Charlie Wittendal, correspondant au Journal des Alternatives et responsable des communications au FSMI
À l’occasion du Forum social mondial des intersections (FSMI), qui aura lieu du 29 mai au 1er juin 2025, l’organisation ATTAC Québec présente deux activités : Atelier sur l’empreinte écologique individuelle, dont les vols en avion, et Atelier discussion sur le lobbyisme. Wedad Antonius, membre du conseil d’administration d’ATTAC Québec depuis neuf ans, enseignante en mathématiques et militante de longue date pour la Palestine, explique la nécessité de ces activités et leur ancrage dans le contexte politique actuel.
ATTAC : une organisation ancrée dans les forums sociaux mondiaux
Né en 2000 au Québec, ATTAC (Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne) fête ses 25 ans. Il fait partie d’un vaste réseau international, « Global ATTAC ».
Depuis sa création, l’organisation s’est toujours inscrite dans le mouvement altermondialiste et en relation étroite avec les Forums sociaux mondiaux (FSM). Dès le premier FSM à Porto Alegre, au Brésil en 2001, ATTAC était présent, et a continué de s’impliquer dans les forums suivants. Que ce soit en organisant des activités ou simplement en participant, c’est un moyen pour le groupe de créer des connexions avec les autres groupes ATTAC à l’international, et les autres organisations militantes à travers le monde.
L’idée à l’origine d’ATTAC est simple : militer pour mettre en place la taxe Tobin, une microtaxe de 0,01 % sur les transactions financières internationales, qui permettrait de financer des projets de développement équitables à travers le monde. Si cette proposition a été le point de départ, les engagements d’ATTAC se sont rapidement élargis.
Aujourd’hui, le collectif milite activement pour la justice fiscale, sociale et écologique. Il déploie ses actions sur deux volets complémentaires : l’éducation populaire, via des formations, des publications, comme leur journal L’Aiguillon, et des conférences, et l’action directe, qu’il s’agisse de manifestations, de campagnes de sensibilisation ou de dépôts de mémoires aux gouvernements. Un axe central de leur travail actuel concerne les lobbys, dont l’influence opaque mine les processus démocratiques.
ATTAC et le Forum social mondial des intersections
C’est dans cette perspective que le FSMI a immédiatement capté l’intérêt d’ATTAC. Présente depuis les tout premiers Forums sociaux mondiaux, l’organisation voit dans cette initiative à Montréal une occasion précieuse de tisser des liens.
« Ce qui nous a particulièrement attirés, c’est l’approche par les intersections. Tout est interconnecté aujourd’hui, et il faut de la connivence entre les organismes militants », souligne Wedad. « Parfois, les mêmes luttes s’expriment par l’art, la poésie, la musique ou la réflexion. C’est une richesse incroyable. »
ATTAC y présentera deux activités phares. La première, sur l’empreinte écologique individuelle, dont les vols en avion, propose une réflexion accessible et participative.
Partant de la reconnaissance que l’empreinte individuelle est moindre que l’empreinte industrielle, et pour lequel il est nécessaire de mettre de la pression sur les industries pour qu’elles diminuent ou cessent leurs activités, Wedad remarque cependant que l’impact possible sur ces grandes entreprises est limité. Ce sur quoi on peut agir facilement, à l’inverse, c’est notre impact individuel.
Cette activité présentera un logiciel qui permet, à travers des outils de calcul, d’estimer l’impact environnemental de chacun·e et d’identifier des pistes concrètes pour le réduire.
La seconde activité dans le cadre du FSMI portera sur les lobbys. Ils sont présents dans tous les secteurs (pesticides, énergie fossile, paradis fiscaux, OGM…) et impactent directement les décisions politiques. En collaboration avec d’autres groupes militants, ATTAC présentera une campagne citoyenne visant à modifier la législation sur les lobbys.
Au-delà de la mobilisation immédiate, ATTAC espère surtout provoquer un changement d’attitude durable. Le groupe cherche à démystifier l’économie, éveiller l’envie d’en savoir plus, et outiller les participant.es pour agir concrètement, en misant sur l’éducation populaire comme levier de changement.
Des activités ancrées dans un contexte de montée en puissance de la droite
Dans un contexte politique mondial préoccupant, la mobilisation citoyenne est plus urgente que jamais. La montée de la droite dans de nombreux pays n’est pas nouvelle, mais ce qui se passe aujourd’hui marque un tournant plus inquiétant encore. On assiste à un affaiblissement du droit international, autrefois garant d’un minimum de justice globale. Le cas le plus inquiétant et révélateur est celui de Gaza, où un génocide se déroule dans une impunité totale.
Malgré les résolutions adoptées presque à l’unanimité à l’ONU, rien ne change. Tout cela parce que les grandes puissances refusent d’imposer des sanctions concrètes, rendant les institutions internationales impuissantes. Ce désengagement remet en question tout l’édifice juridique mis en place après la Seconde Guerre mondiale pour préserver la paix. Ce système, qui a longtemps joué un rôle fondamental, semble aujourd’hui vidé de sa portée.
Dans ce contexte inquiétant, Wedad affirme : « La seule façon de réagir, c’est de se mettre tous ensemble, pas seulement tous ensemble au Québec, mais aussi à l’international. » Si les Forums sociaux mondiaux ne sont pas aussi importants qu’ils l’ont été, c’est aujourd’hui essentiel de se rassembler pour construire « un autre monde », plus juste, égalitaire, respectueux des peuples et du vivant.