberté et de démocratie», s’indigne Ismaël Sacko, président du parti PSDA et membre de la coalition Jigiya Kura. «Cela doit cesser. La justice doit jouer pleinement son rôle. tout le monde a le droit à la parole, le droit de défendre son opinion devant le peuple malien.»

«C’est une véritable chasse à l’homme qui mène actuellement le régime autoritaire d’Assimi Goïta contre les défenseurs de la démocratie au Mali», abonde Kadidia Fofana, présidente des «Forces vives de la diaspora» et du mouvement politique d’opposition «Tous concernés». «Ces agressions se déroulent sous l’œil indifférent de la justice malienne, devenue complice de son silence. Il ne s’agit pas d’incidents isolés», estime-t-elle, «mais d’une stratégie délibérée d’intimidation, de terreur et de répression visant à museler toutes les voix discordantes. Le peuple malien est pris en otage, privé de toutes ses libertés fondamentales», ajoute avec colère l’ancienne conseillère municipale de la commune II de Bamako.

«Aujourd’hui, personne n’est à l’abri d’une agression», déplore Kadidia Fofana.
«Nous avons vu récemment les appels à la violence, les incitations à la haine de certains membres du CNT (Conseil national de Transition), de responsables de mission de la Primature, qui n’hésitent pas une seconde, à visage découvert, sur les réseaux sociaux, à menacer des citoyens et citoyennes du Mali qui n’ont demandé que le retour à l’ordre constitutionnel».

«Le peuple a aujourd’hui soif de démocratie et de liberté » estime enfin Simaël Sacko. «Cinq ans sans résultats! Cinq ans dans l’obscurité! Les gens disent “non” à la dictature d’Assimi Goïta. Il est temps et le peuple a décidé de prendre son destin en main pour choisir son président et ses élus. C’est un droit constitutionnel, rappelle l’opposant en exil, il faut respecter la Constitution qu’ils ont eux-mêmes fait voter» . rappelons qu’en 2023, les autorités de transition ont adopté une nouvelle loi fondamentale.

Et Kadidia Fofana de conclure : «Nous n’avons d’autre choix que de continuer.»